Que l’amour recèle une angoisse qui le hante comme son ombre, que le secret d’un nom, Perceval, Lancelot ou Swann, structure de manière invisible tout un édifice romanesque, que la nuit intérieure de l’âme ou « la grande forêt obscure » de l’errance prélude à l’illumination qui la régénère, que l’écriture ne se déploie que sous forme d’une réécriture ou d’une traduction, autant de traits qui apparentent les deux sommes romanesques qui ont ouvert, pour l’une, et accompli, pour l’autre, la littérature narrative d’imagination en prose française : Le Livre de Lancelot, au XIIIe siècle, À la recherche du temps perdu, au XXe.
Aux deux bouts de la chaîne se tiennent et se répondent dans ce qu’elles mettent en jeu – au regard de la subjectivité et du désir aux prises avec un impossible, d’une expérience d’amour et d’une transformation intérieure –, l’œuvre du Maître anonyme du premier roman en prose, hanté par un fond de ténèbres et de lumières des romans en vers qui l’ont nourri, et celle de Marcel Proust, qui clôt un cycle en puisant réflexivement aux sources vives de la mémoire les raisons de son passage à l’écriture.
C’est en remontant le temps, du familier à l’antérieur par le truchement du drame wagnérien, où l’impossible est de posséder à la fois la puissance et l’amour, que se propose au lecteur la redécouverte d’un horizon devenu étranger, tel un continent perdu.
Charles Méla, ancien élève de l’ENS Ulm, est professeur honoraire à l’Université de Genève.
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Version PDF : e-EAN 9782745361806. 25 €