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Nature et environnement dans la littérature de jeunesse des pays francophones (Sousse Tunisie)

Nature et environnement dans la littérature de jeunesse des pays francophones (Sousse Tunisie)

Publié le par Marc Escola (Source : Bochra Charnay)

Nature et environnement dans la littérature de jeunesse des pays francophones 

Colloque international, Sousse Tunisie

16-17-18 avril 2026

« Vous n’avez pas seulement saccagé la terre, les rochers, les ressources minérales, [...] De votre fait, même les animaux, partie de nous-mêmes, [...] ne sont plus les mêmes. Ils sont altérés ».

Tahca Ushte, Richard Erdoes, De mémoire indienne, 

Plon, Terre humaine, 1977, p. 153.

Durant des siècles, en Occident, la nature et la culture ont été opposées, l’humain, rangé du côté de la culture qu’il représentait, cherchait à dominer, à maîtriser, à exploiter la nature, si ce n’est parfois à l’éliminer, sans en mesurer les conséquences sur son environnement. La nature sauvage, et particulièrement la mer, les montagnes, les déserts, et surtout les forêts, remplis de bêtes sauvages imaginaires ou non (la licorne l’est ainsi que le dragon, pas le loup), représentaient des dangers mortels. L’analogie sémantique qui nourrissait l’imaginaire peut se présenter ainsi : /culture : nature :: bien : mal :: vie : mort/ ; soit : la culture est à la nature, ce que le bien est au mal, ce que la vie est à la mort.

Nature et culture sont ainsi opposées et complémentaires, comme le montrent bien les écrits de l’écrivaine-paysanne Marcelle Delpastre, ainsi que les travaux anthropologiques du groupe de Robert Jaulin. Pour Philippe Descola, il y a un « au-delà de la nature et de la culture », puisqu’il découvre, en étudiant l’ethnie des Jivaro Achvars parmi laquelle il séjourne, que humains et non-humains communiquent par incantations magiques et que, finalement, les non-humains sont tout sauf la nature, car ce sont d’abord et avant tout des partenaires sociaux, des sujets [1].

Il est clair cependant, que les rapports à une nature dégradée et méprisée, sont typiquement occidentaux et relèvent d’un capitalisme forcené, d’une industrialisation polluante et d’une urbanisation échevelée où seuls les gains et les intérêts personnels sont valorisés, dans un esprit de conquête. En revanche, dans de nombreuses civilisations, la nature est riche de symboles interprétés au quotidien de sorte qu’elle est respectée et que l’humain en fait partie intégrante. Comme l’exprime l’Indien sioux en s’adressant aux « Blancs » : « Pour vous les symboles ne sont que des mots qu’on dit ou qu’on écrit dans les livres. Pour nous, ils sont une partie de la nature, une partie de nous-mêmes » [2]. Il précise : « Vous, les Blancs, votre présence nous rend difficile la véritable approche de la nature qui consiste à devenir partie d’elle »[3].

Ce mode de pensée des Amérindiens est probablement très proche de celui des cultures africaines, et de la tradition européenne. En conséquence, dans nos approches, il faut prendre garde à la tentation ethnocentriste et plus particulièrement européocentriste qui voudrait appliquer le même schéma de réflexion à toutes les cultures.

Par ailleurs, un renversement épistémologique s’est opéré depuis la fin du XXe siècle, à la suite d’une prise de conscience écologique, de sorte que la question des rapports de l’humain avec la nature et son environnement est devenue cruciale et vitale. Par ce colloque, il s’agit d’explorer et de mettre en évidence la façon dont la littérature d’enfance et de jeunesse dans les pays francophones se saisit de cette problématique, comment les œuvres manifestent et représentent cet environnement, par quels moyens iconiques ou verbaux – ou les deux à la fois – quelles valeurs et quelles solutions elle prône, comment elle alerte l’enfant sur les dangers de la dégradation des conditions climatiques pour l’humain et le non-humain.

Il s’agira, entre autres, de s’intéresser aux écho-graphies, au sens où l'entendent Nathalie Prince et Sébastien Thiltges : « Nous pourrons définir les écho-graphies pour la jeunesse comme les représentations de l’écologie et de l'inquiétude environnementale par le texte et par l’image, selon une esthétique et une poétique adaptées à un public particulier, un destinataire spécifique, en l’occurrence l’enfant et / ou l’adolescent. » [4]. Si cette question a déjà été abordée dans le cadre hexagonal dans quelques colloques et revues, citons par exemple le numéro 3 de la revue Natures consacré aux archifictions, ou le colloque organisé conjointement par les universités de Hradec Kralové (République tchèque) et de Lille (France) « Écrire la nature : du symbolisme à l’écopoétique en littérature/littérature de jeunesse [5] » dont le premier volet est consacré à l’eau, il nous semble pertinent d’ouvrir ce questionnement à un espace plus large afin de confronter les différentes perspectives et sensibilités au problème. En effet, si l’écopoétique questionne les discours sur la nature, elle est également au cœur d’une visée comparative qui s’intéresse aux formes, mais aussi aux contextes sociaux, aux spécificités culturelles, aux lieux et frontières des champs littéraires et scientifiques » [6]. De la sorte, la crise environnementale oblige à dépasser les frontières naturelles et culturelles pour confronter à l’échelle internationale les discours et les représentations à l'œuvre dans la littérature de jeunesse.

Dans ce cadre, nous attacherons la plus grande importance aux littératures francophones quel que soit l’espace géographique où elles se déploient et quelles que soient les problématiques qu’elles développent dès l’instant qu’elles questionnent le rapport de l’humain à son environnement. En Tunisie, par exemple, la problématique de l’eau se pose avec la plus grande acuité, en Mauritanie, au Sénégal c’est la déforestation massive qui inquiète, au Canada, comme dans la plupart des pays, c’est davantage le réchauffement climatique etc.

Dans cette perspective et sans prétendre à l’exhaustivité, sont retenus les axes suivants :

– Diversité et richesse de la nature (désert, mer, forêt, montagne) et leurs manifestations en littérature de jeunesse des pays francophones

– Modalités d’écriture et de représentation, poétique (s)

– Rapports à l’environnement : respect/protection/ (sur)exploitation/antagonisme/

– Postures par rapport au jeune lectorat (démarche de sensibilisation par ex.) ; effets de la mondialisation, des nouvelles technologies (internet, réseaux sociaux)

– Rapports nature/culture : opposition, complémentarité, intégration corporelle, négation, par-delà nature et culture

– Approches intermédiales : les œuvres plastiques, l’oralité, le numérique

Ce colloque accordera la priorité aux réflexions interculturelles et fera découvrir ou redécouvrir les diverses voies/voix qui cherchent à sensibiliser la jeunesse à la nécessité vitale de mieux connaître, d’apprécier et de préserver son environnement.

 

Bibliographie indicative

Auraix-Jonchière Pascale et al. (dir.), Abécédaire de la forêt, Paris, Honoré Champion, 2024.

Ayadi Boubaker « La littérature de jeunesse d’expression arabe en Tunisie », dans Itinéraires et contacts de cultures, 32, Imaginaire du jeune méditerranéen, Jean Foucault (dir.), l’Harmattan, 2002.

Calas Frédéric et Auraix-Jonchière Pascale (dir.), Nouveaux récits sur la forêt, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, « Mythographies et société », 2023.

Casta Isabelle Rachel « Anne "Contre" Heidi : ruralité heureuse, villes dangereuses ? » Ondina-Ondine n°8, 2022, p. 31-48. [Enligne] https://doi.org/10.26754/ojs_ondina/ond.202285837

Chelebourg Christian, Écofictions & Cli-Fi : l’environnement dans les fictions de l’imaginaire, Nancy, Presses universitaires de Nancy & Éditions universitaires de Lorraine, 2019.

––––, Les Écofictions. Mythologies de la fin du monde, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2012.

Clermont Philippe, « Les écofictions pour la jeunesse, une forme spécifique ? », dans Christiane Connan-Pintado et Gilles Béhotéguy (dir.), Littérature de jeunesse au présent. Genres littéraires en question(s), Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, « Études sur le livre de jeunesse », 2015, p. 59-75.

Kunešová Kveta, « Apprendre à vivre avec la nature », Ondina-Ondine, n°8, 2022, p. 96-112. [En ligne] https://doi.org/10.26754/ojs_ondina/ond.202285835  

Laso y Leon Esther, « La montagne en littérature de jeunesse : aspects symboliques », dans Maria Manuela Merino Garcia (dir.), L’appréciation langagière de la nature : le naturel, le texte et l’artifice, Jaen, Universidad de Jaen, 2017, p. 347-354

Prince Nathalie, Thiltges Sébastien (dir.), Éco-graphies. Écologie etlittérature pour la jeunesse, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2018.

 

Modalités et calendrier

Les propositions de communication (titre, résumé de 1500 caractères maximum (espaces comprises), mots clés, et références bibliographiques seront accompagnées d’une brève biobibliographie de 1500 caractères maximum (espaces comprises) comprenant : statut, établissement et équipe d’accueil ainsi que les principales publications récentes.

Les propositions sont à envoyer, au plus tard, le 15 décembre 2025 à l’adresse suivante :

colloquetunisieldj@gmail.com

Une réponse sera adressée aux contributeurs au plus tard le 15 janvier 2026.

Frais d’inscription à prévoir.

Comité scientifique 

Saloua BÉJI, LAREL, Faculté des lettres et Sciences humaines de Sousse/Tunisie

Nizar BEN SAAD, LAREL, Faculté des lettres et Sciences humaines de Sousse/Tunisie

 Ibtissem BOUSLAMA, LAREL, Faculté des lettres et Sciences humaines de Sousse/Tunisie

Mohamed CHAGRAOUI, LAREL, Faculté des lettres et Sciences humaines de Sousse/Tunisie

 Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Christiane CONNAN-PINTADO, UR Plurielles (24142) Université Bordeaux Montaigne

Yvon HOUSSAIS, UR ELLIADD, Université de Franche-Comté

 Comité directeur

Nizar BEN SAAD, LAREL, Faculté des lettres et Sciences humaines de Sousse/Tunisie 

Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Fethi ELKHIRI, UR ELLIADD, Université de Franche-Comté

Yvon HOUSSAIS, UR ELLIADD, Université de Franche-Comté

Partenaires

Unité de Recherche ELLIADD, université Franche-Comté et Université de Technologie de Belfort-Montbéliard

Unité labellisée de recherche 1061 ALITHILA, Université de Lille

Laboratoire de recherche : École et Littératures (LAREL), faculté des lettres et Sciences humaines de Sousse/Tunisie

Institut supérieur des beaux-arts de Sousse/Tunisie (ISBAS)

Institut supérieur des arts multimédia de la Manouba / Tunisie (ISAMM) 

Association tunisienne des arts visuels (ATAV)

 

 

 

[1]Interview de Philippe Descola par Hervé Kempf, sur le site de la revue Reporterre le 01/02/2020, accessible via ce lien : https://reporterre.net/Philippe-Descola-La-nature-ca-n-existe-pas 
[2] Tahca Ushte, Richard Erdoes, De mémoire indienne, Plon, Terre humaine, 1977, p. 138.
[3] Ibid, p. 152-153.
[4] Nathalie Prince et Sébastian Thiltges, (dir.), Éco-Graphies Écologie et littératures pour la jeunesse, PUR, 2018 p. 10.
[5]https://www.fabula.org/actualites/117587/colloque-international-visioconferenceecrire-la-nature-du-symbolisme-a.html     
[6] Nathalie Prince et Sébastian Thiltges, (dir.), Éco-Graphies Écologie et littératures pour la jeunesse, op. cit., p. 28.