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Appels à contributions
Les magazines de polar en France (1945-1989) : perspectives historiques, culturelles et médiatiques (POLARisation, Montpellier)

Les magazines de polar en France (1945-1989) : perspectives historiques, culturelles et médiatiques (POLARisation, Montpellier)

Publié le par Marc Escola (Source : Annabelle Marion)

Appel à contributions pour le colloque

Les magazines de polar en France (1945-1989) : perspectives historiques, culturelles et médiatiques

13-14 mai 2025, Université Paul Valéry Montpellier 3

Organisé dans le cadre du projet ANR POLARisation (https://polarisation.hypotheses.org/), le colloque a pour ambition d’explorer les magazines de polar en France, entre 1945 et 1989. Si la presse criminelle a fait l’objet de nombreux travaux[1], les magazines de polar représentent un champ d’investigations à ce jour presque inexploré, si l’on excepte les quelques inventaires dressés par des amateurs passionnés[2].

En ce qu’ils centralisent un grand nombre de discours et de représentations portés sur le polar et mettent en relation les différents acteurs de l’espace culturel et médiatique (les auteur·ices, les éditeur·ices, les publicitaires, les critiques, les lecteur·ices), les magazines spécialisés permettent d’analyser l’interdiscours à travers lequel se construit le genre. Ils donnent à mesurer les définitions et les appropriations plurielles, souvent contradictoires, dont celui-ci fait l’objet, à travers un ensemble de formes diverses qui fonctionnent en réseau et doivent dès lors être appréhendées de manière globale (récits policiers, commentaires accompagnant ces récits, publicités, comptes rendus, actualités, études critiques, débats, courriers des lecteurs, bulletins d’associations ou de clubs, palmarès de prix, sondages, jeux et concours, illustrations).

Étudier ces magazines spécialisés permet ainsi de ressaisir, de l’intérieur, la fabrique collective du genre et d’une culture « polar », de même que leur histoire, depuis le « moment américain[3] » qui suit la Libération jusqu’au tournant contre-culturel d’après Mai-68. Cette évolution transparaît aussi bien dans les contenus que dans les formats de publication : si les années 1945-1965 sont dominées par les périodiques adaptant ou imitant les magazines de nouvelles américaines au format digest (Mystère-Magazine, Hitchcock Magazine, Noir Magazine, Le Saint Détective Magazine, Suspense, Minuit), les années 1970-1980 favorisent l’essor des fanzines dévolus aux « mauvais genres », qui deviennent les vecteurs d’une contestation sociale et politique (Enigmatika, Les Amis du crime, Hard-boiled Dicks, 813, La Tête en noir). La « déflagration “néo-polar”[4] » de 1979 marque par ailleurs un intérêt renouvelé pour le genre qui se traduit par la création de nouveaux magazines (Polar, Gang, Asphalte).

Aborder ces périodiques dans une perspective historique, culturelle et médiatique, en distinguant leurs périodes de publication, leurs politiques éditoriales et les publics auxquels ils se destinent, conduit ainsi à explorer des enjeux multiples : modélisation collective du genre policier et de ses sous-genres ; pratiques et imaginaires de la consommation des fictions criminelles ; négociations avec les héritages passés (les « ancêtres » du roman policier, les représentants du detective-novel) mais aussi les modèles internationaux, en particulier étatsuniens ; circulations transmédiatiques des imaginaires criminels (cinéma, radio, télévision, BD). Plus particulièrement, l’étude des magazines spécialisés permet d’évaluer le rôle des amateurs dans la construction du genre policier : offrant des espaces d’échanges et de sociabilités, les revues et fanzines contribuent à faire vivre une culture du polar qui déborde largement la simple consommation des fictions et participe au rayonnement du genre. Ils favorisent également la structuration de discours savants portés sur le genre, fortement liés à des enjeux de légitimation. Si ce discours critique se développe surtout à partir des années 1970, à la faveur de mouvements de réévaluation de productions culturelles en marge des canons légitimés, il émerge dès la fin des années 1940 dans Mystère-Magazine, première revue à offrir aux passionnés et aux professionnels du genre une tribune inédite en France.

Une première journée d’études consacrée aux discours sur le polar, organisée à l’université Paul Valéry Montpellier 3 en mai 2024[5], a permis d’amorcer la réflexion en abordant plusieurs magazines spécialisés de la seconde moitié du XXe siècle. Nous souhaitons poursuivre ces recherches, en nous montrant particulièrement sensibles aux propositions qui porteront des questionnements transversaux permettant d’embrasser plusieurs titres, plutôt que des études monographiques. À titre indicatif, on pourra s’intéresser aux points suivants : 

·       Circulations et fonctionnement en réseau des magazines de polar ;

·       Rapport à l’international ;

·       Formes et enjeux du discours critique, entre logiques mercatiques et constitution d’un discours savant sur le genre ;

·       Processus d’évaluation et stratégies de légitimation ;

·       Rapport à l’actualité et à l’histoire du genre ;

·       Sociabilités établies et/ou médiatisées par les magazines ;

·       Image et place des lecteur·ices ;

·       Dimension genrée des magazines de polar ;

·       Rapports entre polar et fait divers, entre fictionnel et factuel ;

·       Circulations transmédiatiques du genre (place laissée au cinéma, à la radio, à la télévision) ; 

·       Place et rôle des illustrations.

Les propositions de communication (environ 300 mots), accompagnées d’une brève notice biobibliographique, doivent être adressées avant le 3 janvier 2025 aux organisateur·ices du colloque, Annabelle Marion (Université de Limoges) et Yoan Vérilhac (Université de Nîmes) aux adresses suivantes : 

annabellemarion42@gmail.com ; yoan.verilhac@unimes.fr


 
[1] On se reportera au bilan qu’en propose Claire Sécail, « La presse criminelle », dans Claire Blandin (dir.), Manuel d’analyse de la presse magazine, Paris, Armand Colin, coll. « ICOM », 2018, p. 125-139. Le magazine Détective, en particulier, a fait l’objet de plusieurs études : Amélie Chabrier et Marie-Ève Thérenty, Détective. Fabrique de crimes ?, Nantes, Éditions Joseph K., 2017 ; Amélie Chabrier et Marie-Ève Thérenty (dir.), Détective, histoire, imaginaire, médiapoétique d’un hebdomadaire de fait divers (1928-1940), Criminocorpus [En ligne], 12 | 2018 (URL : https://journals.openedition.org/criminocorpus/5537).
[2] Voir notamment Danny de Laet, Mensuels du meurtre et du mystère. Inventaire des magazines policiers en France (1946-1996), Anvers, Éditions de l’Invisible, 2008.
[3] Anne Cadin, Le Moment américain du roman français (1945-1950), Classiques Garnier, 2018.
[4] Natacha Levet, Le roman noir. Une histoire française, Paris, PUF, 2024, p. 209.
[5] Voir le programme à l’adresse suivante : https://www.univ-montp3.fr/fr/evenements/polarisation-le-polar-1945-1989-les-discours-sur-le-genre