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Hybridations en devenir. De l’Antiquité à la science-fiction (Strasbourg)

Hybridations en devenir. De l’Antiquité à la science-fiction (Strasbourg)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Cassinadri)

Hybridations en devenir : de l’Antiquité à la Science-Fiction

Journée d’étude organisée par le DU Lethica  

Mardi 17 octobre 2023, Université de Strasbourg  

D’abord utilisé en biologie pour désigner le monde végétal et animal, le mot hybride implique le « croisement naturel ou artificiel de deux individus d’espèces, de races ou de variétés différentes » (Trésor de la langue française). Cette appellation purement descriptive est pourtant issue du substantif latin hybrida qui, appliqué aux humains cette fois, désignait l’enfant issu de la relation d’un père romain et d’une mère étrangère ou d’un homme libre et d’une esclave. Le terme revêt ici un sens péjoratif. Ce n’est alors pas un hasard si le mot est sans doute étymologiquement lié à la notion grecque d’hybris, lequel désigne les excès de passions susceptibles de mener l’individu à sa perte, d’où les connotations négatives, voire violentes. Ce concept révèle ainsi sa principale qualité, l’ambivalence. 

L’objectif de cette journée d’étude est alors d’interroger la notion d’hybridité à travers une perspective interdisciplinaire et transculturelle, pour aboutir à une sorte de phénoménologie de l’hybride sous l’angle éthique. Cette notion complexe est en effet au cœur d’enjeux majeurs dans notre perception du monde. Comme l’affirme Thierry Hoquet, l’hybridation « perturbe les frontières : elle peut produire des figures « trans-genres », voire “trans-espèce” » (T. Hoquet, Les Presque humains, p. 162). Les corps/entités hybrides étant évoqués dans toute zone où les marges deviennent floues, pareille notion est révélatrice du rapport que nous entretenons avec notre identité : les frontières qui modèlent l’être sont remises en cause, soulevant des questions d’ordre ontologique. Plus encore, comprise comme la conséquence d’un croisement entre différents éléments préexistants, l’hybridation nous pousse à interroger la notion de pureté qu’elle contient en creux. Idéal fictif ou réalité concrète, la croyance en une pureté originelle qui précéderait la fusion soulève enfin la question de la légitimité même du concept.

Pourtant, l’hybridation occupe, aujourd’hui encore, une place centrale dans nos sociétés. Deux sujets majeurs nous semblent en effet interroger à nouveau le sens de ce mot. D’un côté, les migrations et, plus généralement, la globalisation engendrent une hybridation culturelle majeure. De l’autre, le développement accéléré des technologies et des biotechnologies nous confronte au mélange entre le biologique et le mécanique, le réel et le virtuel. Ces possibilités élargissent notre champ d’interaction avec le monde et témoignent d’un changement au sein de notre rapport éthique au monde, dont un symptôme est le rêve transhumaniste. Assistons-nous donc à une révolution morale dans la perception de l'hybridation, qui serait désormais dotée d’un sens unanimement positif ? Quels sont les risques et les avantages de ces nouvelles hybridations ? En quoi les conceptions de l’hybridité mettraient-elles en place des opérations de classement, de sélection ou de priorisation et ainsi s’inscriraient dans le domaine du triage ? Enfin, peut-on légitimement parler des hybridités sans passer par les cas particuliers ? 

Les différentes interventions de cette journée d’étude pourront se déployer dans l’un des axes suivants (dont la liste n’est pas exhaustive) : 

1. Représentations et imaginaires hybrides : l’histoire de l’art est marquée par la présence des corps hybrides. Ces derniers apparaissent d’abord dans les différentes mythologies qui mettent en scène de nombreuses créatures mi-humaines, mi-animales ou végétales. Le caractère associé à ces créatures varie très largement d’une culture à l’autre : elles sont tour à tour divines, menaçantes, bienveillantes ou monstrueuses. Il semble pertinent d’étudier le regard que pose l’art sur leur hybridité. L’approche contemporaine invite à ajouter à cette réflexion une interrogation sur l’hybridation du corps, engendrée non par la nature, mais par les progrès de la science, et qui permet de déplacer l’étude vers les limites fluctuantes du corps humain et les conséquences de ces expérimentations. 

2. L’hybridité dans les sciences sociales : L'hybridité est considérée comme un aspect important de la diversité culturelle et de l'identité sociale. Elle se manifeste lorsque deux ou plusieurs groupes distincts se mélangent pour créer une nouvelle forme de culture ou de pratique qui intègre des éléments de chacun des groupes d'origine. Ceci peut être analysé à travers les processus de créolisation, de syncrétisme religieux ou de métissage culturel. L'hybridité est également pertinente dans d'autres disciplines telles que la sociologie, la psychologie sociale et les études culturelles. Elle sera d’une grande importance dans des contextes tels que les migrations, les diasporas, les interactions interculturelles et les échanges transnationaux.  

3. Philosophie et éthique : le concept de l’hybridation peut être décliné aussi dans la philosophie et notamment dans l’éthique. Dans ces domaines l’on peut aborder des questions et des enjeux complexes de la société contemporaine, telles que les implications éthiques des nouvelles technologies, des défis environnementaux et des inégalités sociales. Des exemples peuvent être les “corps hybrides” dans la santé (des greffes aux prothèses) ; ou encore, le potentiel et les limites de l'utilisation des technologies dans l’éducation et dans le travail (l’expérience de la Covid ayant fourni un bon banc d’essai, de l’enseignement hybride au télétravail). Plus largement, ces disciplines permettent de s’interroger sur les mutations des opinions vis-à-vis de l’hybride à travers les époques et les cultures.  

4. Hybridité linguistique : Ces dernières années ont été marquées par un grand intérêt pour le multilinguisme littéraire. Les termes code-switching, mixing et hybridity sont répandus dans le monde anglo-saxon, surtout dans le domaine de traduction, et cela n'est pas dû au hasard : l’hybridité linguistique est un trait caractéristique des textes interculturels, car la langue source et la langue cible entrent en contact à la fois pendant la rédaction et la lecture de ces créations. Elle peut ainsi servir d’outil de recherche phonologique, sémantique, lexicologique et même traductologique, pouvant avoir un impact narratif, social et même politique aujourd’hui et à l’avenir. Il serait donc intéressant d’appliquer la théorie de l’hybridité linguistique au monde francophone ou à d’autres milieux plurilingues, afin d’examiner comment les différentes langues interagissent les unes avec les autres.  

MOTS CLÉS : hybride – cultures – identités – migration – globalisation – transhumanisme – art.



Modalité de participation / soumission :

Les propositions de communication (300 mots environ) sont à envoyer avant le 17 juillet à lethica2023.hybridations@gmail.com

Réponse aux propositions le 21 août 2023.

Les interventions sont de maximum 20 minutes.