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Le Havre et le voyage en Chine au XIXe s. (Le Havre)

Le Havre et le voyage en Chine au XIXe s. (Le Havre)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Gaultier Roux)

Colloque international 

Le Havre et le voyage en Chine au XIXe siècle 

Les 15 et 16 février 2024

Université Le Havre Normandie

 

« (…) il n’y a de solide que ce que vous êtes allé chercher en Chine, la fortune[1] ! »

 

« C’est à Shang-haï qu’il faut arrêter son passage pour San-Francisco, à bord d’un des bateaux américains qui font le trajet par le grand Océan-Pacifique. En versant à l’agence des Pacific steamship companies une somme un peu plus élevée que celle que vous avez comptée en Europe pour arriver jusqu’ici, c’est-à-dire trois mille cinq cents francs, vous recevrez un billet de parcours jusqu’à Paris, via Yokohama, San-Francisco, New-York et Le Havre[2]. » 

Âge d’or du Havre, le XIXe siècle est également l’âge d’or du voyage en Chine. Commence alors une nouvelle ère et de la présence étrangère en Chine et de la relation de voyage vers l’Empire du Milieu. Par ses évolutions et ses révolutions, le XIXe siècle engage de grands changements sociétaux et structurels qui accompagnent l’augmentation des échanges depuis et vers un Empire du Milieu qui s’ouvre à marche forcée. De fait, à compter de 1842, les traités inégaux contraignent la Chine à ouvrir ses ports au commerce international, créant par voie de conséquence des points d’entrée pour des étrangers désormais relativement libres de circuler jusque dans le cœur du pays. Pour ceux qui rêvent de faire fortune, une autre destination s’ajoute à la Californie de la ruée vers l’or : la Chine, terre lointaine et cependant accessible depuis Le Havre.

Si Le Havre est au XIXe siècle l’un des principaux ports d’embarquement pour les migrants européens rêvant d’Amérique, dont le Suisse Johann August Sutter, qui inspirera au siècle suivant Stephan Zweig et Blaise Cendrars, ce rêve américain ne doit pas nous en cacher d’autres. La traversée transatlantique, d’ores et déjà éclairée par de nombreux travaux sur Le Havre portuaire et maritime, n’est pas l’unique raison d’être de l’embarquement au port du Havre. La destination peut aussi bien s’avérer l’Extrême-Orient et ce, parfois, avant même la signature du traité de Nankin. C’est le cas notable du peintre Auguste Borget (1808-1877) auquel le musée Bertrand, à Châteauroux, a consacré une rétrospective du 8 avril au 2 juillet 2023.   

En 1836, Auguste Borget embarque au Havre pour ne revenir en France qu’en 1840, après avoir passé près d’une année dans le sud de la Chine. Pourquoi être allé jusqu’en Chine alors qu’il n’était ni commerçant, ni diplomate, ni missionnaire ? Était-ce dans le but de faire un tour du monde et, ce faisant, d’élargir les frontières et les représentations du Grand Tour ? Ou était-ce mû par une volonté plus spécifique de se rendre dans ce pays à la civilisation plurimillénaire, pays d’autant plus désiré qu’il était resté pendant des siècles fermé aux étrangers ? À l’exemple d’Auguste Borget, combien d’autres voyageurs seront-ils partis du Havre pour se rendre qui à Canton, qui à Pékin, qui à Shanghai ? Et pour quelles raisons ? 

Honoré de Balzac, qui fut un intime d’Auguste Borget, offre en 1844 avec Modeste Mignon un premier élément de réponse : après avoir fait banqueroute, le héros de son roman, un négociant havrais, quitte la Normandie déterminé à faire fortune à Canton et il en revient effectivement riche à millions – grâce au trafic de l’opium. La Chine devient alors, pour les mentalités européennes, un nouvel Eldorado des audacieux, mais l’appât du gain ne fait pas tout…

L’objectif de ce colloque n’est pas de savoir si, comme l’écrivait Baudelaire, Balzac fut « visionnaire », mais d’interroger les relations entre Le Havre et la Chine au XIXe siècle de manière interdisciplinaire. Par exemple, quand Auguste Borget quitte Le Havre le 26 octobre 1836 à bord du paquebot américain L’Uttica pour atteindre cette première destination qu’est New York, qui sont les autres passagers ? Des Havrais qui redessinent l’itinéraire de la route de la soie ? Des voyageurs fortunés attirés par l’exploit de la circumnavigation et pour qui la Chine devient une étape de leur périple au long cours ? Des migrants qui rêvent de la Californie ? Des hommes de foi désireux d’évangéliser les populations de l’autre bout du monde quitte à y sacrifier leur vie, tel le père Gabriel Perboyre ?

Plus largement, quelle est la nature des liens maritimes développés alors entre Le Havre et la lointaine Chine, à la fois par la route du Cap de Bonne Espérance et par la traversée continentale de New York à San Francisco, nouvel itinéraire permis par le chemin de fer ? L’ouverture du canal de Suez en 1869 a-t-elle une influence majeure sur les liaisons Le Havre-Extrême-Orient ? De quoi Le Havre est-il alors le canal : de personnes, de biens, voire, déjà, d’échanges culturels ? Enfin, quelle mémoire, quelles traces de ces voyageurs de l’extrême(-orient) Le Havre, et plus largement l’histoire maritime, littéraire et artistique françaises ont-elles conservées ? 

Orientations possibles (la liste n’est pas exhaustive) :

-       Le Havre comme port de départ, ou de retour,

-       Les négociants, commanditaires et affréteurs havrais, 

-       Les armateurs havrais et normands et la Chine,

-       Les conditions de voyage ; les paquebots, leur évolution technologique, l’ouverture de nouvelles lignes maritimes ; le développement des Messageries Maritimes et la Compagnie Générale Transatlantique dans le port du Havre,

-       Les figures de voyageurs havrais : à l’exemple de Jacques Siegfried, ayant accosté en Chine,

-       Les récits de voyage des navigateurs et négociants havrais en Chine,

-       Les missionnaires en Chine partis du Havre : Joseph-Marie Callery, le père Perboyre, le père Joseph Gabet, etc. 

-       Modeste Mignon de Balzac sous le prisme du Havre et de la Chine et plus généralement Le Havre et les Havrais comme référents dans les récits du XIXe siècle à thème ou motif chinois,

-       Représentations littéraires et/ou picturales de la Chine et du Havre,

 -     Correspondances et relations sino-havraises dans le grand XIXe siècle.

— 

Les propositions de communication, sous la forme d’un résumé d’une vingtaine de lignes, accompagné d’une brève notice biobibliographique d’une dizaine de lignes au plus, sont à adresser avant le 15 octobre 2023 conjointement à : 

veronique.bui@univ-lehavre.fr

gaultierroux@fudan.edu.cn

Le colloque se tiendra au Havre mais, en cas de nécessité, la participation en ligne sera possible.

 Comité scientifique : 

Véronique Bui, Université Le Havre Normandie ; Carole Christen, Université Le Havre Normandie ; Muriel Détrie, Université Paris-III (Sorbonne Nouvelle) ; Arnaud Le Marchand, Université Le Havre Normandie ; Gaultier Roux, Université Fudan (Shanghai).

Indications bibliographiques :

ANTON, Sonia (dir.), Vers une cartographie littéraire du Havre, de Bernardin de Saint-Pierre à Pascal Quignard, PURH, 2014.

BERTRAND, Gilles et GUYOT, Alain, « Des arts de voyager au XIXe siècle ? », Viatica [En ligne], 9 | 2022, mis en ligne le 01 mars 2021, URL : http://journals.openedition.org/viatica/2327

BORGET, Auguste, BALZAC, Honoré de, En Chine et ailleurs. Récits et dessins de voyage, édition de Thierry BODIN, Paris, Le Passeur, 2023.

BOOTHROYD, Ninette, DETRIE, Muriel, Le Voyage en Chine, Anthologie des voyageurs occidentaux du moyen-âge à la chute de l’empire chinois, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2020, [1992]

BUI, Véronique et LE HUENEN, Roland (dir.), Balzac et la Chine : la Chine et Balzac, Mont- Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2017.

CHARLIER, Marie-Astrid Charlier et DANIEL, Yvan (dir.), Journalisme et Mondialisation, Les Ailleurs de l’Europe dans la presse et le reportage littéraires (XIXe – XXIe s.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2017.

DANIEL, Yvan Daniel, Littérature française et culture chinoise (1846-2005), Paris, Les Indes savantes, 2011.

FRÉMONT, Armand, La Mémoire d’un port : Le Havre, Paris, Arléa, 1997.

LEGOY, Jean, « Du négoce à l’industrie 1800-1914 » in Le Peuple du Havre et son histoire, Le Havre, Éditions de l’Estuaire, 1982.

MAILLARD, Jean-Louis, « La construction navale au Havre de 1830 à nos jours », in Études Normandes, 29e année, n°3, 1980. pp. 41-68. DOI : https://doi.org/10.3406/etnor.1980.2467. URL : www.persee.fr/doc/etnor_0014-2158_1980_num_29_3_2467.

RALANTOARITSIMBA, Nirina, En Californie, les Français écrivent leur ruée vers l’or (1848-1915), Paris, Honoré Champion, 2023.

SAUNIER, Éric, BARZMAN, John (dir), Histoire du Havre, Toulouse, Privat, 2017.

SIEGFRIED, Jacques, Seize mois autour du monde, 1867-1869, et particulièrement aux Indes, en Chine et au Japon, Paris,  Jules Hetzel, 1869.

VENAYRE, Sylvain, Panorama du voyage : 1780-1920 : mots, figures, pratiques, Les Belles Lettres, « Histoire », 2012.


 
[1] Honoré de Balzac, Modeste Mignon, La Comédie humaine, Bibliothèque de la Pléiade, sous la direction de Pierre-Georges Castex, Gallimard, Paris, t.I, p. 620.
[2] Edmond Plauchut, Le Tour du monde en cent vingt jours, chap. VII, in La Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 95, 1871, p. 368-403, p. 398.