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Le désir homosexuel dans la littérature occitane, XXe-XXIe s. (Toulouse)

Le désir homosexuel dans la littérature occitane, XXe-XXIe s. (Toulouse)

Publié le par Marc Escola (Source : Jean-François Courouau)

Composer une œuvre littéraire en occitan et exprimer un désir d’ordre homosexuel n’ont longtemps pas été de pair. Au XIXe siècle, les références à l’homosexualité sont d’une insigne rareté. Elles ne vont pas au-delà de l’allusion comme par exemple le poète niçois Rancher ironisant, dans son poème La Nemaïda (1823), sur la relation ambiguë qui unit le naturaliste Joseph-Antoine Risso et le peintre Clément Roassal. Chez Mistral, si tel ou tel passage de Calendau peut éventuellement évoquer une forme de rapports homo-érotiques entre hommes ou si, dans Lou Pouèmo dóu Rose (1897), est mentionnée la figure de la trobairitz Beatritz de Romans qu’une certaine tradition associe au lesbianisme, on reste bien loin des représentations du désir homosexuel telles qu’on les trouve en littérature française avec, par exemple, Mademoiselle de Maupin (1835) de Théophile Gautier, Eugénie Danglars dans Le comte de Monte-Cristo (1844) ou en littérature anglaise ou américaine (Billy Budd de Herman Melville, Le Portrait de Dorian Gray (1891) d’Oscar Wilde). Dans le microcosme des lettres d’oc, l’ordre moral règne et l’hétéronormativité est de mise. Même au début du XXe siècle, rien ne paraît jamais en occitan qui emprunte les mêmes voies d’exploration de la sexualité que La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, que Proust, Gide, Cocteau ou Genet…

Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour voir évoluer la pratique littéraire, et plus précisément les années 1970. Dans la foulée des changements sociétaux qui touchent le monde occidental et entraînent la remise en cause générale des modèles séculaires, quelques rares voix occitanes réservent une place dans leur œuvre à l’homosexualité, masculine ou féminine. La publication posthume, en 1976, du roman inachevé de Jean Boudou, Las Domaisèlas, marque une date. Pour la première fois en littérature occitane, la question de l’identité sexuelle est abordée sous différents angles (bisexualité, homosexualité, transidentité…) dans une approche qui nous apparaît rétrospectivement comme saisissante de modernité. Si le roman Las Domaisèlas mérite d’être rangé parmi les chefs-d’œuvre de la littérature queer, ce ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. D’autres hommes et d’autres femmes expriment en occitan le désir homosexuel, sans que cela corresponde nécessairement à leur propre orientation sexuelle. Dans un contexte, du reste, encore largement dominé par les schémas ancestraux, le choix des auteur·e·s de langue occitane n’est pas forcément d’afficher leur préférence personnelle. Certains l’assument de façon explicite, d’autres développent des stratégies discursives destinées à opacifier la lecture, voire à la désexualiser. Pour les auteurs et les acteurs de la culture occitane, enfin, ici comme ailleurs, l’homophobie peut être une réalité face à laquelle tous n’opposent pas les mêmes mécanismes de défense.

L’objectif de la journée d’étude organisée à Toulouse (Université Toulouse-Jean Jaurès) le 17 octobre 2025 est d’examiner de quelle façon s’exprime aux XXe et XXIe siècles en littérature occitane le désir homosexuel, masculin ou féminin. Les auteur·e·s dont l’œuvre sera analysée ne sont pas forcément eux-mêmes homosexuel·le·s mais leur œuvre comporte une dimension homo-érotique, qu’elle soit volontairement discrète, cantonnée dans l’ambiguïté ou la polysémie, ou encore aisément décodable, assumée, voire revendiquée.

Les propositions de communications (présentation du sujet + quelques références bibliographiques) sont à envoyer à jean-francois.courouau@univ-tlse2.fr avant le 1er mars 2025.