"Tout est faux !" (Balzac). Journée d'études du Groupe international de recherches balzaciennes
Journée d'études du Groupe international de recherches balzaciennes (2024-2025)
La journée d'études aura lieu le vendredi 20 juin 2025 à la Maison de Balzac (47 rue Raynouard, 75016, Paris)
Sous la direction de José-Luis Diaz, Jacques-David Ebguy et Kathia Huynh
« Tout est faux ! »
(Balzac)
Évidente et paradoxale à la fois, la question du « faux » hante le roman balzacien, confronté au défi de « faire vrai »[1], et surtout de le faire valoir, à une époque où « tout est faux »[2], ou du moins le semble. Omniprésente au XIXe siècle, cette obsession pour le faux dans tous ses états – matériel, économique, scientifique, social, médiatique, littéraire, artistique, philosophique, juridique… – justifie l’intérêt que la recherche dix-neuviémiste a déjà manifesté pour ce qui pourrait être l’un des maux du siècle. En janvier 2013 s’est notamment tenue, dans le cadre des activités de la SERD, une journée d’études sur « Le faux au XIXe siècle », co-organisée par Agathe Novak-Lechevalier et Nicolas Wanlin[3], et présentée par Philippe Hamon, qui reprendra cette question dans Puisque réalisme il y a (2015)[4].
Loin d’être une affaire réglée, la question du faux peut cependant être envisagée à partir de deux nouveaux cadrages épistémiques, définis par un moment (contemporain) et un corpus (balzacien), susceptibles d’apporter des éclairages inédits à cette problématique.
Reposer aujourd’hui cette question invite en effet à repartir d’un concept qui a fait date dans l’histoire et la pensée du faux : en 2016, en plein Brexit et au cœur de la campagne présidentielle ayant élu Donald Trump à la tête de la Maison Blanche, l’Oxford English Dictionary sacre « mot de l’année » le terme de post-truth (« post-vérité »), qui, sans être inusité[5], se dote d’une résonance inouïe, au point de passer pour un symptôme du contemporain. Or l’insignifiance du « partage devenu inessentiel entre le vrai et le faux[6] » sous la montée des fakes news, des réalités alternatives et du storytelling, fondés sur « l’efficacité du “faire croire”[7] » carburant au pathos – avec ce que ce brouillage implique d’angoisse liée à l’effondrement de la vérité sous les apparences et de désir nostalgique d’un retour au vrai et au réel –, fait écho à des processus déjà en germe chez Balzac et décortiqués par le romancier, comme l’entrée dans l’ère médiatique, la manipulation de l’opinion, l’effondrement des croyances et des grands récits collectifs ouvrant la voie aux narrations fallacieuses.
Sans succomber aux sirènes des lectures anachroniques ou téléologiques, ce « mot de l’année » donne des clefs pour lire à nouveaux frais cet autre « mal du siècle » qu’est le faux, de même que l’acuité avec laquelle le problème se pose chez Balzac permettrait de réinsérer « l’ère de la post-vérité » dans l’histoire des tensions liées au faux, à la fois produit et producteur de crises, dont le XIXe siècle constituerait un jalon essentiel. Expression d’une inquiétude non exempte de jubilation, pirouette rhétorique qui n’exclut pas le vertige éthique, « Tout est faux ! » fait office de diagnostic à partir duquel on examinera les multiples façons dont le texte balzacien prend en charge les modalités, les symptômes et les effets d’un faux omniprésent et polymorphe. L’enjeu est d’autant plus central que cet effort émane d’une œuvre qui prétend dire et faire vrai, et dont la valeur épistémique, esthétique et éthique dépend de la place réservée à la question du faux.
La surchauffe autour du faux émane d’abord de la tension entre trois paradigmes contradictoires, que les interventions pourront étudier séparément ou conjointement :
I. La conviction d’une différence ontologique entre le vrai et le faux, partant de l’infériorité morale de ce dernier, confie au roman balzacien une mission de discrimination, censée aboutir au partage du vrai et du faux, de la vérité et des apparences, de la réalité et des simulacres, dont les visées sont épistémiques (faire la part des faux savoirs, des « fausses images[8] », des « fausses sciences[9] », mais aussi des prétendues fausses pseudosciences[10]), politiques (proclamer l’existence d’un « seul vrai pouvoir, la Royauté », contre « le plus faux […] pouvoir, le pouvoir dit parlementaire[11] »), éthiques, religieuses, voire métaphysiques (décrier les « faux dogmes[12] » « à la lueur de deux Vérités éternelles[13] »). Tout l’enjeu est de déterminer quelles instances disposent de ce savoir et de ce pouvoir sur le faux[14], de l’ordre également d’un savoir-faire et d’un pouvoir-dire : il ne s’agit pas simplement de connaître le faux en théorie, mais de savoir reconnaître ses innombrables avatars sous la multitude des apparences ; dire le faux ne vaut que si le locuteur dispose de l’autorité suffisante pour le dire et le faire entendre[15].
À mi-chemin entre nostalgie envers un passé de certitudes et réponse à l’illisibilité du présent, ce partage apparemment tranché du vrai et du faux n’empêche pas d’observer dans les faits une série de renversements hiérarchiques et de retournements axiologiques. Le roman balzacien oscille entre d’un côté critique de l’inquiétant ascendant du faux sur un « Vrai qui va boitant[16] », et de l’autre reconnaissance de son pouvoir heuristique : dans les « raisonnements les plus faux » de Louis Lambert se « rencontr[ent] encore des observations étonnantes sur la puissance de l’homme, et qui imprimaient à sa parole ces teintes de vérité sans lesquelles rien n’est possible dans aucun art[17] ». De là une Comédie humaine prise entre maintien de l’antithèse et pratique d’une dialectique, pensée comme une démarche pour trouver le vrai à l’épreuve du faux : telle est la sagesse ironique de la Physiologie du mariage, qui recommande de « plaider à chaque instant le faux pour savoir le vrai, le vrai pour découvrir le faux[18] ». Si le chiasme introduit une circulation entre les termes, il n’implique pour autant pas leur indifférenciation, qui surgit ailleurs dans l’œuvre.
II. Parallèlement à la thèse différentialiste, il existe aussi chez Balzac la conscience historique d’une interchangeabilité, sinon d’une équivalence, entre le vrai et le faux dans la société contemporaine, allant jusqu’à leur confusion, leur dissolution l’un dans l’autre. La rêverie hallucinée de Vendramin, dont la consommation d’opium ne suffit plus à embellir la Venise réelle, pourrait dire quelque chose du regard porté par Balzac sur la société elle aussi moribonde de 1830 : « j’arrive à l’aurore de la tombe, où le faux et le vrai se réunissent en de douteuses clartés qui ne sont ni le jour ni la nuit, et qui participent de l’un et de l’autre[19] ». Présent et vérité ne sortent pas indemnes de la Révolution et de l’effondrement des transcendances morales et métaphysiques[20], remplacées par une contingence et un relativisme frayant le chemin à cette équivalence maintes fois reprise dans La Comédie humaine, « Tout est vrai, tout est faux ! ».
Cette indifférenciation à trois branches (l’équivalence du vrai et du faux, l’indistinction entre le vrai ou le faux, l’insignifiance de ce partage à l’heure où il n’y a plus ni vrai ni faux) ouvre deux voies. D’une part, le relativisme sophistique d’un Canalis, d’un Blondet, d’un Lousteau, peut devenir fécond sur les plans épistémique et esthétique à partir du moment où la suspension des catégories du vrai et du faux permet moins d’œuvrer pour soi que de penser contre soi et hors de soi. À la confusion rhétorique du vrai et du faux, au service des intérêts, se substitue leur synthèse dans une œuvre où l’indétermination devient « le symbole du génie[21] » bilatéral, qui empêche de trancher « entre Clarisse et Lovelace, entre Hector et Achille[22] » et donne tort et raison à Alceste comme à Philinte[23]. Ainsi l’œuvre de Balzac, d’autre part, fait-elle de l’indifférenciation entre vrai et faux l’occasion d’un apprentissage, celui d’une relativité heuristique, comme le suggère un excursus de la Physiologie du mariage, où se joue la bascule de la pente « sophistique » à une pensée philosophique, quasi phénoménologique, de la pluralité des rapports au réel :
Celui qui a dit : Tout est vrai et tout est faux, a proclamé un fait que l’esprit humain naturellement sophistique interprète à sa manière, car il semble que les choses humaines aient autant de facettes qu’il y a d’esprits qui les considèrent. Ce fait, le voici :
Il n’existe pas dans la création une loi qui ne soit balancée par une loi contraire : la vie en tout est résolue par l’équilibre de deux forces contendantes.[24]
Une telle mise en perspective du vrai et du faux, relativisés par les faits, les esprits et les lois, invite à préférer à l’hypothèse différentielle une lecture plus situationnelle du faux, envisagé comme jugement, position et perception issus d’une certaine vision du monde, dont il faut prendre connaissance et rendre compte. Aussi vrai et faux, dans cette perspective, se contredisent-ils moins qu’ils ne se complètent.
III. Enfin, le parallélisme de l’expression « Tout est vrai, tout est faux » introduit une symétrie entre des notions en réalité loin d’exister à parts égales dans l’espace social. Face à l’inexorable triomphe du faux se dégage de La Comédie humaine une inquiétude doublée de fascination allant croissant, au fur et à mesure que la bourgeoisie s’attèle à unetentaculaire « conspiration contre le vrai[25] » : générateur de faux récits destinés à édifier sa légende[26], son désir de légitimation n’a d’égal que sa furie de distinction[27], paradoxalement matérialisée tantôt par ses poses imitatives (pour donner à une politique sans enjeu ni envergure la dignité qu’elle n’a pas, Victorin Hulot, pur produit « fabriqué » par 1830, affecte une « fausse gravité[28] »), tantôt par la masse d’objets aussi faux les uns que les autres dont elle s’entoure – des bibelots en toc de la maison Rogron aux rénovations pleines de faux luxe de l’hôtel Cormon défiguré par Du Croisier, en passant par les faux tableaux de la collection Vervelle. L’indifférenciation du vrai et du faux se double donc d’une invasion du faux, voué à une incarnation historique et concrète distincte du vrai[29], comme évacué au profit des notions connexes de véracité, de sincérité, d’authenticité ou d’originalité. Cette consécration appelle dès lors une sociologie du faux, qui interrogerait ce que l’essor de la bourgeoisie et de ses valeurs fait au faux et du faux, tant sur le plan des mœurs et des mentalités, que dans le rapport aux choses et aux œuvres d’art, venues répondre à une demande d’identité, de légitimité et de prestige qui alimente, à l’aube de la société de consommation et de la marchandisation de l’art, un foisonnant trafic de faux[30].
Ces trois systèmes pourraient être déclinés selon cinq axes, qui, sans constituer une liste exhaustive, permettraient d’embrasser la diversité du faux chez Balzac, dans ses romans et ses pièces de théâtre, mais aussi sa correspondance et ses œuvres diverses.
1. Cartographier le faux : mots, usages et valeurs du faux
L’examen du faux, mot polysémique s’il en est[31], pourra donner lieu à des études linguistiques et stylistiques : avec quels concepts le faux a-t-il partie liée, sans leur être équivalent ? quels sont les champs sémantiques préférentiels, et quels rapports entretiennent-ils avec les romans et les paliers de La Comédie humaine ? le faux est-il le même dans les Études de mœurs, les Études philosophiques et les Études analytiques, où s’observe une recrudescence de l’acception normative[32] ? Y a-t-il des constructions syntaxiques récurrentes (que dire de la propension à la coordination entre vrai et faux, faux ou vrai ?), des rapprochements lexicaux privilégiés (un sort pourra être fait aux couplages faux/véritable, faux/réel, faux/juste, faux/naturel, inscrivant le faux dans un véritable système de sens et de valeurs) ? que disent ces effets d’alternative, d’ambiguïté et d’indécidabilité de l’ethos narratorial, des points de vue des personnages engagés dans la traque au faux, et de l’univers décrit, qui semble résister à l’entreprise de dévoilement ?
L’étude lexico-sémantique est d’autant plus centrale que le fait de nommer le faux suppose une compétence et/ou une éthique désormais loin d’aller de soi, à relier à des questions de réception et de pragmatique. Tout en soulignant les complications engendrées par le brouillage de la frontière entre le vrai et le faux, on pourra se demander qui voit, dit et évalue le faux, au nom de quelles valeurs, et à quels usages et à quelles fins. Son identification est-elle liée à une finalité didactique, soucieuse de guider le lecteur dans le labyrinthe des apparences ? vise-t-elle une connivence entre les rieurs contre les dupes ? au contraire, entérine-t-elle la dépendance du lecteur, condamné à ne voir le faux que lorsque le texte le lui signale ?
2. Le bal des faux-culs : faux-semblants, fausses identités, corps faux
Réactualisant avec La Comédie humaine la métaphore du theatrum mundi[33] pour se situer au cœur des jeux de rôles et d’acteurs, Balzac scrute avec ardeur cette « société du spectacle[34] » avant l’heure, où le faux pénètre l’ensemble du corps social, jusqu’aux corps des individus eux-mêmes.
Dans ce monde où les masques, les poses et les postiches ont pris une importance vertigineuse, on pourra étudier la pragmatique, la sociologie et la sémiologie des échanges faux et faussés, y compris les cas où les personnages se mentent à eux-mêmes ou raisonnent à faux, guidés par le « jésuitisme de la passion[35] ». En prenant soin de distinguer dissimulation (La Fausse Maîtresse), mystification (Un début dans la vie), imposture (Modeste Mignon) et mensonge[36], à soi comme aux autres, on observera en particulier la façon dont la binarité vrai/faux est posée pour être mise à mal. Souvent intégrés aux scénographies de la fausse identité[37], notion devenue problématique au XIXe siècle, les accessoires du faux pourraient aussi donner matière à réflexion : faux toupets, faux mollets, faux cheveux, fausses dents, « affreuses et frauduleuses sous-jupes en crinoline[38] », dessinent les contours d’un corps artificiel[39], porté à son plus haut degré de perfection en Béatrix, véritable « pièce à décor […] prodigieusement machinée[40] ». Image du corps social ou du corps du texte, le corps faux pourra ainsi être envisagé à travers l’éventail de ses potentialités historiques, satiriques, sémiotiques et esthétiques.
Ces pistes pourraient aussi être abordées à travers un prisme genré[41] : le faux a-t-il un genre chez Balzac ? À en croire un certain discours misogyne, le faux a visage de femme : « Toute femme ment[42] », et la « poésie artificielle[43] » dont elle se pare serait la preuve de son inhérente fausseté. Mais encore faudrait-il s’entendre sur le mot, comme le souligne Renée de l’Estorade : « Oui ! la fausseté est aussi nécessaire à la femme que son corset, si par fausseté on entend le silence de celle qui a le courage de se taire, si par fausseté l’on entend le calcul nécessaire de l’avenir[44] ». Il s’agira donc de faire la part de l’essentialisation et de la socialisation, des clichés misogynes et des stratégies féminines, dans une société où les rapports déséquilibrés entre les sexes semblent vouer les femmes au faux.
3. Fake news !
Ère du faux et « civilisation du journal[45] » communient dans l’explosion des fausses informations. Dans la décennie 1830, à travers la mode du « canard » [46], « un fait qui a l’air d’être vrai, mais qu’on invente pour relever les Faits-Paris quand ils sont pâles[47] », fake news et infox se diffusent par le canal d’une presse peu scrupuleuse de déontologie, qui « tient pour vrai tout ce qui est probable[48] ». On pourra ainsi s’intéresser à la poétique, à la pragmatique et à la sociabilité des fake news, aux rapports entre ses contenus de prédilection et les peurs et fantasmes collectifs, à ses usages ludiques et politiques oscillant entre frivolité et nocivité. Le positionnement du roman balzacien par rapport au journal est d’autant plus capital que la différence entre fiction médiatique et fiction romanesque semble parfois ténue[49], a fortiori lorsque les supports de publication se confondent. Il ne serait pas inintéressant de se demander s’il existe une porosité entre la littérature au « style faux » et les fakes news publiées côte à côte dans la presse, où le langage semble alors décrocher du souci de la signification et de la référence : c’est dans La Ruche de Provins, organe du clan Tiphaine qui accueillera les diffamations anti-Rogron, que paraissent aussi les « stances mélancoliques, incompréhensibles en Brie, et adressées À ELLE !!![50] » de Julliard.
Par-delà le cas du journal, on s’intéressera à tous les canaux de désinformation, de mésinformation et de manipulation de l’opinion qui se chevauchent dans La Comédie humaine, du plus archaïque (la rumeur) aux plus récents, comme la publicité (César Birotteau) ou le puff (La Maison Nucingen). Les angles pourront être multiples : acteurs, valeurs et supports des fausses nouvelles ; modes de circulation dans l’espace public et privé ; écriture et pouvoir de séduction de l’infox.
4. Copies, faussaires, falsifications, contrefaçons
Envahissant tous les domaines de la vie privée et publique (matérielle, économique, juridique[51], artistique[52]), avec pour conséquence le dérèglement de la valeur des mots, des choses et des êtres, le faux s’incarne dans une pluralité d’objets, qui pourront donner lieu à des études séparées ou comparées[53] : fausses lettres de change, fausses monnaies, faux passeports, fausses correspondances, faux testaments, faux bijoux, faux tableaux, auxquels on pourrait ajouter les fausses signatures et les faux témoignages inscrits sur le papier. Tous ces faux mettent en relation des dupes et des faussaires, dont on pourrait tenter de dégager un « type », dans la lignée des travaux de Loïse Lelevé sur cette figure dans le roman européen des XXe et XXIe siècles[54]. Sa lecture deleuzienne du faussaire, « inséparable d’une chaîne de faussaires dans lesquels il se métamorphose[55] », semble opératoire pour comprendre la mise en réseau de ces personnages dans La Comédie humaine, entre lesquels se répartissent les diverses facettes du type. Artiste médiocre condamné au « plagiat[56] », Pierre Grassou devient faussaire malgré lui à la découverte de ses tableaux vieillis et faussement attribués dans la collection Vervelle, garnie par les soins d’Élie Magus, qui tient du faussaire par son intention de tromper dans un but lucratif[57].
Le faux pourra également être abordé à partir de l’angle du récit. Comment raconter le faux ? quelle est sa place dans l’intrigue, et que fait-il à l’intrigue ? à quelles mises en récit les différents types de faux donnent-ils lieu ? Si le faux, parce que le pouvoir qu’il usurpe affecte le réel et appelle une révélation, s’intègre au roman en raison de ses potentialités dramatiques, il a aussi pour effet de brouiller le rythme, les points de vue et la narration. Arrivés à Angoulême, où ils dynamisent le temps de la province, les faux tirés par Lucien dérèglent la narration linéaire, qui croule alors sous les digressions et les documents déréalisant en partie la représentation. La divulgation rétrospective des fausses lettres forgées par Rosalie de Watteville révèle au lecteur l’existence d’une paralipse[58], donc d’un récit partiel et d’un narrateur partial.
Force de désordre et de création, la « puissance du faux[59] » représente ainsi une source d’invention et de perturbation pour les structures du récit balzacien, qui invite par ricochet à interroger les pouvoirs, les limites et les dangers de la fiction, ainsi que, plus largement, sa place et son rôle dans l’activité, la communication et le dispositif littéraires.
5. Faux, fiction, littérature
Catégorie logique, esthétique et épistémique, le faux pourra être abordé non plus depuis l’angle des configurations narratives où il intervient comme motif, mais à partir de la question de la fiction, dont il est à la fois proche et distinct. Parce qu’il reprend pour les subvertir les notions de réalité et de vérité, qu’il recoupe les concepts de fabulation et d’affabulation, de mensonge et de contre-vérité, le faux croise les enjeux et les interrogations soulevés par la problématique de la fiction. Trois pistes pourraient être explorées : le dispositif fictionnel ; fiction et société ; la réception du roman balzacien.
Bien que se réclamant du vrai, la fiction balzacienne, précisément à cause de son armature véridictive, n’échappe pas à l’écueil du faux, dont l’efficacité dépend de sa capacité à se faire passer pour vrai. Dès lors, c’est tout le dispositif fictionnel balzacien qui tombe sous le coup du soupçon : comment le faux, par sa prétention imitative, affecte-t-il en retour la mimèsis balzacienne ? le récit de faux, parce qu’il met en crise la croyance, ruine-t-il ou renouvelle-t-il le pacte de lecture et de fiction réaliste ? confronté au faux, le narrateur balzacien, prétendument omniscient, n’apparaît-il pas non fiable[60] (lorsqu’il ne montre pas le faux) ou pire, défaillant (lorsqu’il ne démêle pas le vrai du faux) ? quel rapport entretient-il avec ses nombreux personnages de conteurs, de narrateurs, qui nourrissent la fiction de leurs récits ?
À partir du moment où la société bourgeoise dissimule les faits réels sous ses faux récits, afin d’imposer sa réalité, partant sa légitimité, comment La Comédie humaine procède-t-elle pour n’être pas elle-même taxée de n’être qu’une narration fallacieuse, une réécriture plutôt qu’un roman du réel ? Pourront être étudiées les voies empruntées par le roman balzacien pour se démarquer des faux récits et débusquer le réel sous les apparences trompeuses. La société du faux engage l’œuvre balzacienne à se positionner en conséquence, par ses romans, ses discours sur le roman ou ses postures narratoriales et auctoriales.
La prétention du roman balzacien à « faire vrai », contre « le faux convenu des classiques[61] » et le « faux grandiose de tant de livres contemporains[62] », n’a pas empêché la critique d’estimer que le père du réalisme s’est montré faux (affecté, affabulateur, fautif, falsificateur), Sainte-Beuve l’un des premiers : Balzac, c’est bien souvent « de l’or mêlé de faux[63] ». Les interventions pourront revenir sur le topos du « Balzac faux », voire du « miracle[64] » d’un « Balzac resté vrai, en dépit du faux », des romans de jeunesse aux textes de la maturité, pour cibler dans son œuvre les foyers du faux (aventures, personnages, imagination, style).
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Les propositions de communication, d’une longueur d’environ 300 mots, sont à envoyer avant le 31 janvier 2025 aux adresses suivantes : jdebguy@club-internet.fr et kathia.huynh@gmail.com
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[1] Voir Dominique Massonnaud, Faire vrai. Balzac et l’invention de l’œuvre-monde, Genève, Droz, 2014.
[2] L’expression revient à 7 reprises dans La Comédie humaine, souvent pour faire pendant à « Tout est vrai ».
[3] En ligne : https://www.fabula.org/actualites/54778/le-faux-au-xixe-siecle.html. Une partie des interventions a été publiée sur le site de la SERD : https://serd.hypotheses.org/876.
[4] Voir Philippe Hamon, Puisque réalisme il y a, Paris, La Baconnière, 2015. Le texte a fait l’objet d’une publication sous le titre « Le roman vrai à l’âge de l’ersatz », Poétique, n° 182, 2017/2, p. 147-153.
[5] Sa première apparition date de 2004, dans le titre d’un ouvrage de Ralph Keyes, The Post-Truth Era : Dishonesty and Deception in Contemporary life. Voir Myriam Revault d’Allones, La Faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun, Paris, Seuil, 2018.
[6] Ibid., p. 34.
[7] Ibid., p. 11.
[8] Jésus-Christ en Flandre, X, 320.
[9] Séraphîta, XI, 844.
[10] Voir l’apologie des sciences occultes dans Le Cousin Pons.
[11] La Vieille Fille, IV, 922-923.
[12] Les Proscrits, X, 541.
[13] « Avant-propos », I, 13.
[14] Voir Christèle Couleau, Balzac. Le Roman de l’autorité. Le discours auctorial entre sérieux et ironie, Paris, Honoré Champion, 2007.
[15] Topinard dans Le Cousin Pons, comme le docteur Martener et Brigaut dans Pierrette, savent « l’épouvantable vérité » (IV, 162) étouffée par les Camusot d’un côté, les Vinet-Rogron de l’autre, mais sont contraints à se taire face au triomphe du mensonge.
[16] Madame Firmiani, II, 147.
[17] Louis Lambert, XI, 616.
[18] Physiologie du mariage, XI, 1130.
[19] Massimilla Doni, X, 576.
[20] Voir Agathe Novak-Lechevalier et Nicolas Wanlin, « Le faux au XIXe siècle. Introduction », journée d’études de la SERD (2013), p. 2-4. En ligne : https://serd.hypotheses.org/files/2017/10/1-Introduction.pdf.
[21] Illusions perdues, V, 457.
[22] Ibid.
[23] Voir les Petites Misères de la vie conjugale : « Un homme, non un écrivain, car il y a bien des hommes dans un écrivain, un auteur donc, doit ressembler à Janus : voir en avant et en arrière, se faire rapporteur, découvrir toutes les faces d’une idée, passer alternativement dans l’âme d’Alceste et dans celle de Philinte […] » (XI, 103).
[24] Physiologie du mariage, XI, 982.
[25] Ibid., 1019.
[26] Sur le lien entre bourgeoisie et faux récits de légitimation, voir Kathia Huynh, « Double fin et scandale moral dans quatre Études de mœurs », The Balzac Review / Revue Balzac, n° 5, p. 59-78.
[27] Voir Boris Lyon-Caen, « Le roman petit bourgeois », in Andrea Del Lungo et Pierre Glaudes (dir.), Balzac, l’invention de la sociologie, Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 119-134.
[28] La Cousine Bette, VII, 97.
[29] On rejoint Philippe Hamon lorsqu’il estime que « le faux n’est plus un concept spéculatif, un concept “séparable” (du vrai), mais une omni-présence, une donnée brute, une composante générale du quotidien […] », « Le roman vrai à l’âge de l’ersatz », art. cit., p. 149.
[30] Voir Manuel Charpy, Le Théâtre des objets. Espaces privés, culturelle matérielle et identité bourgeoise. Paris, 1830-1914, thèse de doctorat soutenue en 2010 à l’Université François-Rabelais (Tours), sous la direction de Jean-Luc Pinol.
[31] La notice faux (adjectif et substantif, employé aussi en tant qu’adverbe) compte environ 13 entrées dans la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie (1835), et le Littré n’en compte pas moins de 26.
[32] On se montrera attentif aux « gestes faux » (XII, 285), aux « faux pas » (XII, 289), aux « mouvements faux » (XII, 297), comme celui du ventre obèse, qui distinguent l’homme de l’animal, chez qui « rien n’est faux » (XII, 296).
[33] Voir Agathe Novak-Lechevalier, La Théâtralité dans le roman. Stendhal, Balzac, thèse de doctorat soutenue en 2007 à l’Université Sorbonne-Nouvelle, sous la direction de Dominique Combe ; « Microsociologie balzacienne. Balzac, Goffman et le théâtre du monde », in Balzac, l’invention de la sociologie, op. cit., p. 301-316.
[34] On emprunte cette formule à Guy Debord, La Société du spectacle [1967], in Œuvres, éd. Jean-Louis Rançon, Paris, Gallimard, 2006.
[35] Illusions perdues, V, 388.
[36] Voir Éric Bordas, « Le Faiseur et ses mensonges », in Éric Bordas et Agathe Novak-Lechevalier (dir.), Le Théâtre de Balzac. Splendeurs et misères d’un parent pauvre, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 205-215 ; Nicole Mozet, « Mensonge » in Éric Bordas, Pierre Glaudes et Nicole Mozet (dir.), Dictionnaire Balzac, Paris, Classiques Garnier, 2021, t. II, p. 823-824.
[37] Sur les faux noms, voir Ada Smaniotto, Poétique balzacienne des noms de personnages. « Faire concurrence à l’état civil », Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 111 et suivantes.
[38] La Cousine Bette, VII, 101.
[39] Sur le corps au XIXe siècle, voir François Kerlouégan, Ce fatal excès du désir. Poétique du corps romantique, Paris, Honoré Champion, 2006 ; Jean-Marie Roulin (dir.), Corps, littérature, société (1789-1900), Saint-Étienne, PUPS, 2003. Chez Balzac, voir Revue Balzac / The Balzac Review, n° 3, 2020.
[40] Béatrix, II, 863.
[41] On renverra au séminaire 2022-2023 du GIRB, « Des filles d’Ève. Balzac et la “question femme” », co-organisé par José-Luis Diaz, Céline Duverne, Jacques-David Ebguy et Lucie Nizard. Actes à paraître chez Classiques Garnier.
[42] Ferragus, V, 834.
[43] Ibid., 839 : « Enfin les bouffants de baleine, les entournures garnies de taffetas gommé, les chiffons menteurs, les cheveux vendus par le coiffeur, toute la fausse femme est là, éparse. Disjecta membra poetae, la poésie artificielle tant admirée par ceux pour qui elle avait été conçue, élaborée, la jolie femme encombre tous les coins. »
[44] Mémoires de deux jeunes mariées, I, 270-271.
[45] Kalifa, Dominique, Régnier, Philippe, Thérenty, Marie-Ève et Vaillant, Alain, La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2011.
[46] Voir Filip Kekus, « Du canard romantique : enjeux de la mystification pour la génération de 1830 », Romantisme, n° 156, 2012/2, p. 39-51 ; Vincent Bierce, « Canard », in Dictionnaire Balzac, op. cit., t. I, p. 208.
[47] Illusions perdues, V, 437.
[48] Ibid.
[49] Voir Marie-Ève Thérenty, Mosaïques. Être écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Honoré Champion, 2003.
[50] Pierrette, IV, 54.
[51] On rappelle qu’il existe dans le Code Pénal de 1810 plusieurs sections reversées aux crimes de faux.
[52] Voir Irène Aghion et Marie-Christine Hellmann (dir.), Vrai ou faux ? Copier, imiter, falsifier, Paris, Bibliothèque nationale, 1998 ; De main de maître : l’artiste et le faux, Hazan, 2009.
[53] Certains ont déjà fait l’objet d’études détaillées. On citera le cas des fausses lettres de change, traitées par Alexandre Péraud, Le Crédit dans la poétique balzacienne, Paris, Classiques Garnier, 2012, et des correspondances par Florence Terrasse-Riou, Balzac, le roman de la communication, Paris, SÉDÈS, 2000 et Mireille Labouret, « De la lettre volée à l’imposture épistolaire », L’Année balzacienne, 2010, p. 59-78. Sur la collection de Pierre Grassou, voir Martin Babelon, « Pierre Grassou ou le jeu du faux », L’Année balzacienne, 1989, p. 261-274 ; Boris Lyon-Caen, « Balzac et la collection », L’Année balzacienne, 2003, en particulier p. 276-278.
[54] Lelevé, Loïse, « Feindre de croire aux balivernes ». Faux et faussaires dans le roman européen contemporain, de la postmodernité à l’ère de la post-vérité, thèse de doctorat soutenue en 2022 à l’Université Rennes 2, sous la direction d’Emmanuel Bouju.
[55] Deleuze, Gilles, « Les puissances du faux », Cinéma. 2. L’image-temps, Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 175.
[56] Pierre Grassou, VI, 1100.
[57] Voir également le stratagème de Wenceslas Steinbock, qui veut faire passer pour antique sa sculpture de Samson (La Cousine Bette, VII, 95). Pratiquant comme Magus l’art de la combine, il partage avec Grassou sa vocation d’artiste raté, financé par une monarchie de Juillet décidément fascinée par ces demi-faussaires et leurs sous-œuvres. On relira à ce titre la consécration de Pierre Grassou au Salon de 1829, repéré par Charles X, le Dauphin et le Duc d’Orléans.
[58] Sur la paralipse comme « omission latérale », voir Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 209-210.
[59] Deleuze, Gilles, op. cit., p. 171.
[60] Voir Wayne Booth, The Rhetoric of Fiction, Chicago, University of Chicago Press, 1961 ; Frank Wagner, « Quand le narrateur boit(e)… (Réflexions sur le narrateur non fiable et/ou indigne de confiance) », Arborescences, n° 6, septembre 2016, p. 148-175.
[61] « Introduction aux Études de mœurs au XIXe siècle » de Félix Davin, I, 1170.
[62] « Introduction aux Études philosophiques » de Félix Davin, X, 1208.
[63] Sainte-Beuve, Charles-Augustin, « Poètes et romanciers modernes de la France. XVI. M. de Balzac. La Recherche de l’Absolu », Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1834, 3e s., t. IV, p. 449.
[64] Bardèche, Maurice, Balzac romancier [1940], Paris, Plon, 1943, p. 381 : « Et c’est vraiment un miracle qu’avec tant de raisons de se tromper, tant de raisons d’aller vers le médiocre et le faux, il ait abouti si souvent, si fortement, à la vérité. »