Tristan Garcia, romancier, nouvelliste, philosophe : une mémoire non hégémonique
Appel à communications pour une Journée d’études organisée par
Arnaud Despax et Sylvie Vignes, laboratoire PLH, Équipe Littérature et Herméneutique,
Lundi 23 juin 2025 à l’Université Toulouse-Jean Jaurès
À quarante-trois ans, Tristan Garcia, ancien élève de l’ENS Ulm, Maître de conférences en philosophie à l’université Lyon III – Jean Moulin, est peut-être « l’esprit le plus brillant de sa génération.[1] », un des plus brillants à coup sûr. C’est le penseur d’une métaphysique actualisée, comme en témoignent les ouvrages majeurs Forme et objet. Un traité des choses (2011), et Laisser être et rendre puissant (2023)[2].
C’est aussi le créateur d’une éthique analysant avec profondeur et subtilité les enjeux contemporains (Nous, animaux et humains : actualité de Jeremy Bentham, 2011 ; La Vie intense : une obsession moderne, 2016 ; Nous, 2016 ; L’Architecture du possible, 2021, entre autres ouvrages et publications).
C’est aussi une plume particulièrement reconnue et primée, dont les distinctions confirment les succès éditoriaux et critiques[3]. Écrivain novateur, Tristan Garcia modélise dans son œuvre des genres divers (conte moral, science-fiction, fantastique, aventure, épopée...). Cette reprise avec variation est particulièrement nette dans les derniers ouvrages de fiction parus, les deux premières parties d’Histoire de la souffrance (Âmes, 2019, et Vie contre vie, 2023), dont la structure épique s’associe à une réflexion totalisante originale, consacrée aux esclaves, aux eunuques, aux vaincus – s’orientant pourtant vers un imaginaire fantastique où des êtres insensibles s’avèrent surpuissants.
Mais un tel art de la synthèse est déjà prégnant dans Les Cordelettes de Browser (2012), space opera qui combine le voyage intersidéral à un hypothétique arrêt du temps.
Une vocation encyclopédique se laisse en outre lire dans les recueils de nouvelles, pour les sports avec En l’absence de classement final (2012), ou relayant l’idée de l’éternel retour dans le magistral 7 (2015).
Des romans plus réalistes, tels La Meilleure part des hommes (2008) et Faber. Le destructeur (2013), signalent un souci de réflexion éthique articulée à l’inscription historique, en évoquant des malades du sida ou des enfants et adolescents provinciaux, immigrés ou adoptés. Mais encore, et peut-être surtout, c’est avec Mémoires de la jungle (2010) que le romancier offre une remarquable aventure humaine autant qu’animale, en adoptant la voix narratrice d’un singe s’exprimant en langue des signes. La littérature se confronte alors à une double altérité contradictoire, à la fois naturelle (la bête éduquée lutte contre un homme animalisé) et temporelle, puisque ces « mémoires » sont situés dans un futur possible de l’humanité.
Dès lors, et même si ce livre déclare finalement qu’« un être humain a toujours le dernier mot », c’est l’absence d’hégémonie qui apparaît cruciale dans l’ensemble de l’œuvre, de manière à questionner la mémoire humaine sous l’angle de l’abandon d’une prétention de domination[4].
Par cet appel à contributions pour une Journée d’études à l’Université Toulouse-Jean Jaurès, en juin 2025, nous proposons de saisir sous cet angle d’une totalisation non totalitaire l’œuvre de cet écrivain à la fois romancier, nouvelliste et philosophe. Nous souhaitons ainsi faire prendre la mesure de la place, sans nul doute majeure, que Tristan Garcia occupe dans le paysage littéraire de notre temps.
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Les propositions sont à envoyer avant le 1er octobre 2024 aux deux adresses-mail suivantes :
Arnaud Despax et Sylvie Vignes
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photographie (c) Arnaud Despax
[1] Émission radiophonique Le Masque et la Plume du dimanche 20 janvier 2019, France Inter.
[2] Tous deux aux PUF, collection « MétaphysiqueS ».
[3] Prix de Flore 2008 pour La Meilleure part des hommes ; Prix François-Victor-Noury 2009 de l’Académie Française ; Grand Prix de littérature sportive 2012 pour En l’absence de classement final ; Prix de la Biennale du livre d’histoire à Pontivy 2012 pour Mémoires de la jungle ; écrivain de l’année de GQ 2013 pour Faber. Le destructeur ; Prix du Lundi 2015 et prix du Livre Inter 2016 pour 7... La plupart des récits de Tristan Garcia sont parus aux éditions Gallimard.
[4] Voir Arnaud Despax, « Un tout non hégémonique » : entretien avec Tristan Garcia, en collaboration avec Cédric Chauvin, Revue critique de fixxion française contemporaine n° 9 : « Fiction et virtualité(s) », mis en ligne le 14 décembre 2014. URL : < https://journals.openedition.org/fixxion/9854 >