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Écrire la Méditerranée arabe. Les différentes expressions d’un espace et d’un concept contrasté (Lille)

Écrire la Méditerranée arabe. Les différentes expressions d’un espace et d’un concept contrasté (Lille)

Publié le par Marc Escola (Source : Bianca Vallarano)

Appel à communications

Colloque international

Écrire la Méditerranée arabe.

Les différentes expressions d’un espace et d’un concept contrasté

Mercredi 20 et jeudi 21 novembre 2024

Université de Lille - Laboratoire CECILLE

Date de tombée : le 10 septembre 2024

La Méditerranée ou celle « qui est entre les terres » dans son sens étymologique, ne constitue pas seulement un concept géographique (Brunet 1995) ou un espace construit comme une unité géographique dans l’Europe contemporaine (Deprest 2002). Celle-ci émerge aussi comme un espace politique et civilisationnel commun (Ruel 1991 ; Saminadayar-Perrin 2012 ; Mérieux 2021). La création de l’Union pour la Méditerranée en 2008 rappelle d’ailleurs que cette entité géographique est de nos jours pensée comme un cadre de l’action politique commune entre pays du pourtour (Moisseron et Bayoumi 2012). Et parmi ces « pays du pourtour », baignés par les eaux du bassin méditerranéen, on compte plusieurs pays arabes du Maghreb et du Machreq. C’est précisément, en partant de cette grande configuration méditerranéenne, tant physique que conceptuelle, que le présent colloque se propose de réfléchir à la place que le monde arabe y tient et ce par une approche qui sera essentiellement historique et littéraire.

Qu’est-ce que la Méditerranée dans la perspective du monde arabe ? Comment a-t-elle été formalisée à travers les siècles ? Et comment s’écrit-elle aujourd’hui ?

En préambule, il convient de mesurer que l’association de Méditerranée et monde arabe est en soi quelque peu paradoxale. D’une part, le concept de Méditerranée n’est pas endogène à ce dernier. D’autre part, l’espace maritime médiéval, de même que l’activité navale des Arabes sont fort peu renseignés dans les sources jusqu’au IVe/Xe siècle (Donner 1998, Micheau 2012). Pour la période médiévale, cet espace méditerranéo-arabe est par ailleurs resté longtemps tributaire des annales du monde latin et de l’image du « pirate musulman », qui se verra aussi réactivée lors de la domination de la Méditerranée orientale en période ottomane (Dakhlia 2008 ; Picard 2015 ; Oualdi 2020). Néanmoins, des travaux d’histoire moderne permettent d’appréhender l’espace méditerranéen, de façon plus exhaustive, à partir de la perspective ottomane, notamment depuis l'expansion impériale en Syrie, en Égypte et dans une partie du Maghreb à partir du XVIe siècle (Lellouch 2006 ; Vatin 2012). L’« approche des relations entre Méditerranée et monde de l’Islam a toutefois évolué de manière radicale » depuis une vingtaine d’années, grâce notamment à une relecture des sources arabes (Nef 2023).

La première partie du présent colloque visera à cerner ces paradoxes et à discuter les ancrages historiques et les flottements conceptuels qui s’attachent à la Méditerranée arabe. Une fois ces éléments posés, et en réponse à ce qui semblait peu prometteur tant par la rareté des sources que par l’assimilation à une notion exogène, l’objectif sera de montrer que les expressions de cet espace ont foisonné et qu’elles subissent actuellement des évolutions déterminantes. Nul n’est besoin de rappeler qu’évoquer la Méditerranée aujourd’hui fait affleurer les questions des exils, des naufrages et plus globalement des nouvelles partitions du monde qui se lisent dans les expressions de Sud global ou de Black Mediterranean (Di Maio 2013, Hawthorne 2021 ; Gross-Wyrtzen 2023).

Ces notions, qui sont davantage de nature géopolitique, ne pourront qu’éclairer les contributions attendues dont celles de la deuxième partie de ce colloque, qui s’organisera autour d’une Méditerranée des « Dynamiques, circulations et traversées ». Dans cette partie, les interventions pourront aborder des questions portant sur les implications des réseaux inter-transculturels résultant de la condition d'exil au sens large (Nouss 2015), et ce qui concerne les productions artistiques et littéraires (tels les récits de voyage et d’exil), développées dans cet espace et plus particulièrement dans les villes frontières comme Tanger, Tunis ou Alexandrie. Dans quelle mesure les mémoires stratifiées de ces espaces ont-elles façonné des expressions culturelles et artistiques caractérisées par le "métissage" et l'hybridation ? Selon quelles trajectoires ces dynamiques, circulations et traversées ont-elles déterminé des représentations littéraires selon la notion d'autobiogéographie (Collot 2014) ? Notre intention serait aussi de mettre en évidence des dynamiques moins explorées, comme celles qui se jouent actuellement entre l’Italie et le monde arabe, que ce soit au niveau de la création romanesque relative aux espaces urbains complexes et métissés (Amara Lakhous, Igiaba Scego) et/ou au niveau de l’usage de l’italien et de l’arabe dans l’écriture, ou encore au niveau de l’autotraduction.

Dans la troisième partie de ce colloque, seront convoquées les « Représentations et les écritures » de cet espace. Dans cette perspective, nous proposons quelques orientations à privilégier investissant cette Méditerranée arabe : récits du merveilleux, mythes et légendes, musiques et chants. Dans ce contexte, une attention particulière pourra être consacrée aux écritures et expériences de la Méditerranée au féminin (Elisa Chimenti, Assia Djebbar, Salma El Moumni ...). Dans le but de faire sortir de l’ombre et de valoriser ce patrimoine féminin, qui a été longtemps ignoré, nous nous interrogerons sur les mécanismes, les formes et la spécificité de ces créations qui reviennent aux femmes. D’une part, celles liées à l’oralité, aux traditions et traduites dans le patrimoine de contes et légendes circulant dans les pays entre les rives de la Méditerranée. D’autre part, nous prendrons en considération l’écriture plus spécifiquement liée à l’exil, caractérisée par la transgression des frontières linguistiques, culturelles et des genres.

Enfin, la quatrième partie de ce colloque portera sur la «Valorisation d’une mémoire méditerranéenne à travers les archives, le numérique et les médias », domaine de recherche en devenir et de plus en plus central pour les sciences humaines. La mémoire méditerranéenne étant fragmentée, stratifiée et complexe tant au niveau géographique que socio-culturel, les outils numériques permettent de mettre en réseau et de suivre les multiples trajectoires des expériences et des représentations de patrimoines méditerranéens souvent oubliés, tout en gardant leur spécificité. Ils assurent également la préservation, la diffusion, et donc la valorisation de cette mémoire.

Les intervenant.e.s sont invité.e.s à proposer des contributions qui s’inscrivent dans un des axes suivants :

I) La Méditerranée : limites physiques et conceptuelles

Conceptions de la Méditerranée et cartographie des premiers géographes arabes
Espace marin et techniques de navigation chez les Arabes à l’âge classique
Les diverses appellations de la Méditerranée
Conceptions historiques, civilisationnelles et politiques de la Méditerranée arabe

II) Dynamiques, circulations et traversées

Récits de voyage (riḥla) et/ou d’exils en lien avec la Méditerranée arabe
Le cas des villes frontières comme espaces de circulations et de transferts culturels
Dynamiques actuelles dans les écritures et les créations croisées entre l’Italie et le monde arabe

III) Représentations et écritures de la Méditerranée arabe

Récits du merveilleux (ʿaǧāʾib), mythes et légendes
Représentations du vide ou des espaces vacants (mer/désert)
Musiquesetchantsentreidentitéetmétissage
Écritures et expériences de la Méditerranée au féminin

IV) Valorisation de la mémoire méditerranéenne à travers les archives, le numérique et les médias

État de la recherche : questions et enjeux méthodologiques
Archives, sources et collections de documents textuels et/ou sonores
Sites/plateformes/outils pour la diffusion et valorisation de ce patrimoine

Comité scientifique : Nawal ALHALAH (Université de Lille) ; Camilla CEDERNA (Université de Lille) ; Jocelyne DAKHLIA (EHESS-CRH, Paris) ; Jean-Charles DUCÈNE (EPHE, Paris) ; Miloud GHARRAFI (Université Lyon 3) ; Marie-Andrée GOUTTENOIRE (Université de Lille) ; Salma HARGAL (Sciences Po Lyon) ; M’hamed OUALDI (Institut universitaire européen, Florence) ; Monica RUOCCO (Université de Naples L’Orientale) ; Nizar TAJDITI (Université Abdelmalek Essaâdi, Tétouan) ; Mourad YELLES (Inalco)

Comité d’organisation : Nawal ALHALAH (Université de Lille) ; Camilla CEDERNA (Université de Lille) ; Marie-Andrée GOUTTENOIRE (Université de Lille) ; Salma HARGAL (Sciences Po Lyon) ; Bianca VALLARANO (Université de Naples L’Orientale, Université de Lille)

Langues de communication : français – anglais

Propositions de communications

À faire parvenir avant le 10 septembre 2024 à l'adresse e-mail des organisatrices : colloquemedarabe@gmx.fr
Chaque proposition doit être accompagnée d'un résumé (maximum 1000 caractères, espaces inclus) et d'une brève note biographique (maximum 500 caractères, espaces inclus). Dans le résumé, il doit être clairement indiqué l’axe dans lequel la contribution va s’inscrire, ainsi que le nom et le prénom, l'institution d'affiliation et le titre de l'intervention proposée.

Les communications sont souhaitées en mode présentiel.

Les transports et l’hébergement sont à la charge des participants qui sont invités à solliciter leurs unités de recherche pour leur défraiement.

Bibliographie

BRUNET R., « Modèles de Méditerranées », L’espace géographique, no. 24, vol. 2, 1995, p. 200-202.

CASERTA, S., « What (is the) Mediterranean? », in Narratives of Mediterranean Spaces. Geocriticism and Spatial Literary Studies, Palgrave Macmillan, Cham, 2022.

CEDERNA, C., MAURI, A., SANNA, A., « L’écriture mosaïque d’Elisa Chimenti entre métissage et transgression », in C. Cederna, A. Mauri, A. Sanna (dir.), L’écriture de l’exil au féminin : de la transgression au métissage, Atlante, Revue d’Études romanes, n° 18, Université de Lille, 2023.

COLLOT, M., Autobiogéographie, Paris, Corti, 2014.

DAKHLIA Jocelyne, Lingua franca. Histoire d’une langue métisse en Méditerranée, Paris, Actes Sud, 2008.

DEPREST, F., « L’invention géographique de la Méditerranée : éléments de réflexion », L’Espace géographique, vol. 31, no 1, 2002, p. 73-92.

DI MAIO, A. « The Mediterranean, or Where Africa Does (Not) Meet Italy: Andrea Segre's A Sud di Lampedusa (2006) », in S. Schrader, D. Winkler (a cura di), The Cinemas of Italian Migration: European and Transatlantic Narratives, Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 2013, p. 41-52.

DJAFRI, Y., « La chanson, miroir de l’immigration », in Magali Morsy (dir.), Les Nord-Africains en France, Paris, CHEAM, 1984.

DONNER, F., Narratives of Islamic Origins: the Beginnings of Historical Writing, Princeton, Darwin Press, 1998.

DUCÈNE, J.-C., L’Europe et les géographes arabes du Moyen Âge (IXe-XVe siècles) : « La grande terre » et ses peuples. Conceptualisation d’un espace ethnique et politique, Paris, CNRS Éditions, 2018.

GHARRAFI, Miloud, « Le corps migrant dans le roman arabe : de l’exotisme à l’aliénation », LiCArC, Corps et désordre dans le monde arabe, Hors-série 2021, p. 121-135.

GROSS-WYRTZEN, Leslie, « Becoming Fugitive: Migration in the American and EurAfrican Borderlands”, ACME International journal for critical geographies, no.22, vol. 2, 2023, p.1342-1365.

HAWTHORNE, C., “L’Italia meticcia? The Black Mediteranean Crisis and the Racial Cartographies of Citizenship”, in Gabriele BROGLIO et al (dir.), The Black Mediterranean. Bodies, Borders and Citizenship, Palgrave Macmillan, 2021.

Mers et rivages d’Islam : de l’Atlantique à la Méditerranée, Mélanges offerts à Christophe Picard, Éd. Alexandra Bill, Antoine Borrut, Yann Dejugnat, Camille Rhoné-Quer, Jennifer Vanz, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2023.

LELLOUCH, B., Les Ottomans en Égypte. Historiens et conquérants au XVIe siècle, Paris-Louvain-Dudley, Peeters, 2006.

MÉRIEUX, V., « Ouverture. Les inventions de la Méditerranée (1798-1930). Mises en lumière croisées », Cahiers de la Méditerranée, no. 103, 2021, pp. 15-33.

MICHEAU, F., Les débuts de l’Islam. Jalons pour une nouvelle histoire, Paris, Téraèdre, 2012.

MOISSERON, J.-Y., et BAYOUMI, M., « La Méditerranée comme concept et représentation », Revue Tiers Monde, vol. 209, no. 1, 2012, p. 179-196.

NEF, A., « Comment la Sicile est (re-)devenue méditerranéenne à l’époque islamique (IXe-XIe siècles) : renouvellements historiographiques récents et pistes de recherche », dans : Mers et rivages d’Islam : de l’Atlantique à la Méditerranée, Mélanges offerts à Christophe Picard, Éd. Alexandra Bill, Antoine Borrut, Yann Dejugnat, Camille Rhoné-Quer, Jennifer Vanz, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2023, p. 21-34.

NOUSS, A., La condition de l’exilé. Penser les migrations contemporaines, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2015.

OUALDI M'hamed, A Slave between Empires: A Transimperial History of North Africa, Columbia University Press, 2020.

PICARD, C., La mer des califes : une histoire de la Méditerranée musulmane (VIIe-XIIe siècle), Paris, Éditions du Seuil, 2015.

RUEL, A., « L’invention de La Méditerranée », Vingtième Siècle, no 32, octobre-décembre 1991, p. 7-14.

SAMINADAYAR-PERRIN, C. (dir.), L’invention littéraire de la Méditerranée dans la France du XIXe siècle, Paris, Geuthner, 2012.

SCHMOLL, C., « Chapitre 6. Frontières à l’intersection des rapports de pouvoir », dans : Anne-Laure Amilhat Szary éd., Frontières. Capes-Agrégation Histoire-Géographie. Paris, Armand Colin, « Horizon », 2020, p. 56-72. DOI : 10.3917/arco.amilh.2020.01.0056. URL:https://www-cairn-info.ressources-electroniques.univ-lille.fr/frontieres--9782200629779-page-56.htm

VATIN, N., « Note sur l’entrée d’Alger sous la souveraineté ottomane (1519-1521) », Turcica 44, 2012-2013, p. 131-166.

YELLES M.-CHAOUCH, « Centralité et métissage. D’un baroque méditerranéen », Aire régionale Méditerranéenne, Unesco, 2001.