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Humanités excédentaires et animalisations (NeMLA, Boston)

Humanités excédentaires et animalisations (NeMLA, Boston)

Publié le par Marc Escola (Source : Hervé Goerger)

Ce séminaire explorera la discursivité des processus de déshumanisation, et en particulier d’animalisation, à l’encontre des personnes en marge du système dominant, et réciproquement les stratégies de retournement du stigmate déployées par l’écriture.

Au cours du génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994, le terme qui s’est banalisé à la radio était celui d’inyenzi, de cafard. À la frontière américano-mexicaine, le champ lexical des nuisibles pour parler des migrants clandestins est légion. Le 22 septembre 2012, Jean-Marie Le Pen prétendait citer des Roms ayant déclaré: "Nous, nous sommes comme les oiseaux, nous volons naturellement". Dans un entretien de Nadine Morano à Jean-Jacques Bourdin en octobre 2019, la députée européenne déclare : je renverrai […] tous ceux qui grouillent dans nos pays" — usage "diaboliquement habile" de l’implicite selon Clément Viktorovitch, qui rappelle l’efficacité du procédé: "[bénéficier] à la fois de l’efficacité de la parole et de l’innocence du silence" (Oswald Ducrot, Dire et ne pas dire).

Autant d’exemples qui illustrent l’observation de Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre : "Parfois ce manichéisme va jusqu’au bout de sa logique et déshumanise le colonisé. À proprement parler, il l’animalise. Et, de fait, le langage du colon, quand il parle du colonisé, est un langage zoologique. […] Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au bestiaire. L’Européen bute rarement sur les termes "imagés". Mais le colonisé, qui saisit le projet du colon, le procès précis qu’on lui intente, sait immédiatement à quoi l’on pense."

Face à la multiplication de ces processus rhétoriques dans les discours xénophobes et racistes en France, en parallèle à l’émergence du discours d’une "droite décomplexée" dont les axes de campagne se confondent avec l’extrême-droite, il apparaît crucial de montrer les résurgences de cette rhétorique coloniale  dans le discours public, ainsi que les stratégies de retournement de ces stigmates par les artistes racisé·e·s.

Depuis les années 1930, un terme en particulier continue de subir des mutations sémantiques particulièrement spectaculaires, au point que le philosophe camerounais Achille Mbembe a introduit une redéfinition radicale du terme: "Le N*gre n’est plus seulement l’homme noir, africain ou d’origine africaine, mais tous ceux qui aujourd’hui forment une humanité excédentaire au regard de la logique économique néo-libérale" (in "Entretien", Philosophie Magazine, n°77, p.73). Nous souhaitons porter une attention particulière à cette déclaration dans nos réflexions : comment les ethnonymes et autres marqueurs de nos identités, portés fièrement, subis ou rejetés, réagissent et s’adaptent à ces procédés rhétoriques ? Et comment ce qui nous lie au règne animal dans son ensemble s’en trouve lui-même affecté ?

Nous invitons les participant·e·s à soumettre des articles d'une longueur approximative de 6000 mots, en français ou en anglais, à l'adresse suivante : https://cfplist.com/nemla/User/ProposalView/20731. Le paiement des frais d'inscription n'est nécessaire qu'en cas d'acceptation et des bourses dédiées permettront de rembourser ces frais si nécessaire. Vous pouvez adresser vos questions à Hervé Goerger : hg8578@princeton.edu.

N.B. : Contrairement au format panel, le format séminaire de la Northeast Modern Language Association prévoit que l'ensemble des participant·e·s soumettent leurs articles complets en amont de l'évènement, afin d'éviter d'en lire le contenu à voix haute, et afin de favoriser ainsi des échanges dynamiques et des commentaires constructifs entre lecteurs avisés.