Le faux au XIXe siècle
Journée d’étude organisée par la Société des Études Romantiques et Dix-neuviémistes,
suivie de l’assemblée générale annuelle de la SERD
18 janvier 2013, à partir de 10h
Grand amphithéâtre de l’Institut du Monde anglophone (Paris 3)
5, rue de l’École de Médecine, Paris
Organisation : Agathe Novak-Lechevalier et Nicolas Wanlin
Programme
10h Introduction par Agathe Lechevalier (Université de Montpellier) et Nicolas Wanlin (Université d’Artois)
Présentation par Philippe Hamon
10h30 : sous la présidence de Philippe Hamon
Paule Petitier (Université Paris-Diderot) : « Le vrai, le faux et l’histoire sous le Second Empire (Mérimée, Michelet, Renan) »
Manuel Charpy (Université de Lille 3) : « Faux et demi-faux : authenticité et culture matérielle en bourgeoisie ».
14h 00 : sous la présidence de Nathalie Preiss
Juliette Grange (Université de Tours) : « Le faux comme moment du vrai. L'historicité de la connaissance chez Auguste Comte »
Faussaires et mystifications:
Anne-Gaëlle-Weber (Université d’Artois) : « Des escargots sympathiques aux rats-à-trompes : merveilles, mystifications et impostures savantes au XIXe siècle »
Esther Moench (Conservateur du Patrimoine) : « Le faussaire, le marchand, le collectionneur : de l'art de fabriquer des Primitifs italiens à la fin du XIXe siècle »
16 h : Sociologies du faux : sous la présidence de José-Luis Diaz
Christophe Reffait (Université de Picardie) : « "L’honnêteté, (...) ce n’est que le succès" (Zola, L’Argent) : finance, prédictions auto-réalisatrices, pétition de principe »
Dominique Kalifa (Université Paris 1) : « Vrais et faux bas-fonds : l’invention de la "tournée des grands-ducs" »
18h Assemblée générale de la SERD
Texte d'intention:
J’ai aimé la vérité… Où est-elle ?... Partout hypocrisie, ou du moins charlatanisme, même chez les plus vertueux, même chez les plus grands.
Ainsi enrage Julien Sorel, contre un siècle qui lui semble voué au règne de l’imposture. De fait, le XIXe siècle, qu’on identifie généralement comme celui où le positivisme œuvre pour imposer sa méthode empirique et critique, est aussi un siècle où fleurissent faux documents, fausses preuves, faux témoignages, au point que le charlatanisme et le positivisme peuvent sembler les deux faces antithétiques de la même médaille.
Une anecdote peut paraître ici exemplaire : celle du grand mathématicien Michel Chasles, membre de l’Institut de France, discrédité par le faussaire Vrain-Lucas auquel, dans les années 1860, il achète des milliers de lettres autographes, toutes écrites dans un ancien français de pacotille, et dont les auteurs ne seraient rien de moins que Pascal et Newton, Jules César et Vercingétorix, Eschyle et Pythagore, ou encore Jeanne d’Arc... Non seulement le savant est dupe, mais, prenant à partie l’Académie, il reçoit le soutien de quelques personnalités. La justice rétablira finalement la vérité, mais la mésaventure aura montré combien les institutions supposées être gardiennes de la valeur et de la vérité vacillent ; elle révèle aussi que l’industrie du faux peut rapporter beaucoup, et que les dupes sont, parfois, susceptibles de se faire complices des faussaires pour soutenir l’illusion.
Plus généralement, cette contamination du faux s’ancre dans le dérèglement social et épistémologique, la crise de la confiance et de la notion même de valeur qui caractérisent le XIXe siècle. De même que le capitalisme naissant voit les cours, le crédit et la confiance se déconnecter, à la Bourse, de la valeur réelle, l’ébranlement révolutionnaire laisse une société perçue comme illisible, où les identités sociales fluctuent, où les imposteurs sont légion. Dans le domaine artistique, la valeur des œuvres n’est plus indexée par les institutions, mais laissée à l’appréciation du public, des journalistes et du marché. À qui se fier, dès lors, pour évaluer les objets, discerner l’authentique du faux ? Les faiseurs se glissent parmi les auteurs, les faussaires parmi les artistes, et s’amorce le règne du puff, « le mensonge passé à l’état de spéculation, mis à la portée de tout le monde, et circulant librement pour les besoins de la société et de l’industrie » (Scribe).
On pourra donc s’intéresser :
1) au processus de la falsification et à son rapport à la vérité :
- Comment et pourquoi fabrique-t-on du faux ?
- De quoi sa prolifération est-elle le symptôme ? Que véhicule-t-il dans l’imaginaire collectif ?
- Quels sont les indices du faux ?
- Quels sont les critères et les procédures de vérification qui permettent de le distinguer du vrai ou de l’authentique ?
2) à l’exploitation littéraire du faux : au XIXe siècle, le faux devient un thème littéraire central (qu’on pense au Pierre Grassou de Balzac, au Humbug de Verne, en passant par « La Fausse monnaie » de Baudelaire dans Le Spleen de Paris, etc.)
- Que recouvre cet intérêt de la littérature pour le faux ?
- Quel usage les écrivains en font-ils ?
3) à la productivité du faux :
- Puissance de séduction et de persuasion du faux, à la fois du côté du falsificateur et du côté de la dupe ;
- Fondation de lieux communs (la conspiration, le soupçon généralisé) qui s’ancrent dans un discours sur le faux ;
- Perturbation du système de valeurs initial et création de nouveaux systèmes de valeurs, voire d’une nouvelle conception de la vérité.