Karin Ueltschi, La Chasse sauvage : image et imaginaire
Chaque image littéraire, fruit d’une créativité verbale,
se présente aussi comme un jaillissement imprévisible,
un renouveau unique des images préexistantes, dont la forme la plus haute
est la métaphore pure, réduite à une forme verbale concise.
Gaston Bachelard
Certaines images, parfois fantastiques ou grotesques, sont les vestiges d’antiques sens, capables de révéler des cohérences oubliées qui constituent le soubassement de bien des œuvres et des représentations. La Chasse Sauvage en est une. Les clercs, à partir du XIIe siècle, la mentionnent et cherchent à la cerner ; ils lui ont donné un nom : « Mesnie Hellequin » (ou Familia Herlequini). C’est un cortège fantastique composé de guerriers ou de chasseurs-ravisseurs qui évolue de préférence dans le ciel nocturne. Si, au cours du Moyen Âge, une tradition savante l’assimile volontiers à un Purgatoire ambulant, le motif n’a jamais cessé de féconder l’imaginaire des poètes et des artistes qui lui ont fait subir les métamorphoses qui sont leur privilège : on peut ainsi retrouver des réminiscences du Chasseur sauvage sous les traits du commandeur de Don Juan, du Juif errant, du Roi des Aulnes ; son nom survit, sous une forme légèrement altérée, dans le plus illustre de ses descendants, Arlequin. Les traditions locales de leur côté conservent sa mémoire sous divers noms – c’est le tribut de tout (re)enracinement topographique – comme la Chasse Gallery, la Chasse Hérode ou, dans le monde breton, les traditions autour de l’Ankou. Et sur les murs des églises sinon des cimetières – nous regretterons pour toujours celui des Innocents – se profilent encore, à peine pâlies, des farandoles macabres, traduisant à leur manière une vision des choses : le mythe de la Chasse sauvage n’a jamais cessé de générer des variantes originales et imagées tout en conservant un noyau remarquablement immuable. Le motif de la Chasse sauvage met en évidence que dans « imaginaire », il y a d’abord et avant tout « image ».
Évanghélia Stead fera un bilan du cycle «Mythes et Illustration» jusqu'à présent et présentera en détail le programme de cette année.