Vogue's Views : de l’Éducation. Perspectives diachroniques et transnationales sur le magazine Vogue, des archives jusqu'aux salles de classe
Colloque international
ESMOD, Paris
Vendredi 13 décembre 2024
"Vogue's View": de l’Éducation.
Perspectives diachroniques et transnationales sur le magazine Vogue,
des archives jusqu'aux salles de classe
Si le célèbre magazine de mode Vogue occupe une place unique dans l'histoire (de la mode et de l’édition), il tient également une position particulière dans l’historiographie. Il a en effet été scruté depuis une myriade de points de vue disciplinaires, y compris, mais sans s'y limiter, celui de l'histoire culturelle (Hill 2004, Kurkdjan 2014), de la sociologie (Rocamora 2006, Moeran 2008, McDowell 2013), de l'histoire économique et de l’histoire des entreprises (Cox & Mowatt 2012), des études marketing (Minowa/Maclaran/Stevens 2019), de l'histoire de l'art (Johnston 2000, Söll 2009, Krause-Wahl 2009 & 2015), des études littéraires (Reed 2006, Pender 2007, Yamamoto 2020), de la linguistique (König 2006), etc. Le contenu de Vogue, et en particulier son rapport à la culture visuelle, a en outre été régulièrement analysé pour éclairer, voire remettre en question des récits historiques dominants (Mahood 2002, Twigg 2010, Conekin 2012, Cheang 2013, Chan 2017, Peters 2017, Parkins 2020, Sivinski 2020, Xepoleas 2022).
Nous professons la nécessité de confronter ces approches convergentes, et affirmons que l'étude du magazine Vogue, en tant que support imprimé aux multiples facettes, a vocation à s’enrichir par le développement d’un dialogue entre ces perspectives variées, et souvent complémentaires. Dans le prolongement de nos propres travaux sur Vogue – examinant les fonctions médiatiques et médiatrices de la photographie de mode (Van de Casteele 2022 & 2023), les mouvements transnationaux notamment à travers les éditions nationales (Fröhlich, Morin & Ruchatz 2021, Assadsolimani 2023a), ainsi que les numéros anniversaires et les expositions rétrospectives mémorialisant le magazine (Morin, Van de Casteele in Lécallier 2020, Assadsolimani 2023b) – nous souhaitons désormais, à l’occasion de la tenue de ce colloque international, offrir une plateforme pour rassembler les chercheurs et chercheuses se penchant sur l’histoire de Vogue, afin de débattre de la pertinence de ces différentes approches, ainsi que des pistes se dessinant aujourd’hui pour la poursuite de ces études.
Nous nous intéresserons en particulier à l'histoire de Vogue au prisme de l'éducation, et nous tenterons d’explorer les différentes façons dont des dynamiques éducatives ont été à l'œuvre au sein de, autour de, ou en opposition au célèbre magazine, à travers l’Histoire et dans différents contextes nationaux. Dans le cadre du colloque, nous entendons le terme « éducation » d’au moins deux façons, considérant d’une part que le magazine vise à « éduquer » des publics larges et divers de manière plus ou moins directe ; d’autre part, qu’il est souvent « actionné » dans des contextes plus ou moins directement éducatifs. Nous entendons donc « éducation » non seulement dans une acception institutionnelle, mais aussi dans une conception plus large, englobant tout transfert de connaissances. En outre, il nous faut aussi prendre en compte le fait que Vogue a, depuis de nombreuses années, œuvré à établir des conventions en matière de style, d’habillement et de manières ; tout en fixant des normes pour la mise en page, l’illustration et la photographie de mode. Le magazine, en ce qu’il arrange, formate et popularise des conceptions situées dans le temps, constitue bien comme l’écrit Madleen Podewski, une « part d’archive ». Nous nous attacherons alors à mettre en lumière comment ces pratiques produisent du sens historique et des « passés signifiants » (Podewski 2023), analysant comment un magazine organise un ensemble complexe – ici centré autour de la consommation –, et fixe des standards relatifs au bon goût et à la distinction sociale entre autres, adoptant tour à tour la position d’un expert ou d’un chroniqueur.
Si l’on situe ainsi les magazines (féminins) tels que Vogue dans le champ de la littérature prescriptive, que pouvons-nous déduire de son contenu quant à ses utilisations, projetées et/ou réelles ? Comment retracer et comprendre les cultures de réception et les « communautés imaginées » (au sens de Benedict Anderson) – de féminité, de goût, de classe, notamment – qu’il convoque à différentes époques et dans différents espaces ? Si l’on prend également en compte le vaste réseau transnational tissé par ses éditions nationales (notamment les Vogue anglais et français, mais aussi, à partir des années 1970, les Vogue italien, brésilien, allemand, espagnol, singapourien, coréen, taïwanais, russe et japonais (voir Button 2006, ainsi que Garrity 1999, Bartlett 2006, Matthews-David 2006, Moeran 2006, Kopnina 2007, Mészáros 2019, Paccaud 2021)), les processus de construction d’identités nationales deviennent également centraux. Enfin, comment ces réceptions sont-elles remédiées dans la culture populaire (littérature, cinéma, etc.) ?
Au-delà de la question (toujours insaisissable) de la réception, les (ré)activations contemporaines du vaste corpus que forment, tous ensemble, les numéros de Vogue nous intéresseront tout particulièrement : des murs des musées jusqu’aux salles de classe, Vogue s’est prêté à de multiples usages éducatifs, à la fois comme outil d'enseignement et comme témoin documentaire. Les magazines à grand tirage sont des sources particulièrement riches pour l’enseignement, car ils constituent un point d'entrée accessible dans des périodes données et fournissent en outre des supports heuristiques. Mais ils impliquent aussi leurs propres défis méthodologiques et analytiques (Pabst 2023, Morin 2024). Ainsi, s’appuyer sur Vogue comme source pour l’histoire (de la mode) ne peut se concevoir sans prendre en compte sa logique médiatique interne, qui façonne son format et son contenu. Le magazine ne reflète pas le passé historique ou vécu, mais le retravaille plutôt de manière discursive.
L’établissement même des archives liées à Vogue, et le discours historique afférent qui émerge lors de ce processus, doivent également être historicisés ; tandis que l’accès à ces archives, lorsqu’il est accordé (ou non) et à qui, sont des questions qui doivent à notre sens interpeller les chercheurs et chercheuses. L’interrelation de la patrimonialisation de l’histoire de la mode avec les dynamiques traversant le champ de l’éducation nous semble offrir des pistes de réflexion prometteuses. Enfin, les méthodes permettant de reconstruire une histoire de la production des représentations (visuelles et textuelles) véhiculées par le magazine pourront être exposées et débattues.
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Nous espérons que toutes ces questions, et bien d'autres encore, seront abordées et discutées au cours de ce colloque. Nous envisageons cet événement comme le point de départ d’une discussion interdisciplinaire et internationale. Nous invitons donc des collègues travaillant dans les domaines de l’histoire, de l’histoire culturelle, des études sur la communication et les médias, des études sur la mode, de l’histoire de la photographie, des études sur les périodiques et d’autres disciplines encore, à nous faire parvenir des propositions pour des communications (20 minutes), suivies d’une discussion (10 minutes). La langue de travail du colloque sera l’anglais, mais les propositions d’interventions en français seront les bienvenues.
Merci d’adresser vos résumés de 500 mots, ainsi qu’une courte notice biographique, jusqu’au 2 septembre 2024, à Jasmin Assadsolimani (jasmin.assadsolimani@tu-dortmund.de), Alice Morin (alice.p.morin@gmail.com) et Marlène van de Casteele (marlene.vandecasteele@esmod.com).
Les participants et participantes seront notifiés de l’acceptation de leur proposition au plus tard le 12 septembre 2024.
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Organisatrices
Jasmin Assadsolimani (Technische Universität Dortmund)
Alice Morin (Université Sorbonne Nouvelle/University of Southern California)
Marlène van de Casteele (ESMOD Paris)
Lieu
ESMOD Paris
12, rue de la Rochefoucauld
75009 Paris
Bibliographie provisionnelle
Assadsolimani, Jasmin. “Make America en vogue again. Die Konstruktion einer nationalen Identität in der US-amerikanischen Vogue nach dem Trump-Wahlsieg.“ Zeichen des Fremden und ihre Metaisierung in ästhetischen Diskursen der Gegenwart, Ed. by Wolfgang Lukas, Martin Nies, Marburg: Schüren Verlag 2023a, 135–168.
———.“30 Jahre »Vogue« – der Blick zurück als Inszenierungsstrategie von Modernität.“ Jahrbuch nmt 2022, Ed. by netzwerk mode textil, Wißner-Verlag: Augsburg 2023b, 24–35.
Bartlett, Djurda. “In Russia, At Last and Forever: The First Seven Years of Russian Vogue.” Fashion Theory 10, no. 1–2 (2006): 175–204. https://doi.org/10.2752/136270406778051094.
Button, Janine. “Vogue Timelines.” Fashion Theory 10, no. 1–2 (2006): 279–288. https://doi.org/10.2752/136270406778051076.
Chan, Heather. “From Costume to Fashion: Visions of Chinese Modernity in Vogue Magazine, 1892–1943.” Ars Orientalis 47 (2017). http://dx.doi.org/10.3998/ars.13441566.0047.009.
Cheang, Sarah. “’To the Ends of the Earth.’ Fashion and Ethnicity in the Vogue Fashion Shoot.” Fashion Media: Past and Present, Ed. by Djurdja Bartlett, Shaun Cole, Agnès Rocamora, Bloomsbury, 2013, 35–45. https://chooser.crossref.org/?doi=10.5040%2F9781350051201.
Conekin, Becky E. “Eugene Vernier and ‘Vogue’ Models in Early ‘Swinging London’: Creating the Fashionable Look of the 1960s.” Women’s Studies Quarterly 41, no. 1/2 (2012): 89–107.
Cox, Howard, and Simon Mowatt. “Vogue in Britain: Authenticity and the Creation of Competitive Advantage in the UK Magazine Industry.” Business History 54, no. 1 (February 1, 2012): 67–87. https://doi.org/10.1080/00076791.2011.617209.
David, Alison Matthews. “Vogue’s New World: American Fashionability and the Politics of Style.” Fashion Theory 10, no. 1–2 (2006): 13–38. https://doi.org/10.2752/136270406778051049.
Garrity, Jane. “Selling Culture to the ‘Civilized’: Bloomsbury, British Vogue, and the Marketing of National Identity.” Modernism/Modernity 6, no. 2 (1999): 29–58. https://doi.org/10.1353/mod.1999.0016.
Hill, Daniel Delis. As Seen in Vogue: A Century of American Fashion in Advertising. Texas Tech University Press, 2007.
Johnston, Patricia A. Real Fantasies: Edward Steichen’s Advertising Photography. University of California Press, 2000.
König, Anna. “Glossy Words: An Analysis of Fashion Writing in British Vogue.” Fashion Theory 10, no. 1–2 (2006): 205–24. https://doi.org/10.2752/136270406778051085.
Kopnina, Helen. “The World According to Vogue: The Role of Culture(s) in International Fashion Magazines.” Dialectical Anthropology 31, no. 4 (2007): 363–81. https://doi.org/10.1007/s10624-007-9030-9.
Krause-Wahl, Antje. “American Fashion and European Art—Alexander Liberman and the Politics of Taste in Vogue of the 1950s.” Journal of Design History 28, no. 1 (2015): 67–82. https://doi.org/10.1093/jdh/epu041.
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