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La collaboration homme-animal dans les contes, leurs expansions hypertextuelles et hypericoniques : des « Animaux reconnaissants » à « La Belle aux cheveux d’or » (Lille)

La collaboration homme-animal dans les contes, leurs expansions hypertextuelles et hypericoniques : des « Animaux reconnaissants » à « La Belle aux cheveux d’or » (Lille)

Publié le par Marc Escola (Source : Bochra Charnay)

Cycle Un jour un conte

Colloque international annuel

La collaboration homme-animal dans les contes, leurs expansions hypertextuelles et hypericoniques :

des « Animaux reconnaissants » à « La Belle aux cheveux d’or »

Les 4 et 5 mars 2024 Université de Lille

Organisé par Bochra et Thierry Charnay, Alithila, Université de Lille 

Le conte « Les animaux reconnaissants » (ATU 554) est manifesté à la fois comme récit à part entière et comme épisode d’un autre conte, selon le principe : « le conte emprunte au conte ». Dans ce cas, selon Josiane Bru, il est essentiellement constitutif des contes : « Le corps sans âme » (ATU 302), « La fille du magicien » (ATU 329) et « La Belle aux cheveux d’or » (ATU 531), tous classés contes merveilleux. Le terme d’emprunt est préférable à celui souvent employé de « contamination », péjoratif, qui laisse supposer l’existence de formes pures, ou plus pures que d’autres, ce qui n’existe pas. Le thème peut être résumé par la sentence : « un bienfait n’est jamais perdu » ; en effet, un humain, un homme, vient en aide à des animaux sauvages, soit en effectuant le partage équitable d’une proie, soit en leur rendant service, ce qui les oblige envers lui, leur donne une dette symbolique. De sorte que, quand il est en difficulté, il les appelle, ils arrivent alors pour le secourir. Il s’agit donc d’une collaboration humain-animal fondée sur la réciprocité des services, sur un échange de bons procédés, sur le modèle don/contre-don.

Le conte « Les animaux reconnaissants », encore appelé « Les animaux secourables » ou « Les Alliés animaux », selon l’inventaire du Conte Populaire Français[1], n’est représenté en France que par une douzaine de versions traditionnelles authentiques, un peu plus au Canada (au moins 16 versions).  Il figure en deux versions dans le recueil des frères Grimm : la première s’intitule « Le serpent blanc » (KHM 17), introduite par le motif de « L’homme qui comprend le langage des animaux », et prend place dès l’édition de 1812, comme la seconde, « La reine des abeilles » (KHM 62), bien moins connue. On peut relever une version tchèque « Dieva Zlato Vlaska » (« La Vierge aux cheveux d’or »)[2], une version russe « Marie de l’onde »[3] ainsi que de nombreuses versions en Afrique de l’Ouest recueillies et analysées par Denise Paulme et Christiane Seydou[4]. La littérature arabe, par Ibn el Moukaffâa, en propose la version la plus ancienne (vers 750) sous le titre « Le Joaillier et le promeneur » dans son ouvrage Kalila et Dimna. 

Il se manifeste également sous la forme d’une séquence, ou épisode, ou microséquence, ou motif tel que l’entend Stith Thompson sous le n° MT350, dans maints contes comme « Le corps sans âme » (ATU 302) bien représenté en France par 57 ethno contes, et chez les Grimm par « La boule de cristal » (KHM 197). 

De même il se trouve dans « La fille du magicien et les cachettes à découvrir » (ATU 329, « Hiding from the Devil »), confidentiel en France, mais présent chez les Grimm sous le titre « Le lapin » (KHM 191), chez Espinosa « Le Prince espagnol » (n°140) ainsi qu’en bon nombre au Canada où on en compte 17 versions au Québec de langue française, 6 en Acadie et 2 en Ontario.

Enfin, parmi les contes où cet épisode joue un rôle important, il faut citer le célèbre récit de « La Belle aux cheveux d’or » (ATU 531) dont la version la plus connue est celle de Mme d’Aulnoy. Straparola en donne la première version connue en Occident (Fable III,2) ), et lors de la troisième nuit, les quatre premières fables mettent en scène des animaux bienfaiteurs. Les Grimm en proposent une sous le titre « Ferdinand le Fidèle et Ferdinand l’Infidèle » (KHM 126). Ce conte est également très prisé par la tradition française car les catalogues en relèvent plus de 60 versions auxquelles il convient d’ajouter les innombrables versions canadiennes. Il a également la faveur des enfants puisque ses réécritures en albums sont très nombreuses, avec son entrée dans les estampes d’Épinal et des abécédaires au XIXe siècle. Néanmoins, il n’a pas inspiré le cinéma car seulement deux films lui sont consacrés, l’un, muet en 1916 réalisé par Léonce Perret, l’autre, un téléfilm de 36’ réalisé en 1962 par Jacques Rutman. Il a fait aussi l’objet d’un épisode du dessin animé La Brigade des contes de fées (n°17).

 Le théâtre a été un peu plus inspiré car, outre la Belle aux cheveux d’or. Mélodrame-Féerie en 3 actes. À grand spectacle, de M.M. Simonin et Brazier, donné au Théâtre des Troubadours en 1805, et La Belle aux cheveux d’or : féerie en quatre actes et dix-huit tableaux des frères Coigniard jouée en 1847 au théâtre de La Porte St Martin, de nombreuses troupes le proposent actuellement aux enfants. Un certain nombre d’interprétations figurent sur YouTube. 

Bochra Charnay relève trois formes du motif des « Animaux reconnaissants » : 1. Reconnaissance à la suite d’un partage ; 2. Reconnaissance à la suite à d’un service rendu ; 3. Reconnaissance à la suite d’une vie épargnée ; auxquelles il convient d’ajouter les récits de l’ingratitude humaine à la suite d’aides animales[5].

L’ambition de ce cycle « Un jour, un conte » est, d’une part de remettre le genre conte comme objet privilégié de recherche académique, et d’autre part d’interroger ses reconfigurations quel qu’en soit l’objet sémiotique. Les notions, qui permettent de rendre compte de ces phénomènes de « transcription » ( Maurice Bouchor), sont innombrables et variées : hypotexte-hypertexte, parodie, réécriture, adaptation (Christiane Connan-Pintado), reformulation, transposition, réappropriation, transfictionnalité (Richard Saint-Gelais), réinstanciation (Gérard Genette, Catherine Tauveron), transvalorisation (Genette), transgénéricité (Adam-Heidmann), transtextualité, etc., avec toutes les nuances et tous les degrés possibles dans les transformations opérées sur le texte-source, ou l’image-source, qu’ils soient premiers, seconds ou énième. Autant de notions qui méritent d’être triées et évaluées en fonction de leur pertinence et surtout de leur capacité opératoire, en d’autres termes de leur efficacité analytique. 

 À partir du conte, toutes sortes de manipulations et dérivations sont possibles car, d’une part le conte traditionnel est un texte virtuel, relativement instable et précaire, composé de l’ensemble de ses variantes, de sorte que la variation en est un élément constitutif, d’autre part le conte est lui-même en partie composé de motifs stéréotypés, sortes de sédiments discursifs qui ont pour propriété la récursivité et surtout la migration transtextuelle, transfictionnelle, transgenre et même trans-sémiotique.

La question est de savoir comment les hypertextes et les hypericônes du cycle Les animaux reconnaissants reconfigurent le récit et les personnages, quelles sont les valeurs signifiées ainsi que les transformations et innovations sémantiques effectuées par l’auteur, et si les relations de l’homme aux animaux sont modifiées. Maurice Bouchor, dans sa préface à Contes populaires transcrits et rimés d’après la tradition française[6] précise en quoi consistent les transformations qu’il opère sur les textes : « Tout cela n’a rien de populaire, je l’avoue ; c’est de l’art plus réfléchi qu’instinctif […] Je dois créer les conditions de vraisemblance qui sont un besoin de mon esprit, même dans le sujet le plus fantastique, et je pense que par là je répondrai mieux à l’attente de mes auditeurs, dont les moins cultivés sont loin d’être aussi naïfs que leurs pères »[7]. Autant dire qu’il s’accorde la prééminence sur le texte premier pour, pense-t-il, d’une part répondre à la demande de la réception et d’autre part à ses propres représentations de l’œuvre, avec pour limites ultimes finalement la reconnaissance de l’appartenance de l’hypertexte au cycle du conte de départ : son « Histoire du Bonhomme Misère » relève toujours bien du type 330.

Les thèmes abordés seront des plus variés. Il sera possible de traiter de l’énonciation : le jeu des instances énonciatives et narratives, les variations de focales et changements de point de vue. Ainsi que de traiter de l’inter ou transtextualité par les fictions transfuges, les réécritures dans un autre genre (cinéma, théâtre, poésie, bande dessinée, roman, roman graphique, albums avec ou sans texte, etc.). Traiter également de la modalisation par l’humour ou l’ironie.  De l’évolution de la narration moralisante, de la modernisation des textes d’autorité et des choix de reprise aujourd’hui. Du côté de la réception, du jeu des lectures intertextuelles et de la sollicitation des lecteurs, de la finalité littéraire.  

Comité d’organisation

Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Comité scientifique

Sandra BECKETT, Brock University, Saint Catharines, Canada

Bochra CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Thierry CHARNAY, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Kirill CHEKALOV, Institut de Littérature mondiale de l’Académie des Sciences de Russie, Moscou

Christiane CONNAN-PINTADO, UR Plurielles 24142, Université Bordeaux-Montaigne

Dominique PEYRACHE-LEBORGNE, E.A. 4276, Université de Nantes

Natacha RIMASSON-FERTIN, ILCEA4, Université Grenoble-Alpes

Marie-Agnès THIRARD, ULR 1061 ALITHILA, Université de Lille

Modalités et calendrier

Les propositions de communication (titre, résumé de 1500 caractères maximum (espaces comprises), mots clés, et références bibliographiques seront accompagnées d’une brève biobibliographie de 1500 caractères (espaces comprises) maximum comprenant : statut, établissement et équipe d’accueil ainsi que les principales publications récentes.

Les propositions sont à envoyer, au plus tard, le 2 janvier 2024 à l’adresse suivante :

litteraturejeunesseunivlille@gmail.com     

Une réponse sera envoyée aux contributeurs au plus tard le 15 janvier 2024.

Les communications retenues et présentées lors du colloque feront l’objet d’une publication, dans notre Revue L’Oiseau bleu, en ligne, sous réserve de l’approbation du comité scientifique.



[1] Paul Delarue et Marie-Louise Tenèze, Le Conte populaire français, Catalogue raisonné des versions de France, 4 tomes en 1 volume, Maisonneuve et Larose, 2002.
[2] André Chodzko, Contes des paysans et des pâtres slaves, Hachette, 1864, p. 77-94.
[3] Alexandr Nikolaevitch Afanassiev, Les contes populaires russes, trad. Lise Gruel-Apert, Maisonneuve et Larose, 2000, p. 223-229.
[4] Denise Paulme, Christiane Seydou, « Le conte des « Alliés animaux » dans l’Ouest de l’Afrique », dans Cahiers d’études africaines, vol.12, cahier 45, EHESS, 1972, p. 76-108.
[5] Bochra Charnay, « Les animaux reconnaissants dans le conte oral », Cahiers Robinson, « Présences animales dans les mondes de l’enfance », n°34, 2013, p. 11-21.
[6] Maurice Bouchor, Contes populaires transcrits et rimés d’après la tradition française, Paris, Charles Delagrave, 1904.
[7] Ibid., p. 15.