L’implicite et le malentendu dans les usages particuliers de la langue française en Algérie. implications didactiques et (socio)linguistiques (Béjaia, Algérie, & en ligne)
Le laboratoire LESMS et la Faculté des Lettres et des Langues organisent un colloque national hybride
L’implicite et le malentendu dans les usages particuliers de la langue française en Algérie
Implications didactiques et (socio)linguistiques
les 25 et 26 juin 2024
Présidents du colloque :
Pr. LANSEUR Soufiane et Dr. BELKESSA Lahlou
(Université de Béjaia)
“Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus”
Saint-Exupéry, Le Petit Prince.
La part de l’implicite, du malentendu, du sous-entendu, du non-dit, etc. dans toute communication est importante : “comprendre un énoncé c’est savoir interpréter non seulement ce que son locuteur a dit -l’explicite- mais également ce qu’il a voulu dire, laissé entendre, dit sans le dire, sous-entendu, insinué, etc. : l’implicite” (Détrie, Siblot et Vérine, 2001:149). Ces phénomènes se déclinent différemment en langue maternelle et en langue étrangère (Oursel, 2008) et dépendent également de plusieurs facteurs liés aux conditions de production de chaque énoncé.
« L’implicite, écrit Elie-Deschamps, est un matériau très riche et peut donc prendre des orientations diverses. Eneffet, il s’agit d’un vaste domaine regroupant toute activité présentant un décalage entrele dit et le vouloir dire, balayant ainsi le non-dit, le non-littéral, l’indirect ou encore le figuré » (2016 : 1).
L’implicite et le malentendu, en particulier, sont répandus dans le discours social, ils se nichent dans les discours pédagogiques, comme ils circulent dans les différentes formes de communications formelles ou informelles. Ils peuvent être volontairement produits par un locuteur qui dit sans vouloir, sans pouvoir ou sans oser dire, ou peuvent être involontairement commis, résultant ainsi d’un décalage entre ce qu’un locuteur a voulu dire et ce qu’il dit, voire entre ce qui est dit et ce qui est compris.
Le colloque sera l'occasion de réunir des chercheurs autour de la question de l’implicite et du malentendu dans les différentes productions langagières en français dans le contexte algérien et de croiser leurs regards et de confronter leurs approches. Les différents questionnements qui seraient soulevés pourront être regroupés autour de deux axes qui mettent chacun l’accent sur une dimension particulière des phénomènes concernés.
Axe 1. Dimension acquisitionnelle et didactique
Des voix de didacticiens et de pédagogues s’élèvent de plus en plus fort pour l'explicitation des attendus, des objets scolaires, des méthodes de travail en vue d’un apprentissage plus égalitaire (Bautier et Rayou, 2013; Rayou, 2018). Pourtant l'implicite, dans les différentes situations d’usage scolaire de la langue française en Algérie, échappe aux praticiens qui peinent tout autant à le repérer qu’à former les apprenants à s’en saisir dans les situations scolaires et extrascolaires. Les implicites et les malentendus prennent différentes formes et peuvent se nicher dans des lieux très improbables, ce qui rend leur traitement nécessaire pour le bon déroulement du processus de l’enseignement/apprentissage du français ou par le français. Sans prétendre à l'exhaustivité, cet axe réunira des recherches portant sur situations didactiques suivantes, entre autres :
- L'implicite dans les manuels scolaires ;
- L'implicite et le malentendu dans le dialogue pédagogique ;
- L'enseignement des normes discursives implicites ;
- L’implicite dans les consignes pédagogiques (sujets d'examens…) ;
- L'implicite dans la formulation des objectifs d'apprentissage ;
- La part de l'implicite (des non-dits) dans les discours de recherche en formation ;
- Les difficultés d’accès au sens implicite à l'écrit et à l'oral ;
- L'implicite culturel dans l’enseignement/apprentissage du FLE ;
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Axe 2. Dimension linguistique, pragmatique et sociolinguistique
« Pour les linguistes, il est clair que l’énonciation spontanée n’est pratiquement jamaisneutre, strictement informative et objective, mais infusée de notre subjectivité, de nosdoutes, goûts, humeurs, caractères, sentiments, etc. » (Rittaud-Hutinet, 2016). L’étude de l’implicite doit donc passer outre le message énoncé pour atteindre l’intention de communication, la matérialité du message ou le sens littéral ne peut se suffire à lui-même. Il s’agit plutôt d’atteindre l’individu, sa subjectivité. Le malentendu intervient quand le récepteur ou l’interlocuteur comprend un peu plus que ce que le locuteur dit en se basant sur l’implicite. Le discours médiatique en particulier les chroniques usent de ce procédé pour transmettre des messages le plus souvent censurés par des pratiques sociales ou autres. De ce fait, les chroniques peuvent être un terrain propice pour l’étude de ce phénomène linguistique.
Dans sa théorie autour de la sémantique des points de vue, Pierre-Yves Raccah accorde une importance capitale à l’implicite et aux présupposés dans l’argumentation, la compréhension et l’interprétation des énoncés. Pour lui, « La langue est un produit de l’esprit humain et on peut penser que ses structures sont des manifestations de structures plus abstraites de cet esprit, structures dont d’autres manifestations, distinctes des premières mais néanmoins analogues, se retrouvent dans l’usage de la langue et, plus généralement, dans la manière dont l’esprit gère les connaissances. » (Raccah, 1999 : 20). Ainsi, le concept de point de vue développé par Raccah dans plusieurs travaux est considéré sur le plan épistémologique comme le noyau de sa description sémantique, peut rendre compte des phénomènes linguistiques tels que l’implicite, le présupposé et le non-dit. Son modèle théorique qui trouve ses origines dans les réflexions de Ducrot peut être utilisé pour décrire l’implicite.
L’implicite n’a pas de signes particuliers, il vient se greffer aux énoncés produits par les locuteurs, on peut parler d’un phénomène supra segmental. Si le sens et la signification peuvent être liés à des fragments de la langue, l’implicite et le présupposé ne s’attachent pas à des éléments particuliers, mais plutôt à des situations favorisant leur emploi. Ce qui rend ces phénomènes intéressants est qu’ils puissent être ignorés par le récepteur, mais encore niés par le locuteur (Zsófia Várkonyi, 2012). L’absence d’éléments linguistiques concrets relatifs à l’implicite et aux présupposés en est, peut-être, la raison essentielle. La difficulté de la description de ces phénomènes réside dans le fait que l’implicite relève de la compréhension du discours, même si la production du discours participe à sa mise en place.
La notion d’inférence peut être associée à l’étude de l’implicite dans les discours produits. Suite à Martin et McDonald (2003), « l’inférence sociale, nécessaire pour comprendre le message de son interlocuteur, permet de rendre compte de la diversité des indices illocutoires disponibles au sein d’une situation de communication» (Laval, Gil et Hattouti, 2016 : 1). Ainsi l’étude de l’inférence sociale peut rendre compte des phénomènes en question.
Ce deuxième axe réunira des recherches portant, entre autres, sur :
- L’implicite en tant que phénomène inhérent au discours ;
- L’implicite dans le discours médiatique ;
- L’implicite dans les chroniques journalistiques ;
- L’implicite au service de l’humour ;
- Les nouvelles perspectives théoriques de l’implicite ;
- L’étude de l’implicite dans des corpus concrets ;
- L’inférence comme approche de l’implicite ;
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Bibliographie
Bautier, É., Rayou, P. (2013). Les inégalités d’apprentissage: Programmes, pratiques et malentendus scolaires. Presses Universitaires de France. https://doi-org.ezproxy.normandie-univ.fr/10.3917/puf.bauti.2013.01
Détrie, C., Siblot, P. et Vérine, B. (2001). Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique, Paris, H. Champion, coll. Lexica mots et dictionnaires.
Gabrys-Barker, D., et Bielska, J. (Eds.). (2013). The Affective Dimension in Second Language Acquisition. MultilingualMatters, Second Language Acquisition Series.
Laval, V., Gil, S., et Hattouti, J. (2016). Pragmatique et compréhension du langage : comment évaluer les inférences en jeu ? Corela, HS-20. http://journals.openedition.org/corela/4730
Martin, I., et McDonald, S. (2003). Weak coherence, no theory of mind, or executive dysfunction? Solving the puzzle of pragmatic language disorders. Brain and Language, 85(3), 451–466. DOI: 10.1016/S0093-934X(03)00070-1
Oursel, E. (2008). Une définition différenciée de la notion d’implicite dans la compréhension orale en langue maternelle et en langue étrangère. Les voix du français, colloque de l’AFLS, Oxford, Royaume-Uni. 2008. ffhal-01727168
Plantin, C., Doury, M., et Traverso, V. (Eds.). (2000). Les émotions dans les interactions. Lyon, Presses Universitaires de Lyon.
Raccah, P.-Y. (1999). Science, cognition et sémantique des langues. CNRS Working Paper. DOI: 10.1002/9781118405376.wbevl319
Rayou, P. (2018). Pédagogie explicite. Recherche & formation, 87, 97-107. https://doi.org/10.4000/rechercheformation.3546
Rittaud-Hutinet, C. (2016) « Sans les mots : pédagogie de la prosodie sémantique en classe de FLE », Corela , HS-20 http://journals.openedition.org/corela/4706 ; DOI : https://doi.org/10.4000/corela.4706
Várkonyi, Z. (2012). Implicite linguistique et construction du sens : une analyse des structures « if X, (then) Y, but if Z (then) T » et « Y, but if Z, (then) T ». Linx, 66-67, 69-82.
Várkonyi, Z. (2016). Introduction : la Sémantique des Points de Vue. Corela, HS-19 | 2016. http://journals.openedition.org/corela/4268
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Modalités de soumission :
● Cet appel à communication s’adresse à tous les chercheurs (doctorants et enseignants) travaillant dans les domaines des lettres et des langues.
● Les interventions, qui ne devront pas excéder 20 minutes, seront suivies de 10 minutes de discussion avec le public.
● Les propositions en français contenant nom, prénom, statut, affiliation, discipline, le titre et le résumé (200-300 mots) de la communication, doivent être transmises au plus tard le 30 mai 2024 à l’adresse suivante : laboratoire.lesms@langue.univ-bejaia.dz
● Les candidat.e.s seront informé.e.s de l’acceptation ou du refus de leurs propositions au plus tard le 10 juin 2024.
· Le programme sera diffusé le 20 juin 2024
· Le colloque sera organisé les 25 et le 26 juin 2024.
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Membres du comité scientifique
Pr. LANSEUR Soufiane (Université de Béjaia)
Dr. BELKESSA Lahlou (Université de Béjaia)
Pr. AMMOUDEN Amar (Université de Béjaia)
Pr. BEKTACHE Mourad (Université de Béjaia)
Pr. CHACHOU Ibtissem (Université de Mostaganem)
Pr. DELARUE-BRETON Catherine (Université de Rouen, Normandie)
Pr. RACCAH Pierre Yves (CNRS)
Pr. SADI Nabil (Université de Béjaia)
Pr. SINI Cherif (Université de Tizi-Ouzou)
Dr. ABDELOUHAB Fatah (Université de Béjaia)
Dr. AIT MOULA Zakia (Université de Béjaia)
Dr. BELHADJIN Anissa (Université CY Cergy Paris)
Dr. BENABBES Souad (Université de Oum El Bouaghi)
Dr. BENBLAID Lydia (Université de Béjaia)
Dr. BENNACER Mahmoud (Université de Béjaia)
Dr. BESSAI Bachir (Université de Béjaia)
Dr. BOUCHAIR Bouba (ENS de Constantine)
Dr. BOUNOUNI Ouidad (Université de Béjaia)
Dr. BOUREKHIS Mustapha (Université de Sétif)
Dr. KERBOUB Nassim (Université de Béjaia)
Dr. LALILECHE Nadir (Université de Béjaia)
Dr. MAKHLOUFI Nacima (Université de Béjaia)
Dr. MERZOUK Sabrina ((Université de Béjaia)
Dr. OULEBSIR Kamilia (ENS de Bouzaréah)
Dr. OULED BENALI Naima ((Université de Béjaia)
Dr. REDOUANE Rima (Université de Béjaia)
Dr. SADOUDI Oumelaz (Université de Béjaia)
Dr. SAKRANE Fatima-Zohra (Université de Béjaia)
Dr. SEGHIR Atmane (Université de Béjaia)
Dr. TOUATI Radia (Université de Béjaia)
Membres du comité d’organisation :
BESSAI Bachir, REDOUANE Rima, BEKKOUCHE Sara, BENAKLI Mounir, KACI Faiza,
SERIDJ Fouad, ZIDOUNE Djahid,