
Colloque international
« Claude Simon, les arts et les artistes aujourd'hui. Pratiques et discours »
Les 11 et 12 décembre 2025 à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne
Organisation :
Cécile Yapaudjian-Labat (université Jean Monnet Saint-Étienne – ECLLA),
Pascal Mougin (université Paris Cité – CERILAC),
en partenariat avec l'Association des lecteurs de Claude Simon.
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Il y a quarante ans, le 17 octobre 1985, Claude Simon obtenait le Prix Nobel de littérature. Il y a vingt ans, le 5 juillet 2005, l'écrivain s'éteignait, à Paris, à l'âge de 91 ans. Ce double anniversaire nous offre une belle occasion de nous arrêter, pendant deux jours, sur l'œuvre de l'un des plus grands romanciers du XXe siècle et sur l'impulsion qu'elle a pu apporter, depuis, dans la création artistique. Nous souhaitons pour ce faire consacrer ce colloque international au sujet suivant : « Claude Simon, les arts et les artistes aujourd'hui. Pratiques et discours ». Certes, la question des arts chez Claude Simon a déjà été traitée : plusieurs essais, des articles, des expositions y ont été consacrés. Toutefois, la richesse du travail artistique et littéraire de Simon, la publication récente d'une pièce de théâtre inédite de l'auteur font qu'il reste de nombreux aspects à étudier encore. Mais aussi, il apparaît que plusieurs artistes aujourd'hui (peintres, plasticien.nes, cinéastes, dramaturges, comédien.nes, musicien.nes) revendiquent l'influence de Simon – de sa langue, son rythme, son univers singulier – sur leur propre travail de création ou du moins déclarent leur attachement à ses romans. Il nous a semblé important de nous interroger sur les caractéristiques de cette influence simonienne dans l'art aujourd'hui.
1. Un écrivain en dialogue avec les arts : peinture, photographie, cinéma
Claude Simon, avant d'écrire, a d'abord voulu être peintre : il a étudié la peinture à l'académie André Lhote et a pratiqué cet art et celui du collage jusqu'à la fin des années 1950 ; il a fréquenté Raoul Dufy, Gastone Novelli, a entretenu une correspondance, publiée en 1994, avec Jean Dubuffet, était un ami de Pierre Soulages. Dans ses romans, la peinture est présente à plusieurs niveaux : elle sert de modèle de composition de certains textes (La Route des Flandres) ; on retrouve la référence picturale au seuil de l'œuvre, dans plusieurs titres (Le Vent ou restitution d'un retable baroque, Triptyque, Orion aveugle) ; dans les romans, les descriptions de tableaux (Uccello, Piero della Francesca, Dürer, Poussin, Rauschenberg), les figures de peintres (Cézanne, Novelli), les visites de musées ont une place importante ; le court texte Femmes (1966) est composé à partir de peintures de Miró. Dans ses entretiens, Simon met en relation son esthétique avec celle des artistes ayant pris acte, après la Seconde Guerre mondiale, de la faillite de l'humanisme : l'art pauvre de Tapies (notamment ses toiles avec sable et bouts de ficelles), les sculptures de Louise Nevelson composées à partir des décombres constituent une réponse à cet échec. Réponse qui se traduit, chez Simon, par son attrait pour les choses, pour les restes, pour l'élémentaire.
Ce même attrait est visible sur les photographies prises par lui et publiées dans deux ouvrages, Album d'un amateur (1988) et Photographies (1992) : un vélo rouillé contre un mur, un bois flotté échoué sur la plage. Mais celles-ci font apparaître aussi son attention à l'humain dans ce qu'il peut avoir de plus humble (des enfants pieds-nus et en guenilles). La photographie joue également un rôle de puissant stimulus dans l'œuvre écrite : dans Histoire et L'Acacia, la description de photographies des parents de l'auteur relance la narration, oriente la reconstitution de la légende familiale (Albers, 2007).
Le cinéma trouve aussi sa place à différents niveaux dans les romans : comme thème ou motif, à travers les expériences et les perceptions d'un jeune spectateur ou encore par la présence d'extraits d'un script à la fin du Jardin des Plantes ; mais aussi comme modèle de montage que l'écrivain transpose dans l'écriture. La tentation de la réalisation cinématographique – et les tentatives – a d'ailleurs toujours accompagné Claude Simon (Calle-Gruber, 2009 ; Bonhomme, 2011).
Mais d'autres arts ou d'autres références artistiques sont identifiables dans les romans de Simon : les arts du cirque, de la danse, l'opéra, la déclamation, le théâtre. En outre, la publication en 2019 de l'unique pièce de Simon, La Séparation (jouée en 1963), offre aux critiques un nouvel objet d'étude.
2. La lecture des artistes
Nombreux sont aujourd'hui les auteurs et autrices à avoir déclaré comme déterminante leur lecture de Simon dans leur désir d'écrire ; tout aussi nombreux sont les textes narratifs et poétiques influencés par la prose simonienne (Viart, 2024).
Mais la puissance imageante des romans de Claude Simon ainsi que le rythme de ses phrases, son art de l'incidente et des reprises avec variations ne pouvaient laisser les artistes indifférent.es : des peintres (Louise Carbonnier, Marc Desgrandchamps, Gérard Titus-Carmel), des photographes (Jacqueline Mertz, Christian Milovanoff, Denis Roche), un cinéaste, photographe et plasticien (Alain Fleischer), un dramaturge (Christophe Honoré), un metteur en scène (Alain Françon), des comédiens (Denis Podalydès, Jean-Marc Bourg), des compositeurs (Pierre Boulez, Walter Feldmann) ont exprimé leur admiration, voire leur dette envers le romancier dans des entretiens, par des lectures ou par une œuvre-hommage.
Deux axes majeurs pourront être développés :
Présence des arts chez Claude Simon : une réflexion à poursuivre
- comment les arts et les langages artistiques – musique, peinture, photographie, cinéma, arts du spectacle (théâtre, opéra, cirque, danse) – s'inscrivent-ils dans l'œuvre romanesque de Simon et quelle est leur fonction dans l'écriture ?
- quels discours sur l'art Claude Simon a-t-il tenus dans sa correspondance, ses discours et ses entretiens mais aussi dans ses romans ? Dans cette perspective, on pourra se demander dans quelle mesure le discours sur l'art de Simon trouve un écho dans le contexte artistique de son temps. Il s’agira aussi de mieux comprendre le sens des références américaines mobilisées par Simon (Louise Nevelson, Robert Rauschenberg, pop art) dans le contexte français des années 1960, assez largement hostile à l’art américain du moment.
- quelles sont les spécificités des pratiques artistiques de Claude Simon (peinture, collage, photographie, cinéma, théâtre) ? Peut-on les rattacher à des courants artistiques ? Dans quelle mesure peut-on les relier à son écriture et à son discours sur l'art et l'écriture ?
- dans quelle mesure l’écriture de Simon présente des affinités avec des formes artistiques non évoquées directement par l’écrivain, comme la vidéo ou la photographie des décennies 70 et 80.
Un champ à défricher : les artistes lecteurs et lectrices de Claude Simon aujourd'hui
- dans quelle mesure l'œuvre de Claude Simon constitue-t-elle un champ d'influence pour les artistes aujourd'hui ? Quelles caractéristiques de l'œuvre retiennent l'attention des créateurs et créatrices ?
- comment les artistes font-il/elles dialoguer leur langage artistique avec l'écriture de Simon (discours hors de l'œuvre ; dans l'œuvre : citation, transposition d'une modalité d'écriture en geste artistique, hommage...) ?
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Comité d'organisation : Cécile Yapaudjian-Labat (PR, université Jean Monnet Saint-Étienne – ECLLA), Pascal Mougin (PR, université Paris Cité – CERILAC), Ketty Gergon (doctorante, université Jean Monnet Saint-Étienne – ECLLA)
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Comité scientifique :
Irene Albers (Freie Universität, Berlin)
Bérénice Bonhomme (université Bordeaux-Montaigne)
Brigitte Ferrato-Combe (université de Grenoble)
Alain Fleischer (artiste)
Philippe Ortel (université Bordeaux-Montaigne)
Nathalie Piégay (université de Genève)
Dominique Viart (université Paris-Ouest Nanterre)
Marie-Jeanne Zenetti (université de Lyon 2)
Alastair B. Duncan (université de Stirling)
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Les propositions de communication (titre, résumé de 500 mots environ, courte notice bio-bibliographique) pour des interventions de vingt-cinq minutes seront à envoyer avant le 1er mai 2025 à Pascal Mougin et Cécile Yapaudjian-Labat aux adresses suivantes :
cecile.yapaudjian@univ-st-etienne.fr
Les réponses seront transmises dans le courant du mois de juin.
Bibliographie non exhaustive :
De Claude Simon
Ouvrages
Claude Simon, Femmes, Sur vingt-trois peintures de Joan Miró, Maeght, 1966.
___, Orion aveugle, Genève-Paris, Skira, coll. « Les sentiers de la création », 1970.
___, Album d’un Amateur, Remagen-Rolandseck, Rommerskirschen, 1988.
___, Photographies, préface de Denis Roche, Maeght, 1992.
___, Œuvres, présentation et notes de A. B. Duncan et J. Duffy, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2006.
___, Œuvres II, présentation de A. B. Duncan, avec la collaboration de B. Bonhomme et D. Zemmour, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2013.
___, La Séparation [1963], Paris, éd. du Chemin de fer, 2019.
Claude Simon et Jean Dubuffet, Correspondance 1970 – 1984, Paris, l’Échoppe, 1994.
Entretiens
« Réponse à une enquête : film et roman, problèmes du récit », dans Les Cahiers du cinéma, numéro spécial noël 1966, p. 85.
« J’ai essayé la peinture, la révolution, puis l’écriture », Entretien avec Claire Paulhan, Les Nouvelles Littéraires, 2922, 15-21 mars 1984, p. 44.
« Je travaille comme un peintre », Entretien avec J-M de Montrémy, La Croix, 19 octobre 1985.
« Claude Simon, écriture en noir et blanc », entretien avec Gabriel Bauret, Photographie Magazine, n° 40, 1992.
« Réflexions à partir d’un court-métrage, L’Enfer de Rodin, Henri Alekan, 1958 », texte inédit, Archives Réa Simon.
Film
Die Sackgasse (L'Impasse), 12'30'', scénario de Claude Simon d'après Triptyque. Réalisation : Georg Bense et Peter Brugger, avec la collaboration de Claude Simon, coproduction de la Saarländische Rudfunk et de la Westdeutsche Rundgfunk avec la participation de Telefilm Saar GmbH, 1975.
Sur l'œuvre de Claude Simon
Irene Albers, « Métaphores textuelles et filmiques : Triptyque et L’IMPASSE », dans Transports – Les métaphores de Claude Simon, études réunies par Irene Albers et Wolfram Nitsch, Frankfurt/M., Peter Lang, 2006, p. 305-327.
___, Claude Simon. Moments photographiques, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Claude Simon », 2007.
___, « Les habitants du carré. Album d'un amateur de Claude Simon », dans Cécile Yapaudjian-Labat (dir.) Europe, n° 1033, mai 2015, « Claude Simon », p. 142-152.
Barbara Bastings, « Mais c'est peu ! », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 195-208.
Bérénice Bonhomme, « Triptyque » de Claude Simon. Du livre au film. Une esthétique du passage, Fasano/Paris, Schena Editore/P.U. Paris-Sorbonne, 2005.
___, Claude Simon, la passion cinéma, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Claude Simon », 2011.
___, « Le dispositif cinématographique chez Claude Simon », dans Cahiers Claude Simon, n° 7, Presses universitaires de Perpignan, 2009, p. 85-98.
Mireille Calle-Gruber (dir.), Les triptyques de Claude Simon ou l'art du montage, Paris, Presses universitaires Sorbonne Nouvelle, 2009.
___, Claude Simon : être peintre, Paris, éd. Hermann, 2021.
___, Réinventer les alphabets : Claude Simon et Gastone Novelli, St Josse, HDiffusion, 2024.
Mireille Calle-Gruber et Claire Muchir, Claude Simon : de l'image à l'écriture, Paris, HDiffusion, 2021.
Clément Chéroux, « Ce qui n'a pas encore été et ne sera jamais plus », dans Dominique Viart (dir.), Claude Simon. L'inépuisable chaos du monde, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Claude Simon, 2024, p. 81-84.
Annie Clément-Perrier, « La photographie chez Claude Simon : un objet mélancolique ? », dans Cahiers Claude Simon, n° 7, Presses universitaires de Perpignan, 2009, p. 67-83.
Marc Desgrandchamps, « Cavalcade », Cahiers Claude Simon, n° 16, 2021, « Guerres et batailles », p. 199-204.
DU – Claude Simon. Bilder des Erzählens, n° 691, Januar 1999.
Jean Duffy, Reading Between the Lines : Claude Simon and the Visual Arts, Liverpool University Press, 1999.
___, « De la publicité à l'icône, de l'image spectrale au reflet spéculaire. Le montage américain d'Orion aveugle », dans Cécile Yapaudjian-Labat (dir.) Europe, n° 1033, mai 2015, « Claude Simon », p. 131-141.
Brigitte Ferrato-Combe, Écrire en peintre. Claude Simon et la peinture, Grenoble, Ellug, Université Stendhal, 1998.
___, « Claude Simon ou “la fascination du musée” », dans Cécile Yapaudjian-Labat (dir.) Europe, n° 1033, mai 2015, « Claude Simon », p. 119-130.
___, « La correspondance entre Jean Dubuffet et Claude Simon », dans Carnets de Chaminadour, n° 11, Guéret, Association des lecteurs de Marcel Jouhandeau et des amis de Chaminadour, 2016, « Maylis de Kerangal sur les grands chemins de Claude Simon », p. 371-391.
Alain Fleischer, « Comment exposer un écrivain ? », dans Dominique Viart (dir.), Claude Simon. L'inépuisable chaos du monde, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Claude Simon, 2024, p. 93-100.
Cristine Genin, « Les propriétés des images dans la réception critique de Claude Simon », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 39-80 [avec une précieuse bibliographie critique].
Joëlle Gleize, « La pierre et le béton armé. Note sur Claude Simon et l'architecture moderne », dans Cahiers Claude Simon, n° 9, 2014, p. 31-42.
Joëlle Gleize et David Zemmour, « Photographies : un album à double préface », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 33-36.
Pierre Hyppolite, « Espaces urbains, architecture et écriture dans l'œuvre de Claude Simon », dans Cahiers Claude Simon, n° 9, 2014, p. 43-53.
Laura Laborie, « Claude Simon et André Vick-Mengus : matière photographiqe et affinités primitivistes », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 155-170.
Thierry Millet, « Claude Simon, Jean-Luc Godard : le récit au risque du bruit », dans Gilles Mouëllic et Jean Cleder, Nouvelle Vague, nouveaux rivages. Permanences du récit au cinéma, 1950-1970, Presses universitaires de Rennes, 2001, p. 99-108.
Christian Milovanoff, « Des nécessités formelles », Cahiers Claude Simon, n° 2, Presses universitaires de Perpignan, 2006, p. 101-104.
Pascal Mougin, L’Effet d’image. Essai sur Claude Simon, Paris, L’Harmattan, 1997.
___, « Modèles littéraires de l'art contemporain : Marcelline Delbecq lectrice de Claude Simon ? », dans Cécile Yapaudjian-Labat (dir.), Tangence, Université du Québec à Rimouski et Université du Québec Trois-Rivières, 2016/112, « Les trajets de la lecture. Autour de Claude Simon », p. 133-148.
___, « Claude Simon et l'art vidéo : écarts, voisinages, correspondances », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 171-187.
Claire de Ribeaupierre, Le roman généalogique : Claude Simon et Georges Perec, éd. La part de l'œil, 2001.
Denis Roche, « De la ténèbre inverse », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 21-31.
Sylvain Roumette, « 7'57'' », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 189-191.
Luc Vezin, « Claude Simon, Robert Rauschenberg : « Quelque chose d'analogue... », dans Cahiers Claude Simon, n° 6, Presses universitaires de Perpignan, 2010, p. 115-132.
Dominique Viart, « La Séparation de Claude Simon : un texte précurseur », dans Cahiers Claude Simon, n° 15, Presses universitaires de Rennes, 2020, « Je pouvais voir », p. 273-283.
Dominique Viart (dir.), Claude Simon. L'inépuisable chaos du monde, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Claude Simon, 2024.
David Zemmour et Ilias Yocaris, « Qu'est-ce qu'une fiction cubiste ? La “construction textuelle du point de vue” dans L'Herbe et La Route des Flandres de Claude Simon », Congrès mondial de linguistique française, 2010. En ligne : https://www.linguistiquefrancaise.org/articles/cmlf/abs/2010/01/cmlf2010_000086/cmlf2010_000086.html
Film
Alain Fleischer, Claude Simon, L'inépuisable chaos du monde, Coproduction BPI Centre Pompidou. Le Fresnoy/Studio national des arts contemporains, 2015 (film accessible à partir du QRCode, p. 250 dans Dominique Viart (dir.), Claude Simon. L'inépuisable chaos du monde, op. cit.