Actualité
Appels à contributions
Quel statut des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales dans le contexte de l’université néolibérale ?

Quel statut des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales dans le contexte de l’université néolibérale ?

Publié le par Romain Bionda (Source : Mohamed CHAGRAOUI )

                                                                                
                                                                                                           
 

Laboratoire des recherches et des études brachylogiques

 (Discours, communication, arts, culture, société, histoire)

Appel à contributions 

Colloque international

 Tunis, 20-21 novembre 2025 

 

 

Quel statut des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales dans le contexte de l’université néolibérale ?

Pour tenter de poser la question du statut (épistémologique et institutionnel) des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales dans le contexte de l’université néolibérale (M. Boudet, 2020 ; C. Laval, 2014 ; C. Laval, F. Vergne, P. Clément, G. Dreux, 2011), il faut prendre en considération une dimension contextuelle: le brutal renversement des valeurs académiques opéré en faveur d’une survalorisation sélective des sciences « dures », « appliquées » et « rentables » aux dépens des sciences « molles » qui trouvent peu d’applications génératrices de profit. D’où la tendance de l’université néolibérale à rogner les connaissances qui ne sont pas immédiatement nécessaires et rentables pour le mode de production capitaliste, et à fermer ou reformater des départements de langues, de lettres, des arts et des sciences humaines et sociales. 
L’état des lieux de l’enseignement (J. Bacha, 2015 ; K. Bendana, 2024 ; M. Besbès, 2019 ; H. Ounaïna, 2021) « des disciplines du sens » (M. Conesa, P.Y. Lacour, F. Rousseau, J-F. Thomas, 2013), c’est-à-dire les langues, les lettres, les arts et les sciences humaines et sociales est accablant et alarmant. Il fait ressortir que ces disciplines sont la cible des grandes orientations de l’enseignement supérieur et que l’université néolibérale s’aligne de plus en plus ouvertement sur les exigences de l’ « "économie de la connaissance" qui vise précisément à faire l’économie de la connaissance, c’est-à-dire à se passer de la "connaissance" quand elle n’a pas de valeur économique sur le marché » (C. Laval, F. Vergne, P. Clément, G. Dreux, 2011). Le système « Licence-Master-Doctorat » favorise une université néolibérale avec une injonction à la professionnalisation présentée par la doxa comme « une condition de survie de l’Université [qui] maquille en réalité l’adaptation du monde académique au modèle néo-libéral et le transfert vers le marché des prérogatives prescriptives en matière de curricula » (C. Laval, F. Vergne, P. Clément, G. Dreux, 2011). 

Lorsqu’on veut essayer d’aller au-delà d’une simple constatation de la crise des enseignements en langues, lettres, arts et sciences humaines et sociales, il faut chercher les racines du problème du côté de l’idéologie de la formation sous-jacente au « système Licence-Master-Doctorat » : « adapter l’enseignement supérieur » aux besoins de l’économie capitaliste. L’argument idéologique partout déployé – de présentation très technocratique – est celui de l’« adéquation formation-emploi » (I. Voirol-Rubido et S. Siegfried, 2015), tout en omettant (délibérément ou non) de dire que les possibilités d’emploi sont plutôt fixées par les « bailleurs de fonds » et par les milieux gouvernementaux qui leur sont liés.

Les implications de cette emprise croissante du néolibéralisme sur l’université sont multiples. D’abord, une mise en cause de la légitimité des langues, lettres, arts et sciences humaines et sociales et une élimination progressive des parcours de formation de toutes les disciplines qui sont « inutiles ». Ensuite, un effacement du « sujet critique qui ne convient pas à l’échange marchand, c’est même tout le contraire qui est requis dans le démarchage, le marketing et la promotion (volontiers mensongère) de la marchandise » (Dufour, 2003). 

          Voilà ce qui justifie bien une recherche-réflexion collective et pluridisciplinaire sur les compressions imposées aux langues, aux lettres, aux arts et aux sciences humaines et sociales dans le contexte de l’université néolibérale. Dans ce sens, le laboratoire des recherches et des études brachylogiques (Discours, communication, arts, culture, société, histoire) consacre sa première manifestation scientifique au statut (institutionnel et épistémologique) des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales et à leur essence démystificatrice. Conformément à la vocation pluridisciplinaire, à l’éthique de l’esprit conversationnel et aux « principes de la révision et du partage des idées » (M. M’henni, 2024) fondateurs de la nouvelle brachylogie (M. M’henni, 2015), ce colloque ambitionne de redonner sens à la visée émancipatrice des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales au sein de l’université publique.  

Le comité scientifique du colloque accueillera toutes les contributions permettant de poser des interrogations fondées sur le statut des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales « prises en tenaille entre les agences de programmation, d’évaluation et de notation de la recherche, l’immixtion de contraintes économiques extérieures à leur champ [et] qui voient […] leur marge d’indépendance rétrécir » (Collectif Sciences sociales, 2013),  lesquelles interrogations pourraient être formulées comme suit :

1. Quel effort de conceptualisation faut-il engager pour déconstruire le discours idéologique qui est une dimension même de l’université néolibérale, pour favoriser une appropriation réfléchie et politique de mots (« compétence », « flexibilité », « employabilité », « professionnalisation », « capital humain ») qui constituent le noyau dur de ce discours et, donc, pour opérer un renversement de perspective ? 

2. Quels sont les soubassements anthropologiques de l’université néolibérale ?  Parce que derrière le discours de la « professionnalisation », de l’« employabilité », « il y a des questions philosophiques et politiques fondamentales » : quel enseignement des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales, « pour former quel type d’être humain, dans quelle société, dans quel monde, quelle vie, quel avenir ? » (Ch. Bernard, 2020)

3. Quelles sont les conséquences qui découlent du choix d’évincer progressivement des programmes de formation les langues, les lettres, les arts et les sciences humaines et sociales conçus comme laboratoire de pensée critique et véhicule de visions du monde, de l’homme et de l’Histoire ? 

4. Que faire pour ne pas laisser les « commissions qui mêlent des universitaires distingués à des hauts fonctionnaires férus d’entreprise (d’entreprenariat ?) ou préposés à l’ordre » (Ph. Boursier et W. Pelletier, 2019) imposer la compression de la teneur intellectuelle de l’enseignement des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales considérés comme cadre de pensée sur les questions fondamentales de la modernité (sociale, culturelle et politique) et de son devenir problématique ?

5. Quels liens de cause à effet peut-on établir entre les missions de l’université néolibérale, « le grand mouvement de déculturation et de désintellectualisation » de la société ? Le grand paradoxe d’une société officiellement définie comme une « société de la connaissance » n’est-il pas d’avoir « perdu de vue la fonction véritable de la connaissance » ? (P. Meirieu et M. Gauchet, 2011)

6. Peut-on considérer les médias (dominants) et le « commentaire politique et les débats de société » (P. Tevanian, S. Tissot, 2020) comme de véritables acteurs d’une domination symbolique qui participent des « imaginaires socio-discursifs» (P. Charaudeau, 2006) pour ancrer les termes-clés de l’université néolibérale dans les esprits ? 

7. Faut-il s’étonner du « règne de l’"idiocratie" » (B. Gaccio, 2019) ?

 

Les intéressés par la question du statut des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales dans le contexte de l’université néolibérale peuvent adopter une approche interdisciplinaire et proposer des communications autour des axes suivants :

 

1.      Discours idéologique de l’université néolibérale : « compétence », « flexibilité », « employabilité », « professionnalisation », « capital humain », etc.

2.      Vision de la formation, de l’homme, du monde et de l’Histoire sous-jacente à l’université néolibérale.

3.      Économie de la connaissance et compression de la teneur intellectuelle de l’enseignement des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales.

4.      Média et diffusion des « imaginaires socio-discursifs » de l’université néolibérale.

5.      Potentiel émancipateur des langues, des lettres, des arts et des sciences humaines et sociales.

 

Bibliographie sélective

 -Bendana, Kmar, « Les sciences humaines et sociales en Tunisie depuis 2011 : une navigation sans boussole ? », in Communications, n°114, 2024, p.113-124.

-Boursier, Philippe et Pelletier, Willy, Fondation Copernic (dir.), Manuel indocile de sciences sociales. Pour des savoirs résistants, Paris, La Découverte, 2019.

-Boutang, Yann Moulier, Le capitalisme cognitif, La Nouvelle Grande Transformation, Amsterdam, Multitudes/idées, 2008.

-Charaudeau, Patrick, Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert, 2005.

-Charlot, Bernard, Éducation ou barbarie : Pour une anthropo-pédagogie contemporaine, Paris, Economica-Anthropos, 2020.

-Collectif Sciences sociales, 2013.

-Conesa, Marc, Lacour, Pierre-Yves, Rousseau, Frédéric, Thomas, Jean-François (dir), Faut-il brûler les Humanités et les Sciences humaines et sociales ?, L’Atelier des SHS n°6, Paris, Michel Houdiard Éditeur, 2013. 

-« Contre l’idéologie de la compétence, l’éducation doit apprendre à penser. Entretien croisé avec Philippe Meirieu et Marcel Gauchet», par Nicolas Truong, in Le Monde, 2 septembre 2011. https://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/02/contre-l-ideologie-de-la-competence-l-education-doit-apprendre-a-penser_1566841_3232.html

-Dictionnaire de la nouvelle brachylogie, M’henni, Mansour (dir.), Tunis Éditions al-Mokaddima et Brachylogia, 2024. 

-Écrire l’histoire sociale de la sociologie en Tunisie, Ounaïna, Hamdi (dir.), Sfax, Med Ali Édition, 2021.

-Étude sur le Système National du Doctorat, Rapport du Groupe de Travail, Sous la direction de Mustapha Besbes, Académie tunisienne Beït al-Hikma, 2019. 

-Haecht, Anne Van, L’école à l’épreuve de la sociologie. Questions à la sociologie de l’éducation, Bruxelles, De Boeck Université, 2006.  

            -Gaccio, Bruno, « Indocilités – Conclusion décalée », in Philippe Boursier et Willy Pelletier, Fondation Copernic (dir.), Manuel indocile de sciences sociales. Pour des savoirs résistants, Paris, La Découverte, 2019, p. 1023-1025.

             -Hirtt, Nico « Éduquer et former, sous la dictature du marché du travail », in L’école démocratique, n°55, septembre 2013, p.3-17.

-Laval, Christian, Vergne, Francis, Clément, Pierre, Dreux, Guy, La Nouvelle école capitaliste, Paris, La Découverte, 2011.   

 -Laval, Christian, « De l’université néolibérale à l’université comme commun », in La Deleuziana, Revue en ligne de philosophie, n°13, 2021, p.118-134. 

-Loi n° 2008-19 du 25 février 2008, relative à l’enseignement supérieur, Journal officiel de la République tunisienne, 4 mars 2008.

-L’enseignement du français et en français à l’université, Textes réunis et présentés par Bacha, Jacqueline, Tunis, Imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2015.

-M’henni, Mansour, Le retour de Socrate (essai), Tunis, Éditions Brachylogia, 2015. 

-Mémoire reconstituée. Pour une histoire des humanités à l’Université tunisienne, Rifi, Hichem (dir.), Publications Universitaires de La Manouba, 2022.
-SOS École Université. Pour un système éducatif démocratique, coordonné par Boudet, Martine, Éditions du Croquant, 2020. 

-Tevanian, Pierre, Tissot, Sylvie, Les mots sont importants, Paris, Editions Libertalia, 2010.

-Voirol-Rubido, Isabel et Hanhart, Siegfried, « Face aux mutations des marchés de l’emploi, quelles politiques de formation ? », in Revue française de pédagogie, n°192, juillet-août-septembre 2015, p.5-10.

            -Wright, Erik Olin, Entretien par Ramzig Keucheyan, « Autour du marxisme et des "sciences sociales émancipatrices" », in Actuel Marx, n°63, 2018, p.202-212.

 

Comité scientifique :

Coordinateurs – Mohamed CHAGRAOUI, Hassen MOURI et Safa CHEBIL, Université de Tunis El Manar

 

Mohamed GHODHBANE, Université de Tunis El Manar

Aida BEN AHMED HADDAD, Université de Tunis El Manar

Mansour M’HENNI, Université de Tunis El Manar

Rached KHLIFA, Université de Tunis El Manar

Zouhour BEN AZIZA, Université de Tunis El Manar

Imed MELLITI, Université de Tunis El Manar

Mohsen KHOUNI, Université de Tunis El Manar

Khemaies OUERTANI, Université de Tunis El Manar

Om Ezzine BEN CHIKHA ELMESKINI, Université de Tunis El Manar 

Monia REKIK, Université de Tunis El Manar

Saloua BEN AHMED, Université de Tunis El Manar

Raouf GHRAM, Université de Tunis El Manar

Mouldi GASSOUMI, Université de Tunis

Salah MOSBAH, Université de Tunis

Farah ZAIEM, Université de la Manouba

Nizar BEN SAAD, Université de Sousse

Mustapha TRABELSI, Université de Sfax

Mongi KAHLOUL, Université de Gabès

Narjess SAÏDI, Université de Jendouba

Jalel TLILI, Université de Tunis El Manar

Sabeh AYADI, Université de Tunis El Manar

Dhafer NÉJI, Université de Tunis El Manar

 

Comité d’organisation :

 

Coordinatrices-Ghada NÉCHI, Besma FERTANI, Chahira BOUMEYA, Université de Tunis El Manar

Rim GAFSI, Université de Tunis El Manar

Hamdi OUNAINA, Université de Tunis El Manar

Sabeh BOULARĖS, Université de Tunis El Manar

Safa CHEBIL, Université de Tunis El Manar

Sabeur RADDAOUI, Université de Gafsa

Saloua TOUATI, Université de Gafsa

Nawel KHLEIFI, Université de Gafsa

Chiraz FERSI, Université de Tunis El Manar

Wafa SELMI, Université de Tunis El Manar

Mohamed CHAGRAOUI, Université de Tunis El Manar

 

Partenaires :

 

Laboratoire de recherches « Lumières, modernité et diversité culturelle », Université de Tunis El Manar 

Laboratoire de recherche École et littérature, Université de Sousse

 

 

 

Calendrier 

·         Date limite de soumission des propositions : 30 avril 2025

(Nom, prénom, affiliation, mail de contact, titre, résumé de 300 mots maximum, 5 mots-clés et brève biobibliographie) : 

·         Date de notification d’acceptation aux auteurs : 30 juin 2025

·         Date du colloque : 20-21 novembre 2025

·         Lieu : Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (ISSHT)

·         Responsable : Laboratoire des Recherches et des Études brachylogiques (Discours, communication, arts, culture, société, histoire), Université de Tunis El Manar

·         Adresse : Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis

            26, avenue Darghouth Pacha, 1007 Tunis

·         Adresse électronique du colloque : colloque.statut.lglashs.univ.neo@gmail.com