Appel à communication pour le 2e colloque international
"Géocritique des espaces littéraires et artistiques francophones"
Université McGill, 18-19 avril 2024
« La géocritique permet d’abord de cerner la dimension littéraire des lieux, de dresser une cartographie fictionnelle des espaces humains ». Partant de cette définition westphalienne de l’approche géocritique (2000, 34), on ne peut plus ignorer la relation substantielle qui unit texte littéraire et territoire habité. C’est donc le moment de porter un nouveau regard sur la représentation de l’espace réel dans les littératures et les arts francophones, et sur ses conséquences politiques, touristiques, imaginaires ou médiatiques sur telle ville d’Afrique subsaharienne, tel village maghrébin, telle morne antillaise ou telle île des Mascareignes. Malgré l’important travail des monarques, des géographes, des historiens et autres architectes, il semble qu’une bonne partie du mythe, de l’attractivité ou de la « réputation » bonne ou mauvaise de ces villes et campagnes est l’œuvre des écrivains et des artistes, notamment francophones.
Il s’agit pour ce 2e colloque international « géocritique francophone » d’interroger avec un regard neuf les spatialités littéraires et artistiques francophones considérées dans leur généricité – du roman au film, en passant par la photographie, la musique et la peinture – et dans leur intermédialité, c’est-à-dire les procédés de représentation topographique qui les relient ou les distinguent. Il s’agit ensuite de montrer comment un véritable imaginaire cartographique détaille, déforme ou redessine les topographies réelles des capitales africaines, des quartiers côtiers maghrébins, des vallées habitées océaniennes ou des campagnes caribéennes. C’est ce rapport alternatif du texte ou de l’image à l’espace connu qui actionne le véritable processus créatif et discursif des productions francophones, fonde des narrativités postcoloniales jusqu’à la déconfiguration générique, découvre des techniques descriptives jusqu’à l’ekphrasis, instaure des relations intertextuelles jusqu’au collage et crée des langages spatiaux souvent connotés, personnalisés ou débridés.
Et si une bonne partie du « retentissement international » de Dakar procédait d’abord de ses représentations romanesques, cinématographiques, photographiques et musicales qui signalent une convergence géofocale entre un récit de Bacary Diallo (1926), un film de Sembène Ousmane (1968), un livre d’images de Péretier Olivier (1987) et un album de Youssou Ndour (2019) ? Et si Texaco de Patrick Chamoiseau représentait la « cellule germinale » à partir de laquelle émergent et résonnent toutes les Antilles « irréelles et accidentées », du Fort-de-France de Pierre Benoît (1933) au Cahier d’un retour au pays natal de Césaire (1939), de Mamzelle Libellule de Raphaël Confiant (2000) aux Villes assassines d’Alfred Alexandre (2011) ? Plus qu’une nostalgie romantique d’Alger-la-blanche, Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud (2013) n’est-il pas davantage une variation intertextuelle sur la « ville indomptable » qui, au-delà de L’étranger d’Albert Camus, dévie ce roman vers Les hauteurs de la ville d’Emmanuel Roblès (1948), vers Nedjma de Kateb Yacine (1956) ou encore L’amour, la fantasia d’Assia Djebar (1985) ?
Ces questions ne confirment pas seulement l’interdisciplinarité et l’intersartialité qui fondent l’étude géocritique, elles montrent aussi la centralité de l’énonciation spatiale dans les fictions et les arts francophones. L’objectif de ce 2e colloque international « Géocritique francophone » à l’Université McGill en avril 2024 est d’étudier les potentialités géocritiques des littératures et des arts francophones en mettant l’accent non pas sur une supposée « fidélité » du roman, du film, du catalogue photographique ou de l’album musical au référent géographique, mais sur la spatialité urbaine ou rurale comme poétique et comme esthétique, donc doublement comme recréation et réanimation d’un lieu connu. Seront considérées en particulier les propositions de communication qui privilégient des corpus diversifiés de textes, de films ou d’autres arts et portant sur un même territoire référentiel, qu’il soit rural, urbain ou maritime. Sans être exhaustifs, les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants :
- géocritique narrative de l’urbanité francophone : subjectivités descriptives et savoirs romanesques
- de la géocritique francophone aux théories postcoloniales : écarts et complémentarités
- espaces écotones et espaces frontaliers : entre lieux et non-lieux
- géocritique francophone et narrations iconographiques : plans cinématographiques et perspectives photographiques
- l’espace en chanson : géofictions ou autofictions ?
- approche géocritique et autres approches de l’espace fictionnel : ruptures et prolongements
Les propositions de communication doivent être envoyées par courriel en français avant le 30 octobre 2023 à mbaye.diouf@mcgill.ca et geocritiquefrancophone2@gmail.com
La longueur des propositions est de 25 lignes maximum (Time 12, sans interligne) suivies d’une notice biobibliographique de 10 lignes maximum comportant votre nom, institution d’attache, domaines de recherche et publications récentes. Le Comité scientifique évaluera toutes les propositions reçues et les auteur.e.s seront avisé.e.s le 15 novembre 2023.
Comité scientifique : Mbaye Diouf (U. McGill), Sada Niang (U. Victoria), Françoise Naudillon (U. Concordia), Josias Semujanga (U. Montréal), Antje Ziethen (UBC), Laté Lawson-Hellu (U. Western), Edoardo Cagnan (Sorbonne U.), Serigne Sèye (U. Dakar).
Comité d’organisation : Audrey Coussy, Sabrina Clermont-Letendre, Mbaye Diouf, Kamélia Hadjadji, Adama Togola.