
Entre illusion et désillusion à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles)
XXIIIe colloque « Jeunes chercheurs » du Centre interuniversitaire de recherche sur la première modernité (CIREM 16-18)
Université de Montréal
15–16 mai 2025
L’époque moderne est secouée par des bouleversements aussi bien politiques, religieux, économiques que sociaux, artistiques et culturels. Par exemple, en France, comme le montrent entre autres les travaux de Craveri, les guerres de religion et, plus tard, la Fronde mènent à la montée de l’absolutisme et provoquent une certaine désillusion chez la noblesse, qui prend conscience de sa perte de pouvoir face au roi. Cette désillusion face à l’ancienne éthique guerrière s’accompagne alors du développement d’un nouveau mode de sociabilité, reposant plutôt sur l’élégance mondaine et sur une mise en représentation perpétuelle de soi, à la cour et dans les salons. Or, de manière simultanée, ce nouveau goût pour l’illusion, qui se déploie sur la scène mondaine, mais aussi à travers diverses œuvres d’art, est dénoncé par plusieurs moralistes, qui cherchent à poser un regard lucide et, en un sens, désillusionné sur la nature humaine masquée par les artifices.
Ainsi, l’époque moderne apparaît à la croisée de l’illusion et de la désillusion. Le XXIIIe colloque « Jeunes chercheurs et chercheuses » du CIREM 16-18 s’interrogera sur ces coexistences, croisements et tensions entre illusion et désillusion, du XVIe au XVIIIe siècle. Les concepts d’illusion et de désillusion sont ici entendus de manière très large afin de pouvoir trouver des échos à travers différentes disciplines des sciences humaines. Il s’agit d’abord d’une question de perception : l’illusion consiste en une perception faussée de la réalité alors que la désillusion correspond à la prise de conscience de la fausseté de cette perception. De même, ces concepts peuvent être envisagés sur le plan de leur production, en s’attardant aux personnes qui les orchestrent, manipulant l’artifice et le mensonge pour créer des illusions ou, au contraire, faisant appel à des outils moralistes ou scientifiques pour provoquer une désillusion.
Ces concepts d’illusion et de désillusions se manifestent de plusieurs manières dans les œuvres littéraires et artistiques, mais aussi plus largement dans la manière dont est pensé l’individu et son rapport au monde à l’époque moderne. Cela soulève une multitude de questions. Par exemple, comment sont appliquées les techniques picturales illusoires pour décrire des jardins de la cour de Versailles ou pour donner une dimension épique à la Carte de Tendre ? À quel point le récit d’un mémorialiste est-il marqué par un aveuglement vis-à-vis d’un « moi » qu’il serait impossible de connaître de manière lucide ? Ou, à l’inverse, comment la posture typique du mémorialiste en disgrâce peut-elle contribuer à un regard désillusionné porté sur le monde ? Par quels procédés se construit l’illusion théâtrale, et quelles en sont les limites ? Quels liens pourraient être tissés entre illusion et merveilleux dans le conte de fées du XVIIe siècle ? Peut-on vraiment se fier aux courtisans de Versailles, au cœur d’une société de masques ? Comment sont interprétées les découvertes scientifiques et humaines des Lumières, qui bousculent des conceptions illusoires du monde ?
Nous proposons ici trois principaux axes pour réfléchir à ces questions :
Les manières dont la conception et la construction de soi oscillent entre un recours à des fictions illusoires et l’expression d’une lucidité, voire d’une méfiance vis-à-vis de soi-même ;
Les interpénétrations entre un monde rêvé et un monde réel, qui permettent de penser le rapport de l’individu à la société ;
Les relations entre le développement d’un goût pour l’artifice, au théâtre et dans les arts notamment, et les mises en garde contre celui-ci.
Les communications peuvent se trouver à la jonction de ces axes ou les dépasser.
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Le colloque se déroulera au Carrefour des arts et des sciences de l’Université de Montréal, les 15 et 16 mai 2025. L’événement, qui cherche à encourager des dialogues entre différentes disciplines, rassemblera de jeunes chercheurs et chercheuses, c’est-à-dire les personnes étudiantes à la maîtrise, au doctorat ou au postdoctorat, aussi bien en philosophie, en histoire et en histoire de l’art qu’en littérature. Les communications, inédites et en français, auront une durée maximale de 20 minutes. Les actes du colloque pourront ensuite faire l’objet d’une publication.
Les personnes intéressées à participer au colloque sont invitées à transmettre une proposition de communication de 300 mots (titre, résumé, niveau d’études, affiliation institutionnelle) avant le 9 mars 2025 à l’adresse suivante : colloque.cirem2025@gmail.com.
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Comité organisateur :
Kevin Berger-Soucie (Université du Québec à Montréal)
Anabelle Guilbeault (Université de Montréal)
Ariane Lachapelle (Université de Montréal)
Alexis Lafleur-Paiement (Université de Montréal)
Ana Popa (Université McGill)
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Comité scientifique :
Pascal Bastien (Université du Québec à Montréal)
Frédéric Charbonneau (Université McGill)
Lucie Desjardins (Université du Québec à Montréal)
Christian Leduc (Université de Montréal)
Judith Sribnai (Université de Montréal)
Alicia Viaud (Université de Montréal)
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Bibliographie indicative
Brunon, Hervé, « “Ars naturans”, ou l’immanence du principe : l’automate et la poétique de l’illusion au XVIe siècle », dans Jan Pieper (dir.), Das Château de Maulnes und der Manierismus in Frankreich. Beiträge des Symposions am Lehrstuhl für Baugeschichte und Denkmalpflege der RWTH Aachen, 3.-5. Mai 2001, Munich-Berlin, Deutscher Kunstverlag, 2006, p. 275-304.
Call, Michael (dir.), Enchantement et désillusion en France au XVIIe siècle, Tübingen, Narr Verlag, 2021.
Citton, Yves et Braito, Angela (éd.), Technologies de l’enchantement : pour une histoire multidisciplinaire de l’illusion, Grenoble, UGA Éditions, 2014.
Courtès, Noémie, L’écriture de l’enchantement : magie et magiciens dans la littérature française du XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2004.
Craveri, Benedetta, L’âge de la conversation (trad. Éliane Deschamps-Pria), Paris, Gallimard, 2005, 680 p.
Dandrey, Patrick (éd.), Littératures classiques, n° 44 (L’illusion au XVIIe siècle), 2002.
Gevrey, Françoise, L’illusion et ses procédés : de La Princesse de Clèves aux Illustres Françaises, Paris, José Corti, 1988.
Hénin, Emmanuelle, « Vraisemblance et illusion : un discours en trompe-l’œil », dans Markus A. Castor, Kirsten Dickhaut et Sven Thorsten Kilian (dir.), Le théâtre et la peinture dans les discours académiques (1630-1730) : la vraisemblance ou les enjeux de la représentation, Paris, Classiques Garnier, 2023, p. 201-222.
Hobson, Marian et Fort, Camille, L’art et son objet : Diderot, la théorie de l’illusion et les arts en France au XVIIIe siècle, (trad. Camille Fort), Paris, Honoré Champion, 2007.
Poirson, Martial et Perrin, Jean-François, Les scènes de l’enchantement : arts du spectacle, théâtralité et conte merveilleux, (XVIIe-XIXe siècles), Paris, Desjonquères, 2011.
Siguret, Françoise, L’œil surpris : perception et représentation dans la première moitié du XVIIe siècle, Paris, Klincksieck, 1993.