
Nouvelles représentations de la nature dans la francophonie
Appel à contributions pour un dossier dans Dalhousie French Studies à l’hiver 2025.
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Au sein des sociétés occidentales, la nature a souvent été représentée de façons simpliste, essentialiste et binaire : renvoyant à un féminin et un masculin traditionnels. Pourtant, tout comme les genres, la nature est une construction sociale, une idée que l’on a articulée autour d’une masculinité hégémonique dans les sociétés occidentales – pensons aux représentations québécoises du voyageur, du bucheron ou du draveur, l’homme allant chasser et pêcher dans toute sa virilité, la femme restant au foyer pour préparer son retour. La nature – les arbres, les forêts, les rivières, les océans, les plantes, les animaux, les montagnes – a ainsi été genrée et stéréotypée.
Or, on voit bien depuis quelques années l’aspect subversif de la nature dans les représentations littéraires et culturelles féministes et queer. En effet, on remet en question les aspects binaires qui lui ont été attribués ; on déconstruit les idées préconçues attachées aux espaces ruraux ; la nature n’est plus représentée comme un simple décor d’arrière-plan, mais comme un environnement vivant et divers où des enjeux autres qu’humains ont cours. Les œuvres comme Les vents de Memramcook de Sarah Marylou Brideau (2022), Indice des feux d’Antoine Desjardins (2021), Fif et sauvage de Shayne Michael (2020), Été 85 de François Ozon (2020), Roadkill de Lex Vienneau (2019), Cette blessure est un territoire de Billy-Ray Belcourt (2017) ou encore Bleuets et Abricots de Natasha Kanapé Fontaine (2016) repensent notre rapport à la nature. Ces œuvres ouvrent ainsi des pistes fertiles pour ne plus percevoir la nature comme un espace à dominer ou dont les ressources peuvent être exploitées, mais plutôt la concevoir comme un espace de réflexion, un refuge identitaire, un lieu de (ré)création et de découverte, surtout pour les communautés marginalisées. Ces nouvelles dynamiques de représentation bousculent les paradigmes binaires et rendre à la nature sa complexité et ses nuances.
Cette perspective peut également servir de tremplin à l’exploration de diverses problématiques contemporaines : du corps aux émotions en passant par la sexualité ; du care à la transculturation en passant par les enjeux autochtones ou environnementaux. À l’aune des multiples crises (climatiques et sociales) qui façonnent le présent, le rapport à l’avenir et l’horizon des possibles doivent être repensés. Au sein des diverses sciences humaines qui étudient la nature, de la psychologie à la sociologie et à l’anthropologie, qu’est-ce que, de leurs côtés, les études francophones peuvent nous révéler à travers les multiples représentations de la nature que les littératures, les cultures ou les discours évoquent ? C’est cette présence littéraire et médiatique de la nature qui pourrait être éclairée ici de façon plus profonde.
Voici une liste non limitative des sujets qui pourraient être abordés :
Écoféminisme
Queer et écologie
Les changements climatiques
Nature vs culture
Corps naturel
Espaces ruraux queer
(R)évolutions
Nouvelles masculinités
Littératures autochtones des femmes
Littérature Two-Spirit
Solastalgie : retraite, isolement, solitude
Le respect, la vénération des animaux
Linguistiques : le pouvoir des mots
Outdoors au féminin / les femmes chassent
Nature comme lieu de pouvoir pour les marginalisés
Cultures matrilinéaires vs lectures occidentales de la nature
Masculinités et sports de nature
Écriture subversive : transgression et performativité
Le soin et l’environnement
La nature d’un point de vue transculturel
Corps, cœur et esprit : la nature, notre nature, notre matrice
Fluidité identitaire : au-delà des catégories binaires coloniales
Le deep time
Intérieur/Extérieur.
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Responsables du dossier
Christina Brassard – christina.brassard@dal.ca (Université Dalhousie)
Sophie Beaulé – sophie.beaule@smu.ca (Université Saint Mary’s)
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Date limite pour l’envoi des articles (max 5 000 mots) : le 30 avril 2024.
Les articles devront être envoyés aux deux responsables du numéro, ils ne devront pas dépasser 5 000 mots et devront suivre la version la plus récente du MLA.
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Bibliographie
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