Colloque international
Maison de la Recherche de l’Université d’Artois (site d’Arras), les 23 et 24 mai 2024.
« En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal. »
Nicolas Machiavel, Le Prince, 1513.
Les usages répétés ou durables des régimes ou états d’exception, en France comme ailleurs, interrogent la garantie effective des libertés fondamentales et des systèmes démocratiques sur le long terme. Si les états d’exception sont plus que jamais un sujet d’actualité, ils existent depuis des millénaires. Déjà sous la Rome antique, le système politique prévoyait que des règles d’exception puissent s’appliquer en cas de péril grave[1], suspendant ainsi l’État de droit.
L’État de droit, dans sa conception contemporaine, n’est rien sans « la légalité, la sécurité juridique, l’interdiction de l’arbitraire, la protection juridictionnelle et l’égalité devant la loi »[2]. En vertu de ce cadre, l’État de droit consiste alors en un État au sein duquel la puissance publique est soumise aux normes juridiques qui encadrent son fonctionnement. Toutefois, dans le cas de circonstances exceptionnelles, nombreux sont les régimes politiques qui prévoient un aménagement provisoire du régime juridico-politique, reposant généralement sur une dérogation à la séparation des pouvoirs établie et la possibilité de restreindre les droits et libertés des personnes afin de gérer la crise en cours. Ainsi, « les états d’exception sont à saisir par l’exceptionnalité, qui caractérise les circonstances suscitant leur utilisation, les méthodes résultant de leur emploi, les desseins légitimant leur utilisation »[3].
Ces circonstances exceptionnelles peuvent être multiples : de l'invasion de puissances étrangères aux guerres civiles, en passant par des insurrections, des catastrophes naturelles, ou encore des crises sanitaires. Les régimes d’exception prennent des formes variées comme en témoignent la diversité de leurs appellations : « pouvoirs spéciaux, facultés extraordinaires, état de siège, mesures de sécurité, mesures d’urgence, législation d’exception, régime de crise, dictature constitutionnelle, etc. »[4], état d’urgence ou encore état d’urgence sanitaire dernièrement.
Malgré l’utilité et la nécessité qu’ils peuvent présenter, les régimes d’exception constituent un risque réel de dérive pour la démocratie et l’État de droit, à mesure qu’ils deviennent progressivement des méthodes de gouvernement de long terme. Les contextes de crise sont encore pleinement d’actualité, que ce soit du point de vue des conflits armés, de la lutte contre les terrorismes mais aussi de la crise sanitaire ou climatique qui provoque de plus en plus de catastrophes naturelles. De plus, les moyens à disposition des autorités civiles et militaires (renforcés en périodes exceptionnelles) ne sont plus les mêmes à l’heure où le droit accepte progressivement l’utilisation des nouvelles technologies et des intelligences artificielles à des fins sécuritaires[5].
Il convient alors de questionner les enjeux de préservation des libertés fondamentales afférents au recours à ces régimes d’exception. Quelles ont été les applications faites dans des contextes de conflit international ou encore de conflit interne ? Comment les dirigeants politiques les ont appliqués ? Dans quelle mesure représentent-ils un risque pour l’État de droit et la démocratie ? Quelles sont les formes juridiques que peuvent présenter les états d’exception ? Ont-elles évolué ? Quels risques sont d’autant plus liés aux technologies et idéologies contemporaines dans le recul de la démocratie ?
À partir de cette liste non exhaustive de questionnements, les équipes de CoTraLis (Université d’Artois, Laboratoire Textes et Cultures) et de l’Institut National de l’audiovisuel invitent les enseignants-chercheurs à croiser leurs regards sur les usages historiques et contemporains des états d’exception.
L’approche de ce colloque se veut pluridisciplinaire et comparative. Il s’agira de croiser les approches disciplinaires (historique, juridique, politique, linguistique, littéraire, cinématographique…) des régimes d’exception, en fonction des contextes internationaux.
Les états d’exception pourront être analysés à travers les « mots », en mobilisant la littérature ou l’analyse des discours politiques, militaires ou de presse (Axe 1), à travers les « images », sous l’angle d’œuvres d’arts, d’œuvres cinématographiques ou de supports audiovisuels (Axe 2) et, enfin, à travers le « droit », en interpellant les cadres juridiques des divers régimes d’exception et en analysant leur mise en pratique.
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Modalités d’organisation : le colloque se tiendra à la Maison de la Recherche de l’Université d’Artois (site d’Arras), les 23 et 24 mai 2024.
Organisateurs : Manuella Pinelli, Mélanie Trédez-Lopez (Université d’Artois, Textes & Culture - Cotralis)
Modalités de soumission et calendrier : envoi par mail des propositions de communications contenant un titre provisoire, un résumé de 1500 caractères maximum et une bio-bibliographie de quelques lignes au plus tard le 15 décembre 2023 aux deux adresses suivantes :
manuella.pinelli@univ-artois.fr
Ces mêmes adresses pourront être utilisées pour toute demande de renseignements.
Une réponse sera apportée aux propositions de communication au plus tard le 20 janvier 2024.
Les communications auront une durée de 25 minutes.
Laboratoires et soutiens institutionnels : Textes & Cultures - Cotralis, Institut National de l’audiovisuel
Langues de présentation des communications : français, anglais, espagnol.
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Comité scientifique :
Stella Coglievina, Universita dell’Insubria
Farid El Asri, Université Internationale de Rabat
Henry Hernandez-Bayter, Université de Lille
Géraldine Poels, Institut National de l’Audiovisuel
Manuella Pinelli, Université Polytechnique des Hauts-de-France - Université d’Artois
Alfonso Pinilla, Universidad de Extremadura
Mélanie Trédez-Lopez, Université d’Artois.
[1] Pierré-Caps A., « L’État d’exception dans la Rome antique », Civitas Europa, vol. 37, no. 2, 2016, pp. 339-349.
[2] Parsa S et Tulkens F (dir.), Etat de droit, état d’exception et libertés publiques, Anthemis, 2022, p. 7.
[3] Basilien-Gainche M-L, Etat de droit et états d’exception, une conception de l’Etat, PUF, 2013, p. 24.
[4] Basilien-Gainche M-L, Etat de droit et états d’exception, une conception de l’Etat, PUF, 2013, p. 24.
[5] Chatila, Raja, et al. « Pourquoi la reconnaissance faciale, posturale et comportementale soulève-t-elle des questionnements éthiques ? », Comité national pilote d’éthique du numérique éd., Pour une éthique du numérique. Presses Universitaires de France, 2022, pp. 209-222.