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Les écrivaines-critiques aux XIXe et XXe s. (Caen & Séville)

Les écrivaines-critiques aux XIXe et XXe s. (Caen & Séville)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Julie Anselmini)

Journées d’étude – Université de Séville & Université de Caen Normandie

Les écrivaines-critiques (XIXe-XXe siècles)

4 décembre 2025 – 26 mars 2026 

Au XIXe siècle, la critique n’a pas bonne presse : quand elle n’est pas académique, elle se compromet avec le journalisme et les nouvelles conditions médiatiques, qui amènent sa cohabitation suspecte et ses interférences avec la publicité ou « annonce » et l’entachent d’un soupçon de vénalité. On assiste ainsi tout au long du XIXe siècle – en attendant un anoblissement de la critique à la fin du XIXe siècle et surtout au siècle suivant – à un dialogue houleux et parfois même à un conflit ouvert entre les écrivains, qui sont les premières cibles des critiques, et ces derniers[1]. Pour autant, les écrivains se font eux-mêmes souvent critiques, bon gré mal gré, qu’ils y soient contraints par des nécessités « alimentaires » ou qu’ils aient l’ambition de redorer le blason de la critique en la rendant à la noblesse de ses missions : trier (c’est le sens originel du verbe grec crinein, étymon de « critiquer »), distinguer, analyser, juger les œuvres et éclairer le lectorat et le public, à l’ère d’une démocratisation de la littérature, des spectacles et de la culture artistique dans un espace que la modernité et les progrès techniques en matière de diffusion élargissent au-delà des frontières nationales.

Dans ce contexte, l’existence et l’activité des femmes menant de front production littéraire et critique posent des questions spécifiques par rapport à celles soulevées par leurs confrères hommes[2], dans la mesure où elles cumulent alors d’une certaine façon une double réprobation : non seulement celle que leur vaut le fait d’être des femmes de lettres, ces ridicules ou monstrueux « bas bleus » que fustige la misogynie du XIXe siècle et encore du siècle suivant[3], mais encore celle de se livrer à cette activité souvent mésestimée, comme ancillaire ou vénale, que constitue la critique – activité qui, cependant, offre aussi aux femmes qui écrivent un nouveau champ d’action, de positionnement, d’expression et même de combat.

Ainsi, qui ont été les écrivaines-critiques ? Comment ont-elles géré leur double carrière et concilié leur double activité ? Selon quelles stratégies, dans quels cercles et contextes, sur quels supports ? Comment ont-elles construit leur ethos « bifrons » et négocié, par leur propre discours auctorial, les deux faces de leur existence littéraire ? L’activité critique a-t-elle été assumée, voire revendiquée, ou au contraire masquée (sous le voile du pseudonyme, par exemple) ? Enfin, quelles interférences formelles, esthétiques et stylistiques induit cette double pratique ? En quoi la critique vient-elle nourrir et infléchir la création littéraire, en quoi, réciproquement, la critique est-elle « littérarisée », et comment, par l’écriture littéraire parallèle ? Finalement, peut-on considérer la traduction, accessible aux femmes en raison de son autorité « faible » et souvent exercée par celles-ci pour son potentiel rémunérateur, dans les choix qu’elle implique et la visibilité qu’elle confère à certains textes plutôt qu’à d’autres, comme une activité complémentaire au travail de la critique ?

Ce sont les principaux questionnements que souhaitent explorer deux journées d’étude qui seront successivement organisées à l’université de Séville et à l’université de Caen, en décembre 2025 et mars/avril 2026. La période considérée ira des premières années du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale et les figures sollicitées seront tant des écrivaines-critiques de tout premier plan (George Sand, Delphine de Girardin, Rachilde, Colette…) que des minores, voire des inconnues, qu’il nous importera de mettre en lumière. La critique littéraire, mais aussi la critique dramatique, cinématographique ? et la critique d’art, ainsi que la traduction, seront envisagées. 

Les propositions de communication (environ 20 lignes), accompagnées d’une brève présentation bio-bibliographique de l’auteur.e, sont à adresser à julie.anselmini@unicaen.fr et flaviefouchard@us.es pour le 15 avril 2025.   

[1] Sur ce point, voir Elseneur, n° 28 : L’« anti-critique » des écrivains au XIXe siècle, sous la dir. de J. Anselmini et B. Diaz, Caen, PUC, 2013.
[2] Voir J. Anselmini, L’Écrivain-critique au XIXe siècle : Dumas, Gautier, Barbey d’Aurevilly, Presses universitaires de Liège, « Situations », 2022 ou encore M. Reid, Les femmes dans la critique et l’histoire littéraire,  Honoré Champion, « Littérature et genre », 2011.
[3] Voir notamment les travaux de Christine Planté sur la femme-auteur au XIXe siècle.