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Que sont nos autrices devenues ? Entre modèles et influences (XVIIe-XVIIIe siècles)

Que sont nos autrices devenues ? Entre modèles et influences (XVIIe-XVIIIe siècles)

Publié le par Camille Esmein-Sarrazin

Que sont nos autrices devenues ?

Entre modèles et influences (XVIIe-XVIIIe siècles)

23-24 janvier 2025

Université Paris-Est-Créteil

Organisatrices :

Camille Esmein-Sarrazin (Université d’Orléans, POuvoirs, LEttres, Normes)

Claire Fourquet-Gracieux (UPEC, Lettres, Idées, Savoirs)

Le XVIIe siècle est présenté par la critique actuelle comme « un grand siècle pour les femmes auteurs »[1] et plus précisément comme « un siècle d’innovatrices »[2], formules dans lesquelles le pluriel recouvre non seulement un grand nombre d’autrices, mais aussi vraisemblablement l’organisation en collectivités et en réseaux associant parfois « écriveuses » et écrivaines en de véritables « équipes féminines »[3].

Mais que sont devenus les textes de ces innovatrices et de ces femmes auteurs ? Si la marginalisation de ces autrices ne fait pas de doute, mais reste à mesurer, il est difficile de croire que le XVIIIe siècle, qui ne marque pas vraiment de rupture avec le siècle précédent, ne leur fasse aucune place et que ces autrices soient alors tombées dans un oubli complet. Il semble ainsi possible de faire le pari suivant : les textes des innovatrices comme d’autres autrices ont continué d’être diffusés et lus, ont fait l’objet de pastiches, et ont pu servir de modèle : « on entend la voix de l’héroïne de Villedieu dans La Vie de Marianne, ou les Aventures de Madame la Comtesse de *** (1731-1745) de Marivaux. Et vraiment, les aventures de Marianne ne sont rien à côté de celles de Sylvie » selon Martine Reid[4]

Nous voudrions nous inscrire dans la lignée des études qui se sont intéressées aux oubliés de l’histoire littéraire[5]. Ce renouveau de la critique permet de penser que certaines autrices du XVIIe siècle ont eu une influence non négligeable sur la production littéraire du XVIIIe siècle et sur la représentation de la littérature à cette période, entre philogynie et misogynie.

Le projet de la présente enquête est de proposer, dans ce champ en particulier, une relecture de l’histoire littéraire, en sondant le potentiel littéraire de certains textes de femmes, notamment en cherchant à mesurer leur postérité réelle. La visée est moins celle d’une réévaluation que du soulignement d’une continuité, à travers la notion de modèle, par laquelle la notion d’exception perd de sa force rhétorique et qui est peut-être plus juste et plus pragmatique que la notion de pionnière[6]

Plusieurs champs d’écriture sont appelés à être parcourus, sans exclusive : 

●      Essais et littérature d’idées : Gabrielle Suchon, Marie de Gournay ont-elles été lues, citées, méditées, imitées, par d’autres auteurs et autrices de textes d’idées comme Anne-Thérèse de Lambert, Olympe de Gouges, Louise Dupin, voire Jean-Jacques Rousseau, Voltaire et autres philosophes ?

●      Fiction : roman, théâtre, poésie, contes : des traces rarement avouées mais profondes ont été laissées sur la production du XVIIIe siècle par Madeleine de Scudéry, Marie-Madeleine de Lafayette, Louise de Bossigny Auneuil, Marie-Jeanne L’Héritier, Marie-Catherine de Villedieu, Antoinette Des Houlières, Jacqueline Pascal, Catherine Durand, entre autres.

●      Promotion et critique : revues, anthologies, manuels, dictionnaires se prêtent à l’étude de l’influence des écrivaines[7]. On sait que le Mercure Galant a assuré la promotion de certaines autrices de leur vivant. Les publications de cette revue tendent-elles à perpétuer la mémoire de ces autrices dans les décennies suivantes ? Que retiennent les nombreuses anthologies du XVIIIe siècle[8] ? Les dictionnaires, écrits essentiellement par des hommes, cherchent-ils systématiquement à nier leur statut de femmes de lettres[9]  ou les citent-ils parfois, ce qui assure paradoxalement la diffusion de leur production ? Quelles valeurs, littéraires, morales, physiques, sont retenues ? En particulier la notion de délicatesse mériterait une analyse en soi et pourrait susciter des propositions. 

●      Diffusion : L’histoire éditoriale témoigne également de la perpétuation des productions des autrices, en France et à l’étranger. Qu’en est-il des traductions de leurs œuvres (dates, pays, nombre d’éditions) ? À l’étranger, les autrices influencent-elles la production littéraire ? On pourra aussi s’intéresser à la question des représentations dramatiques et des adaptations.

Ces propositions visent à déployer les notions d’influence, de modèle et de réécriture à partir d’un ensemble de données matérielles reposant sur l’histoire des textes et de l’édition, afin de repenser l’histoire littéraire des écrivaines du XVIIe  siècle. 

En fonction du nombre de propositions retenues, une troisième journée sera envisagée en septembre-octobre 2025.

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Les propositions de communication seront à envoyer avant le 15 septembre 2024 aux deux adresses suivantes :

camille.esmein-sarrazin@univ-orleans.fr

claire1gracieux@gmail.com

[1] Martine Reid (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, t. 1, Paris, Gallimard, Folio essais, 2020.

[2] Daphné Ticrizenis, Autrices. Ces grandes effacées qui ont fait la littérature, Marseille, Hors d’atteinte, 2022.

[3] Nathalie Freidel, Le Temps des « écriveuses ». L’œuvre pionnière des épistolières au xviie siècle, Paris, Classiques Garnier, 2022.

[4] Martine Reid (dir.), op. cit., t. 1, p. 602.

[5] Voir entre autres : Christelle Bahier-Porte, Régine Jomand-Baudry (dir.), Écrire en mineur au XVIIIe siècle, Paris, Desjonquère, 2009 ; Jean-Pierre Bertrand, Lise Gauvin (dir.), Œuvres mineures en langue majeure, Montréal-Bruxelles, Presses de l’Université de Montréal, 2003 ; Yves Delègue, Luc Fraisse (dir.), Littérature majeure, littérature mineure, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1996 ; Béatrice Rodriguez, Caroline Zekri (éd.), La notion de « mineur » entre littérature, arts et politique, Paris, Michel Houdiard, 2013 ; Catherine Volpilhac-Auger (dir.), Oeuvres majeures, oeuvres mineures ?, Paris, ENS Éditions, 2005.

[6] Sur la question de l’exception, voir Christine Planté, « Femmes exceptionnelles : des exceptions pour quelle règle ? », Les Cahiers du GRIF, n°37-38, 1988, p. 90-111 ; et « L’exception et l’ordinaire dans La petite sœur de Balzac », Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2015.

[7] Au sujet des notices biographiques, voir Charlotte Simonin, « Deuxième sexe, deuxièmes genres ? Femmes auteurs et genres mineurs », dans Christelle Bahier-Porte et Régine Jomand-Baudry, Écrire en mineur au XVIIIsiècle, op. cit., p. 151-166.

[8] Voir Nathalie Grande et Mathilde Labbé (dir.), Revue d’Histoire Littéraire de la France, n°123, décembre 2023, pour les anthologies élaborées par des femmes.

[9] Daphné Ticrizenis, Autrices, op. cit., p. 180.