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Shakespeare et l’esprit du lieu. 50e anniversaire de la création de la Société Française Shakespeare (Paris)

Shakespeare et l’esprit du lieu. 50e anniversaire de la création de la Société Française Shakespeare (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Société Française Shakespeare)

Le mois de mai 2025 sera l’occasion de commémorer le 50e anniversaire de la création de la Société Française Shakespeare née sous les auspices des Professeurs Henri Fluchère, Marie-Thérèse Jones Davies, Michel Grivelet, Jean Jacquot, Jean-Marie Maguin, Jean Fuzier et Fernand Lagarde.

Cet événement donnera lieu à l’organisation d’un congrès exceptionnel qui se déroulera à Paris du 15 au 18 mai 2025 sur le thème : « Shakespeare et l’esprit du lieu ».

The poet’s eye, in fine frenzy rolling,
Doth glance from heaven to earth, from earth to heaven;
And as imagination bodies forth
The forms of things unknown, the poet's pen
Turns them to shapes and gives to airy nothing
A local habitation and a name (5.1.17).


Ces célèbres vers du Songe soulignent l’importance du lieu dans la création poétique de Shakespeare, qu’elle soit vue en relation avec le local ou avec le global. Le terme même d’habitation apparaît en effet dans quatre autres textes du dramaturge tels que 2 Henry IV, Mesure pour Mesure, Le Marchand de Venise et le Sonnet 95).

Mais, au-delà de ce terme, on trouve nombre d’occurrences des mots space et place dans son œuvre. Un lieu est avant tout un espace que l’on habite, un espace que l’on défend avec ferveur et qui, en tant que tel, renvoie toujours profondément à l’identité de celle ou de celui qui y réside. Othello se perd précisément parce qu’il est un étranger dans une Venise qui le tolère sans l’intégrer véritablement. L’altérité peut faire du lieu une source d’aliénation. En outre, l’utilisation par Othello du mot « occupation » dans le cadre de son adieu aux armes (3.3.360) prend, dans le cadre de sa relation amoureuse avec Desdémone, une connotation licencieuse.

Le premier sens d’« habitation » dans l’Oxford English Dictionary renvoie à l’occupation d’un territoire spécifique (« The action of dwelling in or inhabiting as a place of residence; occupancy by inhabitants », OED 1). À partir de là, la notion de lieu pose à l’époque pré-moderne la menace réelle ou fantasmée de l’invasion et de la transgression des frontières ainsi que la question cruciale de la propriété. Shakespeare, on le sait, a été tout au long de sa carrière mû par une quête de stabilité mais aussi par un souci d’accroissement de ses propriétés.

Mais son théâtre comporte aussi des marqueurs géographiques et écologiques. Une pièce comme As You Like It insiste par exemple sur la nécessaire préservation des animaux et des arbres. Néanmoins, ces allusions renvoient principalement à une nature désensauvagée qui permet à l’homme d’en tirer parti. La nature, chez lui, n’est jamais détachée de l’humain. La notion d’esprit du lieu permet aussi de réfléchir à l’enracinement comme au déplacement et à la dépossession dans une perspective écocritique : les échanges commerciaux de plus en plus internationaux façonnent une nouvelle carte du monde, où la circulation des biens régit nécessairement les rapports au lieu. On pourra donc, pour reprendre les termes mêmes de l’anthropologue Philippe Descola, aborder la « figuration et défiguration du monde ». De même, l’exploration et l’exploitation de nouveaux territoires par les colons anglais dessine, au tournant du XVIIe siècle, de nouvelles perceptions du lieu, alors que, dans le même temps, les peuples indigènes se voient forcés de reconfigurer leur attachement aux terres de leurs ancêtres.
On pourra encore s’intéresser aux allusions à ce « lieu » essentiel qu’est le théâtre et au Globe en particulier (« where we lay our scene »). Le théâtre est en effet une zone de condensation de l’espace physique du jeu et des lieux imaginaires décrits dans les pièces. L’acteur shakespearien est donc présent simultanément dans différents types d’espace.

Il y a aussi l’idée d’une présence du surnaturel car le mot « esprit » renvoie également aux spectres et aux nombreuses apparitions dans ce théâtre. On pourra ainsi se demander de quel lieu au juste provient le spectre du Vieil Hamlet et si son appellation de « taupe » doit réellement le confiner au monde souterrain.

Il s’agira enfin de prendre en compte la dimension proprement stylistique liée à ce thème avec les différents topoï et lieux rhétoriques, les lieux de mémoire (les loci memoriae analysés par Frances Yates) ou encore des figures spécifiquement liées au lieu comme ainsi que l’hypotypose (discours de Jean de Gand dans Richard II ou celui du Vieux Duc dans As You Like It).

Merci de faire parvenir pour le 15 septembre 2024 votre proposition de communication (titre de la communication, mots-clés et résumé d’environ 300 mots) accompagnée d’une courte notice biobibliographique, à l’adresse suivante :

contact@societefrancaiseshakespeare.org

Les réponses seront données le 15 octobre 2024.

Les communications seront d’une durée de 20 minutes.