Publié en 1923, Histoire et conscience de classe de Georg Lukács s’est imposé comme l’un des grands livres de philosophie sociale et politique du xxe siècle. Non seulement Lukács y réévalue l’ancrage philosophique d’un marxisme qu’il arrache aux formules dogmatiques de la Seconde Internationale en faisait dialoguer l’œuvre de Marx aussi bien avec la philosophie allemande classique (Kant, Fichte, Hegel) qu’avec d’autres courants intellectuels de son temps (néokantisme, sociologie allemande, austro-marxisme), mais il le fait en outre dans une perspective résolument politique, pour élargir et approfondir l’horizon ouvert par la révolution d’Octobre en Russie. Si le marxisme est redéfini par Lukács comme une méthode de connaissance de la société et de l’histoire, il est aussi et surtout une philosophie de l’agir révolutionnaire, ce qui implique à la fois la formulation d’un diagnostic sur le présent historique (critique de la réification) et l’identification des conditions sociales et organisationnelles sous lesquelles un dépassement de la réification est possible (théorie de la révolution).
Cette orientation indissociablement philosophique et politique explique la singulière réception d’Histoire et conscience de classe. Conçu comme un prolongement théorique et réflexif de la révolution d’Octobre, l’ouvrage est pourtant immédiatement dénoncé par le Komintern comme une déviation idéaliste, avant d’être érigé en figure du « marxisme occidental » (Perry Anderson). Il irrigue ainsi une grande partie des marxismes hétérodoxes du xxe siècle, de l’école de Francfort à la phénoménologie existentielle en passant par Socialisme ou Barbarie puis l’Internationale Situationniste en France, l’école de Budapest en Hongrie, le groupe Praxis en Yougoslavie ou l’opéraïsme en Italie.
C’est à cette singularité qu’entend rendre justice ce colloque organisé pour le centenaire d’Histoire et conscience de classe, en abordant l’ouvrage selon un triple point de vue.
· Un premier axe consistera à repartir du texte même de Lukács pour réexaminer son contenu conceptuel et ses grandes thèses à la lumière du rapport de Lukács à ses sources (Marx et Engels, Kant, Fichte, Hegel) et à ses interlocuteurs directs ou indirects sur un plan aussi bien théorique (Simmel, Weber, Lask, Rickert, Cassirer, Bloch) que politique (Bernstein, Kautsky, Lénine, Luxemburg, austro-marxisme).
· Le deuxième axe s’intéressera à la réception d’Histoire et conscience de classe dans la conjoncture post-1917 comme dans les débats philosophiques et politique du xxe siècle, non seulement en Europe, mais aussi dans les mondes extra-européens.
· Le dernier axe se concentrera quant à lui sur les usages et aux réinventions possibles d’arguments ou de concepts lukacsiens (point de vue situé, réification, totalité, praxis) dans les pensées critiques contemporaines, marxistes, féministes, écologistes ou antiracistes.
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Les propositions d’interventions (comprenant un titre et un court résumé de 500 mots maximum) doivent être envoyées avant le 31 juillet 2024 à l’adresse suivante : colloque.georg.lukacs2024@gmail.com
Le colloque aura lieu les 18-19 décembre 2024 à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Comité d’organisation :
Alix Bouffard (CRePhAC, Université de Strasbourg), Alexandre Feron (PhiCo, Paris 1), Franck Fischbach (Hiphimo, Paris 1), Katia Genel (Nanterre), Frédéric Monferrand (PhiCo, Paris 1).