Voltaire et la médecine
Colloque international dans le cadre des Journées Voltaire 2024
organisé par la SEV (Société des Études Voltairiennes),
le CELLF (Sorbonne Université),
le CÉRÉdI (Université Rouen Normandie)
et l’IRCL (Université Paul-Valéry Montpellier 3)
en partenariat avec la Bibliothèque de l'Académie nationale de médecine
Les 13-14 juin 2024
Université Paris-Sorbonne – Maison de la Recherche, 28 rue Serpente, 75005- PARIS, Amphi Molinié
Académie nationale de médecine, 16, rue Bonaparte - 75272 Paris cedex 06
Comité d’organisation :
Laurence Macé, laurence.mace-delvento@univ-rouen.fr
Jennifer Ruimi, jennifer.ruimi@univ-montp3.fr
Renaud Bret-Vitoz
Illustration : École française vers 1775, entourage de Jean Huber dit Huber-Voltaire. Un homme assis dans un fauteuil ou portrait présumé de Voltaire malade à Ferney.
Appel à communications
(date limite d’envoi : 22 janvier 2024)
Il suffit de lire la correspondance de Voltaire pour comprendre à quel point la maladie et la médecine occupent une place prépondérante dans la vie du philosophe. Sans cesse souffrant, ayant échappé de peu à la mort dès sa naissance, Voltaire a continuellement évoqué ses maux, ses douleurs, voire sa mort prétendument imminente, au point que les auteurs de L’Envers du Roi Voltaire – deux médecins – ont pu sous-titrer leur ouvrage : Quatre-vingts ans de la vie d’un mourant. Ce sous-titre plaisant témoigne d’une posture de lecture répandue parmi les contemporains de Voltaire, mais aussi parmi ses lecteurs des siècles suivants : comment ne pas être sensible aux exagérations, aux hyperboles dont l’auteur fait preuve pour parler de ses douleurs ? Posture de lecture qui répond à une posture d’auteur aussi : comment ne pas y voir parfois une certaine distance ironique, un outil de construction de soi ? Pourtant, ces maladies ont bien été réelles, elles ont tourmenté l’écrivain, qui n’a cependant jamais vécu prostré et « replié sur sa maladie », pour le dire comme René Pomeau. Ce dernier ajoute d’ailleurs : « Tenaillé par mille souffrances, il ne cesse de regarder vers l’horizon humain ». Le rapport à la maladie implique un rapport à soi mais au monde aussi.
Cela dit, le fait que Voltaire ait été si malade a joué un rôle dans sa perception et sa conception des médecins et de la médecine, une approche qui évolue considérablement au XVIIIe siècle. Si l’image traditionnelle, moliéresque, de médecins charlatans tout prêts à tuer leurs malades avec d’inutiles drogues subsiste, d’autres figures de médecins apparaissent – des médecins éclairés, mondains, vedettes, à l’instar de Tronchin, que Voltaire consultait ardemment, participant à une sorte de « star system médical » selon l’expression d’Alexandre Wenger. Aux traitements de jadis se substituent alors des conseils de prévention d’ordre diététique, vestimentaire ou physique.
Comment Voltaire se situe-t-il par rapport à la médecine de son temps ? L’article « Maladie, médecine » des Questions sur l’Encyclopédie exprime bien son ambivalence : « Il est vrai que très longtemps sur cent médecins il y a eu quatre-vingt-dix-huit charlatans. […] Il n’est pas moins vrai qu’un bon médecin nous peut sauver la vie en cent occasions et nous rendre l’usage de nos membres ». La question qui se pose n’est pas celle de la médecine en général, mais celle de la bonne médecine. Qu’est-ce qui fait un bon médecin capable de sauver des vies selon Voltaire ? Quels traitements propose-t-il ? Et Voltaire n’a-t-il pas lui-même eu un certain don pour l’observation de ses symptômes et la qualité de ses diagnostics ? C’est du moins l’idée qui apparaît sous la plume des auteurs de L’Envers du Roi Voltaire, Jacques Bréhant et Raphaël Roche, ces médecins qui ont essayé de faire le point sur les maux dont souffrait le grand auteur, comme l’avait fait de façon moins rigoureuse, un siècle plus tôt, le Dr Roger dans Voltaire malade (1883), qui se hasardait à des diagnostics dont la méthode ne manquait pas de failles. Quantité d’articles des Questions sur l’Encyclopédie longtemps confondues avec le Dictionnaire philosophique et rééditées pour la première fois depuis le XVIIIe siècle ces quinze dernières années traitent de maladies.
Le contexte pour poser toutes ces questions est aujourd’hui favorable : au croisement des disciplines traditionnelles, on assiste en effet au développement des Medical Humanities. Notre colloque délibérément pluridisciplinaire (littérature, histoire des idées, histoire de la médecine, histoire des sensibilités …) se donnera pour but de questionner tous les aspects des rapports entre Voltaire et la médecine en replaçant aussi la notion dans son contexte historique et culturel : comment inventer une médecine moderne et dépouillée de vieilles croyances au siècle des Lumières ? Comment le discours de Voltaire sur la médecine, s’il existe, s’articule-t-il aux enjeux polémiques quand il prend sa source dans l’Ancien Testament ou croise la question des miracles ? Quel rapport au corps, quel rapport à la matière le discours sur la médecine engage-t-il ?
Plus concrètement, quels remèdes Voltaire a-t-il connus, préconisés, ou au contraire critiqués ? Promeut-il avant l’heure une médecine ‘alternative’ ? Que dire de son amour pour les pilules de Stahl, dont Frédéric II dit qu’elles ne sont bonnes que pour les femmes enceintes ? Que dire des eaux que Voltaire prend régulièrement ? Et quid du théâtre qui vaut « presque » les pilules de Stahl selon le dramaturge lui-même ? On pourra se demander comment Voltaire se soigne et considérer les liens d’affection particuliers entretenus par lui avec certains de ses médecins, comme Gervasi qui l’a guéri de sa vérole en lui faisant boire des litres de limonade, ou Tronchin que Voltaire consultait sans cesse. On pourra aussi se demander s’il ne se rêve pas parfois en médecin pour ses proches, les femmes notamment. Sous un autre angle, la question de l’alimentation, déjà traitée par Christiane Mervaud, pourra aussi être abordée du point de vue du soin.
Enfin, il s’agira de voir comment la postérité se saisit de cette figure d’un Voltaire non seulement malade, mais aussi médecin, que ce soit du point de vue des lettres ou de la médecine. Voltaire occupe-t-il une place singulière dans la culture des médecins et des pharmaciens des XIXe et XIXe siècles ? combien de Homais dans la France du XIXe siècle ? et pourquoi tant de médecins se saisissent-ils du « cas » Voltaire ? comment s’établissent les clans de médecins voltairistes et anti-voltairistes dès le XIXe siècle ? Quel Voltaire privilégient les uns et les autres, quel genre pratiqué par lui affectionnent-ils ?
Les propositions sont à adresser à Laurence Macé (laurence.mace-delvento@univ-rouen.fr) et Jennifer Ruimi (jennifer.ruimi@univ-montp3.fr) avant le 22 janvier 2024.
Les communications seront publiées, sous réserve de l’acceptation par le comité de lecture au terme d’une expertise anonymisée, dans le numéro 25 de la Revue Voltaire (Sorbonne Université Presses).
Bibliographie indicative
Catalogue des livres de feu M. Tronchin, premier médecin de S. A. S. Monseigneur le duc d’Orléans, et de M. Tronchin son fils, trésorier du Marc-d’or : dont la vente se fera le jeudi 16 décembre 1784 & jours suivans, à 4 heures de relevée, dans l’une des salles de l’hôtel de Bullion, rue Plâtrière, Paris, 1784 (https://bibliotheque-numerique.inha.fr/viewer/19634/#page=1&viewer=picture&o=bookmarks&n=0&q= ).
Académie Nationale de médecine, fonds BREHANT 2, boîte n°3 : http://www.calames.abes.fr/pub/anm.aspx#details?id=Calames-202262712658758305
BOISSIER, R., « Voltaire et les médecins : I. Voltaire et Tronchin », Le Progrès médical, 1927, p. 2031- 2040 (https://www.biusante.parisdescartes.fr/histmed/medica/page?90170x1927x01&p=2046)
BREHANT, J., L’Envers du roi Voltaire (quatre-vingts ans de la vie d’un mourant), Paris, Nizet, 1989.
CARLINO A., WENGER A., Littérature et médecine : approches et perspectives (XVIe-XIXe siècles), Genève, Droz, 2007.
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FIX, F. (éd.), Tous malades. Représentations du corps souffrant, Paris, Orizons, « Comparaisons », 2018.
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KEEL, O., L’Avènement de la médecine clinique moderne en Europe (1750-1815), Presses de l’Université de Montréal, 2001.
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MERVAUD, C., Voltaire à table. Plaisir du corps, plaisir de l'esprit, Paris, Éditions Desjonquères, 1998.
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