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Proust trop court ! (Séminaire M. Escola & I. Vidotto, Lausanne)

Proust trop court ! (Séminaire M. Escola & I. Vidotto, Lausanne)

Publié le par Marc Escola

Séminaire de Master 

Marc.Escola@unil.ch IlariaVidotto@unil.ch 

Semestre de printemps, les lundis 14h15-16h, du 19 février au 29 mai 2024

Université de Lausanne, Anthropole (salle à préciser)

Proust trop court ! (Critique et création)

Dans Le Hors-sujet. Proust et la digression (Minuit, 1996), Pierre Bayard déplorait naguère, et après d’autres, les « longueurs » du roman proustien, en se proposant de « réduire la Recherche en supprimant les digressions » — sous le sceau de l’humour, l’invitation introduisait à une très sérieuse réflexion de poétique sur l’art du récit et la logique narrative, en donnant le coup d’envoi à une « critique interventionniste » qui a depuis lors fait ses preuves.

On s’adonnera ici à l’exercice inverse sur un unique tome d’À la Recherche du temps perdu, en faisant valoir que le roman qui passe pour l’un des plus longs de la littérature française comporte, comme tout autre, ses zones d’ombre et ses omissions : que sait-on par exemple des raisons qui ont amené Jupien, « ancien giletier », dans la cour de l’hôtel de Guermantes, et est-on bien sûr que Charlus l’y rencontre pour la première fois dans la célèbre scène d’ouverture de Sodome & Gomorrhe ? Le compte rendu que donne Swann de son mystérieux entretien avec le Prince de Guermantes lors de la soirée donnée par la Princesse est-il vraiment complet, et quelle est donc cette mystérieuse « raison » pour laquelle Swann a choisi ce soir-là le narrateur comme unique confident ? À quel moment Swann que l’on sait gravement malade passe-t-il de vie à trépas, et comment se fait-il que le narrateur omette d’annoncer un événement dont il dira plus tard qu’il l’a « bouleversé » ? Qu’en est-il de la jeune fille aux roses rouges, de la femme de chambre de la baronne Putbus et d’autres femmes qui peuplent l’imagination du narrateur – et les brouillons du roman – mais disparaissent ensuite sans (guère) laisser de traces ? Que peut-on savoir de l’emploi du temps d’Albertine, laquelle se fait toujours attendre et n’est jamais exactement où on la croit ?, etc.

Autant de lacunes plus ou moins délibérées, autant de « réminiscence[s] indiscernable[s] de romans » (Recherche, I, 1036) qu’il est loisible de circonscrire, et peut-être de combler en affabulant les épisodes manquants, quitte à faire librement appel (ou pas) au copieux dossier génétique auquel le texte de Sodome & Gomorrhe est désormais adossé.

Autant d’occasions surtout de rendre à l’imagination ses droits au sein même du discours critique : il n’est peut-être pas de meilleure façon de comprendre un texte que de lui imaginer des variantes. 

Texte au programme :

Proust, Sodome & Gomorrhe I & II, éd. A. Compagnon, Gallimard, coll. « Folio Classiques ».

N.B. : La lecture intégrale d’À la Recherche du temps perdu n’est nullement requise pour ce séminaire.