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L’interdisciplinarité dans la recherche doctorale : enjeux, concepts et méthodes dans la mise en œuvre (Lyon)

L’interdisciplinarité dans la recherche doctorale : enjeux, concepts et méthodes dans la mise en œuvre (Lyon)

Publié le par Marc Escola (Source : Maëlle Porcheron)

L’interdisciplinarité dans la recherche doctorale :

enjeux, concepts et méthodes dans la mise en œuvre. 

Dans la continuité d’une table ronde sur l’interdisciplinarité dans la recherche doctorale en sciences humaines et sociales, organisée à l’Université Jean Monnet Saint-Étienne le 20 mars 2024, nous proposons une journée d’étude dédiée au même thème afin d’approfondir les pistes de réflexion qui ont alors été soulevées. Cette journée aura lieu à l’Université Jean Moulin Lyon 3, le mardi 20 mai 2025. Toutes les doctorantes et tous les doctorants qui sont confronté(e)s à des enjeux interdisciplinaires dans leur thèse sont invité(e)s à proposer une communication (dont le format attendu est d’une vingtaine de minutes), qu’ils / elles aient été présent(e)s lors du premier événement ou non.

De la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité : inventer sa méthode de travail.

 La distinction entre différentes manières d’appréhender l’interdisciplinarité est désormais presque galvaudée : la pluridisciplinarité (aussi appelée multidisciplinarité) correspond à une juxtaposition de disciplines engagées dans un projet de recherche autour d’un même objet. Cette modalité de convergence des savoirs n’implique pas pour autant une interaction d’influence entre ces disciplines. De son côté, l’interdisciplinarité s’apparente davantage à une dynamique de co-construction d’un nouveau savoir autour de l’objet mis au centre des disciplines convoquées : « c’est l’effort d’articuler entre eux les concepts, les outils et les résultats d’analyse de différentes disciplines » (Charaudeau, 2010). Enfin, l’inter- ou la transdisciplinarité, dont la ligne de partage reste floue (Comeliau, 2013), prétendent aller au-delà des limites disciplinaires : les disciplines impliquées dans un projet commun sont ainsi modifiées par le dialogue qu’elles entretiennent, leur interaction ou leur croisement. Cela se manifeste par la création par exemple d’un concept commun ou par la redéfinition des termes scientifiques empruntés à une autre discipline, dans le domaine cible de la recherche.

Pour cette raison, il nous semble que l’une des forces de l’approche interdisciplinaire est d’inviter à une rigueur particulière : toute entreprise de cette nature, parce qu’elle est hybride, exige une définition précise de ses concepts fondateurs, qui explicite les emprunts et les interactions entre les différentes disciplines impliquées – c’est l’« interdisciplinarité focalisée » que Patrick Charaudeau appelle de ses vœux (2010). Elle nécessite de circonscrire précisément les objectifs d’une recherche à l’intersection de différents champs scientifiques et de les situer par rapport à ces champs. Enfin, parce qu’elle doit être lisible par des destinataires issus de ces différents champs disciplinaires, elle nécessite un effort particulier de vulgarisation et l’invention d’un langage scientifique au mieux commun, à défaut suffisamment transparent. 

L’interdisciplinarité dans la thèse en SHS : quelles modalités ?

L’ouverture des champs scientifiques (Timmermans et al., 2018) donne lieu de nos jours à de plus en plus de thèses interdisciplinaires. Pourtant, celles qui sont ouvertement déclarées comme telles demeurent assez peu nombreuses (Comeliau, 2013) : il y a davantage de doctorants et doctorantes dont le travail intègre de fait une dimension interdisciplinaire que de personnes inscrit(e)s dans plusieurs disciplines à la fois (Chassé, Cogos et Fouqueray, 2020 en donnent l’exemple pour les sciences de l’environnement). Par ailleurs la nature même du travail de thèse rend parfois complexe la réalisation de l’interdisciplinarité, notamment parce qu’il s’effectue seul(e) tandis que l’ouverture à l’interdisciplinarité est favorisée par le développement de réseaux de chercheurs (Comeliau, 2013 ; Nguyen Thi, 2005). Paradoxalement, le doctorat est donc peut-être l’environnement le moins propice au travail interdisciplinaire, alors que des recherches en sciences économiques ont montré que les structures organisationnelles de la recherche (intra et extra-universitaire) conditionnent directement la mise en œuvre de l’interdisciplinarité (Nguyen Thi, 2005). En somme, le recours à l’interdisciplinarité est de plus en plus popularisé mais sa mise en œuvre confronte encore le chercheur à un champ de difficultés de diverses natures relatives à la réalité du partage disciplinaire (Pecqueux, Poupin et Vuillerod, 2022), de sorte que la question qui persiste est : comment les dépasser, notamment dans le cadre de la recherche doctorale ?

Ainsi, pour ce deuxième événement autour de ce sujet, nous invitons des doctorant(e)s à communiquer sur leur pratique empirique de l’interdisciplinarité, non par une présentation générale de leur travail – comme nous l’avons fait en mars 2024 – mais en se focalisant cette fois sur un de ses aspects concrets. Il s’agit en effet d’expliciter la démarche interdisciplinaire dans la recherche doctorale, à l’appui d’un exemple de mise en œuvre dans le travail de thèse ou de situation éprouvée d’interaction disciplinaire. À travers la présentation de quelques cas, nous espérons ainsi contribuer à répondre à la question : comment l’interdisciplinarité est-elle concrètement mise en œuvre aujourd’hui dans les travaux de thèse ?

Les propositions peuvent s’inscrire dans un des axes suivants (la liste n’est pas exhaustive) :

- La migration conceptuelle. On pourra exposer un concept emprunté à une autre discipline ou créé à l’intersection de deux disciplines, dans le cadre de la thèse. Dans le premier cas, il s’agira de détailler la nature de l’emprunt : implique-t-il une redéfinition du concept dans la discipline cible, voire une distorsion sémantique par rapport à la discipline source ? Comment la migration conceptuelle s’est-elle imposée ? Comment justifier la pertinence de l’emprunt, ou d’un nouveau concept commun à deux disciplines (ou plus) ?

La méthodologie du travail interdisciplinaire. Les participant(e)s pourront aussi choisir de décrire la méthode de leur travail et de retracer sa généalogie, dans l’idée qu’une approche interdisciplinaire implique forcément une réflexion sur la pertinence des outils utilisés. Comment mettre en place une méthode efficace lorsqu’on manie plusieurs disciplines ? Peut-on par exemple transposer les méthodes de l’une sur l’objet d’une autre ? Avec quelles conséquences, et quels sont les garde-fous mis en place pour éviter de tomber dans l’écueil de la « toutologie », de l’« amateurisme » (Comeliau, 2013) ou du « confusionnisme d’une pluridisciplinarité sauvage » (Charaudeau, 2010) ? Quelles difficultés sont éprouvées dans la mise en œuvre d’une méthode élaborée en dehors des frontières d’un champ disciplinaire, et comment sont-elles contournées ?

Soumission des propositions

Les propositions de communication (500 mots maximum) accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique indiquant notamment votre laboratoire et votre université de rattachement, peuvent être envoyées jusqu’au vendredi 28 février 2025 à l’adresse : je.doct.interdisc@gmail.com. La réponse sera communiquée à partir du lundi 17 mars 2025.

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Comité d’organisation de la journée d’étude

Sébastien Baba, doctorant en droit, laboratoire CERCRID

Maëlle Porcheron, doctorante en lettres, laboratoire CERCC

Wilfried Segue, doctorant en lettres, laboratoire MARGE

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Sources bibliographiques

 CHARAUDEAU Patrick, « Pour une interdisciplinarité "focalisée" dans les sciences humaines et sociales », Questions de communication, vol. 17, 2010, p. 195-222.

CHASSÉ Pierre, COGOS Sarah et FOUQUERAY Timothée, « La thèse interdisciplinaire en sciences de l’environnement, des défis à relever et des opportunités à saisir : regards de doctorants », Natures Sciences Sociétés, vol. 28, n°2, 2020, p. 159-168.

COMELIAU Christian, « Thèses interdisciplinaires. Amateurisme ou exigence fondamentale ? », in Moritz Hunsmann et Sébastien Kapp (dir.), Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, « Cas de figure », 2013, p. 81-86.

NGUYEN THI Thuc Uyen, Interdisciplinarité dans un système de recherche universitaire, thèse de doctorat, Université Louis Pasteur – Strasbourg 1, 2005.

PECQUEUX Anthony, POUPIN Perrine et VUILLEROD Jean-Baptiste, « Aventures de l’interdisciplinarité : les sciences de la nature et les sciences humaines et sociales face à la question écologique », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], vol. 22, 2022, mis en ligne le 1er juillet 2023. URL : http://journals.openedition.org/traces/14566.

TIMMERMANS Benoît, BARET Philippe, HIERNAUX Quentin, LUGEN Marine, NONCLERCQ Antoine et ZACCAI Edwin, « L’interdisciplinarité, ça marche ! Une enquête et un colloque révèlent des facteurs de succès », Natures Sciences Sociétés, vol. 26, n°1, 2018, p. 67-75.