
Les enjeux de représentation des marges au sein d’un système (Campus Condorcet, Aubervilliers & en ligne)
Les enjeux de représentation des marges au sein d’un système
Séminaire de doctorant.e.s
La marge est “l’espace blanc laissé autour ou simplement d'un seul côté d'un texte manuscrit ou imprimé”. Le terme a été repris par exemple en géographie, sociologie, études culturelles, anthropologie, pour désigner des espaces périphériques qui échappent aux normes et codes centraux, hégémoniques. Que cela soit subi ou voulu, les personnes placées à la marge développent dès le départ une culture, des représentations différentes et parfois en opposition aux normes hégémoniques. Dans les arts cette notion de norme et de marge est aussi présente. La norme est représentée par des genres ou styles considérés comme plus légitimes. L’appartenance à des cultures perçues comme dominantes mais aussi les modes de production, de diffusion ou les lieux d’exposition entrent aussi en compte pour distinguer la norme de la marge. Mais si nous prenons la définition de l’expression “en marge”, elle apporte un autre élément important : “en dehors de, mais qui se rapporte à…”. Il existe donc un lien, des échanges entre la marge et, disons “la norme”. Le système capitaliste libéral dans lequel nous vivons, fait que même celles et ceux qui sont laissé.e.s de côté, entretiennent des liens avec ce système et sont nécessaires à son fonctionnement. En effet, ce même système peut venir s'inspirer de ces personnes qu’il marginalise, en reprenant leurs caractéristiques propres, d’un point de vue de leur représentation et de leur culture. Un des exemples les plus parlant aujourd’hui est celui du rap, genre musical fortement décrié, il y a encore quelques années, pour des raisons racistes et classistes et qui est devenu le genre le plus écouté. Cependant, pour accéder à cette popularité, le rap a été forcé de dépolitiser ses messages, ses enjeux ont dû évoluer.
Il existe donc de nombreuses tensions entre le système établi, ce qui est appelé “la marge” et des changements constants dans ce qui est considéré comme appartenant à la norme ou à la marge. La représentation des personnes marginalisées est aussi souvent un enjeu important. Il y a souvent un écart entre la façon dont sont imaginées les personnes marginalisées depuis un point de vue normatif, et comment elles se perçoivent depuis la marge. La notion de gaze intervient alors et le regard devient un outil de domination. Le terme est popularisé à partir de 1975 par Laura Mulvey dans son texte “Visual Pleasure and Narrative Cinema” où elle explore l’idée d’un regard masculin, “male gaze” qui fait des personnages féminins avant tout un objet de plaisir pour les spectateurs masculins. En réaction, bell hooks introduit le regard oppositionnel, en présentant le fait de regarder comme un acte qui peut être perçu comme subversif et capable de rendre de l’agentivité à des groupes sociaux dominés. Le concept de gaze a depuis été repris et a évolué. Mulvey elle-même est revenue plusieurs fois dessus, que ce soit pour préciser sa pensée ou répondre aux critiques émises sur son texte originel et les concepts théoriques qui en ont émergé. Ce séminaire pourra être l’occasion de mener une réflexion critique sur la notion de gaze et ses réemplois qui se sont multipliés ces dernières années.
L'enjeu de ce séminaire est de réfléchir aux liens de corrélation entre la marge et le système dominant et comment cela influe sur les représentations. Nous nous demanderons comment sont représentées les personnes marginalisées et comment elles parviennent à exister au sein de ce système. Il s’agira aussi de comprendre comment le système se réapproprie des représentations et cultures marginalisées et l’intérêt qu’il en retire.
Suggestions pour des axes de réflexion :
Un axe de recherche peut être celui de comparer les modes de représentations des personnes marginalisées et des personnes issues du système hégémonique. Existent-ils des différences notables dans l’écriture, la mise en scène, etc, et qu’est-ce que cela provoque chez les spectateur.ice.s ?
La question des lieux d’exposition et de conservation des œuvres peut se poser notamment dans des centres reliés à un pouvoir hégémonique. Nous pouvons prendre pour exemple dans les musées le peu d'œuvres exposées de femmes et minorité de genre, ou l’invisibilisation des lesbiennes.
Un autre axe de recherche peut être celui de la marge représentée par la norme et comment les personnes marginalisées sont perçues dans un contexte particulier. Nous pouvons aussi nous questionner sur l'intérêt que trouve la norme dans la représentation des marges et comment et pourquoi l’évolution du contexte, social, politique, historique peuvent faire varier l’engouement autour de certaines personnes marginalisées.
Interroger la notion d’hétérotopie foucaldienne au regard de l’avancée de la récupération capitalisante des marginalités par la société hégémonique.
Un autre axe de recherche pourrait interroger la représentation des minorités ethniques dans le cinéma occidental. Nous pourrions nous demander comment les réalisateurs, scénaristes, les artistes, les écrivains et les peintres représentent-ils la diversité ? Respectent-ils le mode de représentation des différentes cultures ? Recherchent-ils à dénoncer les discriminations raciales qui traversent nos sociétés occidentales ?
Ces axes de recherches ne sont pas exhaustifs et nous accueillons avec plaisir d’autres propositions d’intervention sur cette thématique. Le séminaire est ouvert aux doctorant.e.s et chercheur.euses en SHS, en philosophie, en histoire de l’art, en théâtre, en peinture et en cinéma.
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Début du séminaire : Octobre 2025
Nous organisons une séance de séminaire le troisième lundi de chaque mois, d'octobre 2025 à février 2026.
Première séance : Lundi 20 octobre 2025
Deuxième séance : Lundi 17 novembre 2025
Troisième séance : Lundi 15 décembre 2025
Quatrième séance : Lundi 19 janvier 2026
Cinquième séance : Lundi 16 février 2026
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Les intervenants sont invités à soumettre une proposition de communication au plus tard le 15 mai 2025 à l’adresse mail suivante : journeedetude.marginalite@gmail.com
Veuillez indiquer les informations ci-dessous :
Nom et affiliation de l’intervenant.e.
Coordonnées de l’intervenant.e (adresse électronique de préférence, contact téléphonique).
Université et laboratoire de recherche
Titre et résumé de la communication (d’une longueur de 500 mots maximum).
Une notice bio-bibliographique.
Les réponses se feront à partir du 15 juillet 2025. Le transport et l’hébergement sont à la charge des participants. Le séminaire sera disponible en visioconférence.
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Organisateurs :
Abel Delattre (doctorant en histoire de l’art contemporain, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
Camille Parrau (doctorante en études cinématographiques, Université Paris 8).
Lilou Arlaud (doctorante en études cinématographiques, Université Paris 8).
Mharion Cazaux (doctorante en histoire de l’art contemporain, Université de Pau et des pays de l’Adour).
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Lieu de l'événement : Campus Condorcet, Aubervilliers et en hybride.
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Bibliographie indicative
BECKER Howard, Outsiders - Études de sociologie de la déviance, Éditions Métailié, 2020.
BOURGET Jean-Loup, Hollywood, La norme et la marge, Armand Colin, Paris, 2005, 315 pages.
COOPER David, Psychiatrie et antipsychiatrie, édition Tavistok Pub. Ltd, 1967.
CUKIERMAN Leïla, DAMBUTY Gerty, VERGES Françoise et ATTIA Kader (éd.), Décolonisons les arts!, Paris, L’Arche, « Tête-à-tête », 2018, 143 p.
DE LAURETIS Teresa, Théorie queer et cultures populaires: de Foucault à Cronenberg, Paris, La Dispute, « Le Genre du monde », 2007, 189 p.
DYER Richard, White: Essays on Race and Culture, Routledge, Londres, 1997, 288 pages.
FOUCAULT Michel, Le Pouvoir psychiatrique, Cours au Collège de France (1973-
1974), Hautes études, EHESS Gallimard Seuil, 2003.
FOUCAULT Michel, Les hétérotopies: suivi de Les hétérotopies, Paris, Lignes, 2009.
FRANCAIX Pascal, Camp volume 1 : Horreur et Exploitation, Marest Editeur, Paris, 2021, 512 pages.
FRANCAIX Pascal, Camp ! volume 3 : Soap Opera & Camp Gay, Marest Editeur, Paris, 2023, 420 pages.
GOFFMAN Erving, Asiles, études sur la condition sociale des malades mentaux, éditions
de Minuit, 1961.
HALL Stuart, CERVULLE Maxime et JAQUEST Christophe, Identités et cultures: politiques des Cultural studies, Paris, Editions Amsterdam, 2017.
hooks bell, “The Oppositional Gaze: Black Female Spectator”, The Feminism and Visual Cultural Reader, 1992, pages 94–105.
JARVIE I. C, Movies and Society, New York: Basic Books, 1970.
LORD Catherine et MEYER Richard, Art & queer culture, London, Phaidon Press, 2013.
MacCANN, DYER Richard ed., Films and Society, New York: Charles Scribner's Sons, 1964.
MULVEY Laura, “Visual pleasure and Narrative Cinema”, Screen, n°16, Automne 1975, pp. 6-18.
PINES Jim, Blacks in the Cinema. London: Education Department, British Film Institute, 1971.
SONTAG Susan, Notes on Camp, Penguin Group, Londres, 2018 (1ère édition 1964), 64 pages.