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Colloque international Interactions Multimodales par ÉCran - IMPEC 2024 (Aix-en-Provence)

Colloque international Interactions Multimodales par ÉCran - IMPEC 2024 (Aix-en-Provence)

Publié le par Marc Escola (Source : Claudia Pichon-Starke)

Le colloque IMPEC et son groupe de recherche célébreront en 2024 leur dix ans d’existence. Dix années de réflexions riches et variées autour des Interactions Multimodales Par ÉCran. Cinq colloques depuis 2014 ont été organisés à Lyon autour de thématiques telles que l’exploration de la présence, du corps, des sensorialités et de l’espace. Pour cette sixième édition Xème anniversaire, le colloque IMPEC 2024 aura lieu à Aix-en-Provence et propose de définir et comprendre les spécificités de la communication par écran à la lumière des notions de créativité, d’innovation et d’éthique.

De nombreuses définitions de la créativité existent et le concept même reste objet de discussions voire de controverses (Bonnardel, Girandola, Bonetto et Lubart, 2023). Nous retiendrons la définition dynamique et contextualisée de Corazza et Lubart : « La créativité est un phénomène ancré dans un contexte, qui requiert une originalité et une efficacité potentielles » (2021 : 5). La créativité se décline en activités créatives majeures avec fort impact sur notre société et en activités créatives plus communes et il existe un continuum entre les deux (Bonnardel et Lubart, 2019). Enfin, La créativité mène à des innovations, définie par le Manuel d’Oslo (2018) comme « un produit ou un processus (ou une combinaison des deux) nouveau ou amélioré qui diffère sensiblement des produits ou processus précédents d’une unité et a été mis à la disposition d’utilisateurs potentiels (produit) ou mis en œuvre par l’unité (processus) ». Ces innovations peuvent parfois trouver des limites posées par l’éthique, entendue comme une réflexion continue, évolutive, nourrie par l’histoire de la pensée et liée à une culture et [qui] identifie et interroge les valeurs et les normes, met en évidence leurs éventuels conflits, pour éclairer des choix individuels ou collectifs. » (CNPEN, 2021).

Nous voudrions, lors de ce prochain colloque, interroger de manière plus spécifique l'impact ou la nature disruptive des technologies d'information et de communication dans les pratiques et les usages interactionnels, leur rapport à l'innovation et à la créativité, rapport qui est souvent occulté, peu pensé, tenu pour acquis. On pourra ainsi considérer la créativité dans les échanges en ligne au travers de l'étude de nouvelles pratiques et habitudes dans l'interaction qui émergent à l'intersection des affordances communicatives, des artefacts interactionnels et des structures normatives de l'interaction médiée par un objet technique (Develotte et al., 2011 : 18). La perspective interactionniste permet d'envisager l'innovation et la créativité dans leur historicité et leur processus, au travers d'éthiques et de normes, dans leurs aspects divergents ou convergents.

Huyghe (2017) nous rappelle que nous vivons dans un monde où l'innovation est économiquement systématisée, que « le monde moderne a adopté la poussée technique comme principe d'intendance » (p.134) et que ces poussées techniques sont des « facteurs d'existence » qui modalisent des modes d'être au monde et par là, des pratiques (p. 136-7). 

Depuis la crise du COVID, le télétravail s’est généralisé à une partie importante de la population (en février 2022, 27% des salariés étaient en télétravail contre 4% en 2019, selon l’enquête de la DARES). Par conséquent, les applications de communication à distance (visioconférence, messageries instantanées, streaming) ont été utilisées massivement par des publics non formés et non volontaires. Si l’étude de la communication médiée par ordinateur (Herring, 1996) n’est pas nouvelle, les interactions multimodales n’ont jamais été aussi répandues que depuis les limitations imposées par la pandémie mondiale. Or, les communications à distance sont propices aux malentendus pour des publics non formés, non-volontaires et dans un contexte d’urgence. L’étude des leviers pour préserver la santé des télétravailleurs et soutenir leur performance met en évidence que « les conséquences du télétravail sur la régulation organisationnelle, sur les conditions de travail, sur l’engagement, le bien-être, voire sur des outils ou postures managériales, sont diverses, variées, parfois contradictoires » (Chênevert et al. 2023, p. 16).

De manière plus large, on peut considérer que le travail artistique et créatif repose non sur les innovations elles-mêmes, sur ces poussées techniques, mais sur un travail de « découverte » des « possibilités de cette poussée dans le sens d'une attention aux dispositions inutilisées de son dispositif » (Huyghe, 2017 : 136). Pierre-Damien Huyghe (2022) distingue ainsi une logique d'innovation propre à notre monde capitaliste et qui permet de produire des appareils techniques selon une logique marchande d'expansion de ce qui est profitable économiquement à la société, d'une logique d'invention qui demande aux designers, artistes et bricoleurs d'être attentifs aux potentiels des appareils au-delà de leurs attentes initiales, c'est-à-dire « un travail d'éveil – attentif, actif, créatif, expérimental et expérientiel – envers leurs possibilités encore insoupçonnées » (Citton, 2023).

Pour cette édition 2024 du colloque IMPEC, nous vous proposons d’aborder la réflexion autour de trois axes complémentaires, dont peuvent se saisir des disciplines et des protocoles méthodologiques variés :

 Axe A : Le monde du travail : collectifs, risques, inégalités et gestion éthique

Les interactions multimodales interviennent au cœur des processus de socialisation professionnelle (Saks et Gruman, 2021) et d’organisation du travail notamment au niveau collaboratif (Benedetto-Meyer, 2023). Le télétravail et son management peuvent être source d’isolement social, psychologique, physique, organisationnel ou professionnel et donc délétères dans la définition et contenu des tâches, les rythmes du travail, l’équipe et enfin de l’organisation (Chênevert et al., 2023). Un engagement attentionnel inédit (El Hachani, Grassin, Rémon, Vincent, 2022) est exigé pour la collaboration ; de même une adaptabilité et des stratégies d’intelligence collective sont attendues face aux bugs numériques et aux ratés interactionnels propres à la communication à distance (Ibnelkaïd & Vincent, 2022). Cependant l’innovation et la créativité sont étroitement liées à l’utilité perçue et leur légitimité dans les collectifs de travail (Alter, 2005). Les effets et les modifications de ces nouvelles modalités de travail sur les collectifs de travail, l’innovation et la créativité qui la sous-tend, peuvent alors être étudiés à travers les rites d’interaction (Goffman, 1967), les relations interpersonnelles et les rapports sociaux (Bidart, 2021) ainsi que les risques psychosociaux encourus au travail (Vayre, 2019).

Les questions suivantes pourront être traitées :

Comment se sont reconfigurées les routines professionnelles post-covid ? Comment les employeurs et leur management font-ils face aux inégalités d’accès au télétravail ou à l’espace de travail physique ?
Comment proposer des formations innovantes et éthiques à la hauteur des enjeux de ces interactions multimodales au travail ?
Quel est le vécu des nombreux professionnels, quel que soit leur niveau de qualification, qui se trouvent confrontés à des injonctions d’interactions par écrans y compris par intelligence artificielle, désormais accessibles à un plus grand nombre d’organisations ?
Quel espace les communications multimodales par écran laissent-elles en matière d’autonomie au travail, de créativité et de socialisation dans des collectifs ? 
Comment se saisir dans l’enseignement en particulier, des technologies numériques éducatives afin d’accompagner les étudiants pour favoriser leur réussite, leur esprit critique et leur créativité ?

Axe B : Pratiques artistiques 

Les écrans et les technologies numériques ont peu à peu été intégrées aux différentes pratiques artistiques et ouvrent une voie à des formes d’art aux frontières poreuses, cette « création numérique » étant vécue comme des « expériences » (Leleu-Merviel, 2011). Ces formes hétérogènes et éclatées empruntent, en effet, aux arts graphiques et visuels (Net Art ; design graphique ; prompt Art), à la littérature (générative, hypertextuelle, poésie sonore, etc.), au cinéma, mais aussi aux arts vivants (théâtre, performance), et aux formes natives du numérique jusqu’aux algorithmes eux-mêmes (Paveau, 2017) quand le code est exploité comme un langage artistique (Saemmer, 2007). Cette dimension protéiforme de l’œuvre numérique, collaborative ne serait-ce que parce que l’écriture du code est souvent déléguée, interroge le statut auctorial, plus encore alors que l’IA s’impose comme un agent de créativité.  Sur les scènes de théâtre, les technologies « sont intégrées non seulement dans le dispositif scénique, mais aussi dans la dramaturgie, dans la chorégraphie, bref dans le processus d'écriture de l’œuvre » (Quinz, 2002 : 12). Avec le covid, les expériences en ligne du spectacle vivant se sont multipliées (Roques, 2020). L’outil de visioconférence et les réseaux sociaux sont devenus des laboratoires d’expérience et peuvent avoir ouvert « une nouvelle forme théâtrale hybride voire d’un nouveau genre artistique ou du moins d’une nouvelle scène possible » (Dieuzayde et Della Noce, 2020 : 52). On se demandera ce que le numérique et les écrans font à la performance et à la réception. Pour Leeker et al. (2017) les cultures digitales sont des cultures performatives, et offrent des affordances nouvelles pour les pratiques et interventions performatives, au point de parler de performativité techno-sociale. Au sein des performance studies, DeLahunta et al. (2017) explorent par exemple le rôle du numérique dans la documentation et la transmission d’idées de mouvement. Dans le contexte spécifique de pratiques ancrées dans une temporalité, le lien entre objets choréographiques et objets numériques est à interroger. Schipper (2017) quant à lui interroge la posture du flâneur comme co-producteur ou spectateur performatif

Les questions suivantes pourront être adressées :

Quelles formes et esthétiques les œuvres numériques dessinent-elles ? Comment les arts vivants jouent-il avec les écrans numériques ?
Que font les écrans à la performance et à la réception ?
Comment la créativité du « corps performatif » (Bourassa et Poissant, 2013) numérique entre-t-elle en dialogue avec la créativité du corps physiologique ?
Que nous apprend la créativité de synthèse sur la créativité ancrée dans l’enveloppe charnelle du créateur ?
Comment aborder ces pratiques artistiques et culturelles en recherche ? 
Comment éditorialiser la littérature ou plutôt les écritures numériques ?
Quelle latitude créative les chercheurs ont-ils dans l’éditorialisation des résultats de recherche ? (Develotte et al. 2021)
Quelle formation académique à ces nouvelles formes créatives ? Quels parcours peuvent être proposés ? avec quel mode d’évaluation ? 
Un espace d'exposition en présentiel et en ligne permettra aux chercheurs-créateurs qui le souhaitent d'exposer une de leurs œuvres. Une notice est attendue pour expliciter les liens entre leur recherche et leur création ainsi que les liens avec IMPEC 2024.

Axe C : Éthique, écologie

Des approches soulevant des questions éthiques ont vu le jour en différentes disciplines, telles le droit (Pasquale, 2015), l’anthropologie (Turkle, 2007) ou les sciences de l’éducation (Collin et al., 2022). Deux conceptions de l’éthique se dégagent : une éthique réflexive et une normative. Dans l’éthique réflexive on trouve une mise en tension entre d’une part la conception et les usages des écrans et d’autre part des principes d’organisation sociale, tels les principes de l’humanisme (CNPEN, 2021) ou de la démocratie (Roelens, 2023). Ces recherches pointent des impensés et peuvent éclairer les prises de décision. L’éthique normative va présenter des aspects davantage tournés vers l’action engagée, avec une application de principes, par exemple pour une action politique participative (Bernholtz et al., 2021). Enfin, récemment la réflexion sur le numérique a soulevé des questionnements concernant l’impact écologique de certaines technologies.

Les questions suivantes pourront être adressées :

Quelle est l’actualité des approches techno-critiques face aux innovations technologiques actuelles ?
Quelles mises en tensions possibles entre les routines d’interaction médiatisée par les écrans et des positionnements éthiques ?
Quels usages des écrans sont compatibles avec des positionnements éthiques et écologiques ?
Comment se saisir des innovations numériques en contexte éducatif afin de se les approprier pédagogiquement ? Comment accompagner les étudiants pour favoriser leur réussite, leur esprit critique et leur créativité ?
Quelles transitions cette transformation numérique des pratiques culturelles et artistiques entraînent-elles dans le marché de l’art et de l’édition numérique ?
Comment concilier le marché de la créativité régi par des logiques économiques avec les enjeux écologiques et éthiques ?

Modalités de présentation

Nous prévoyons quatre modalités de présentations possibles :
Les communications orales
Les symposia
Les ateliers
Les posters
En français (avec support en anglais), anglais (avec support en français), espagnol, portugais, italien et allemand (avec support en français ou anglais).

Le détail sur ces modalités est disponible sur cette page : https://impec.sciencesconf.org/resource/page/id/93

La date butoir pour envoyer votre soumission en ligne : du 8 octobre 30 novembre 2023. 

Le dépôt se fait uniquement sur le site du colloque : https://impec.sciencesconf.org/submission/submit

Pour nous écrire, une adresse unique : groupe.impec@gmail.com