
Émotions fortes de spectateurs dans l’Antiquité gréco-romaine : stéréotypes, formes, lieux (Lyon)
Nous nous proposons d’aborder les réactions du public dans les édifices à gradins de l’Antiquité grecque et romaine (théâtres, stades, cirques et amphithéâtres) de façon à la fois précise et relativement accessible pour le grand public : il s’agira de s’intéresser aux «émotions fortes» des spectateurs, en s’interrogeant notamment sur leurs rapports aux «stéréotypes, formes, lieux» – à savoir la manière dont ces réactions émotionnelles décrites en des termes souvent excessifs dans les textes antiques par leurs auteurs correspondent en réalité à des attendus de certaines formes et genres (littéraires, théâtraux, spectaculaires), et aux lieux dans lesquels ils étaient représentés.
Les stéréotypes pourront porter sur telle catégorie du public (femmes, enfants, étrangers, peuple, puissants…), telle émotion (par exemple : la panique, la haine…) – sachant que ces émotions fortes seront à définir –, tel type de réactions (les larmes, les rires…), tel contexte susceptible d’accentuer
la réaction émotionnelle (le voisinage
des autres spectateurs, la présence
de la musique, en particulier au
théâtre, la survenue d’un événement
imprévu durant le spectacle…).
La proximité entre les spectateurs et
les acteurs du spectacle ou encore
la configuration des lieux (très
différente selon que l’on se situe
dans un cirque, un théâtre ou un
amphithéâtre) seront aussi des
aspects à prendre en considération,
ainsi que toutes les perceptions
sensorielles (visuelles, auditives…)
susceptibles de générer ces émotions
fortes.
Ainsi les communications s’orienteront
– pour le théâtre – , sur un type de
spectateurs particulier (les femmes et
les enfants), sur les émotions liées à
un registre théâtral précis, très codé
(la comédie) ou liées au contexte
musical antique, – pour les autres
lieux de spectacle – sur les réactions
émotionnelles du public face à des
événements imprévus qui surviennent
durant le spectacle, sur la manière
dont les spectateurs réagissent
émotionnellement face au spectacle
de la souffrance et de la mort, et enfin
sur le prisme des auteurs (les Pères
de l’Église) décrivant les réactions des
spectateurs.
Programme
9h00-9h15 Introduction des co-organisateurs
9h15-10h « Y a-t-il des émotions fortes dans la comédie grecque et dans la comédie latine ? »
Isabelle David (Université Paul Valéry Montpellier 3) et Alexa Piqueux (Université Paris X – Nanterre)
10h-10h15 pause
10h15-11h15 « Les femmes et les enfants d’abord ! Stéréotypes émotionnels et corporels dans les réponses des spectatrices et des jeunes spectateurs en Grèce et à Rome »
Isabelle Boehm (Lyon 2), Anne-Sophie Noel (ENS de Lyon), Pascale Paré-Rey (Lyon 3) (UMR HiSoMA)
11h15-12h00 « Surprise et émerveillement face aux spectacles de l’amphithéâtre : des émotions consensuelles ou clivantes ? »
Anne Berlan-Gallant (Université Bordeaux Montaigne, UMR Ausonius)
12h00-13h45 Pause déjeuner
13h45-14h30 « Au spectacle de la justice : comparaison des événements sonores des procès et des jeux à Rome »
Alexandre Vincent (Université de Poitiers)
14h30-15h15 « Mises à mort dans l’arène : des émotions contrastées »
Hélène Ménard (Université Paul Valéry Montpellier 3)
15h15-15h30 pause
15h30-16h15 « La mutation chrétienne des émotions populaires des spectacles municipaux en Afrique du Nord aux sermons d’Augustin »
Christophe Hugoniot (Université de Tours)
16h15-16h30 Conclusion
- Visite de l’exposition
16h30 – 17h45
- Table ronde grand public
« Vivre des émotions seul ou à plusieurs, est-ce la même chose ? Spectacles et dynamiques émotionnelles collectives »
18h – 19h
Avec Lionel Brunel (Psychologie cognitive, Université Paul Valéry Montpellier 3, Epsylon) et Ondine Simonot-Bérenger (Doctorante en sciences cognitives, Institut Jean Nicod, ENS-PSL) ; en résonance avec le projet InSpectA.
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Dans l’Antiquité, les spectacles du théâtre, du cirque, de l’odéon, du stade et de l’amphithéâtre s’adressaient à un public multiple, pluriel, et socialement hétérogène. Comment penser les réactions émotionnelles des spectateurs à la fois comme des dynamiques collectiveset comme un éventail de réponses diverses, déterminées par des critères à la fois sociologiques et personnels ?
Les réactions émotionnelles peuvent-elles jouer comme des leviers qui nivellent les différences sociales et hiérarchiques (si l’on conçoit les « émotions fortes » sur le modèle de la vague qui emporte toute la foule sur son passage) ? Ou faut-il penser au contraire que les réactions émotionnelles créent de la distinction sociale ? (Par exemple, si l’on estime que seul le peuple cède aux émotions excessives, tandis que les classes supérieures doivent afficher leur impassibilité).
Dans quelles conditions le fait de regarder avec d’autres produit des effets d’exacerbation ou d’inhibition émotionnelle ?
Telles sont les questions qui seront posées lors de cette table-ronde, qui examinera sous l’angle novateur du dialogue interdisciplinaireentre sciences de l’Antiquité et sciences cognitives et neurosciences, la nature des dynamiques émotionnelles collectives, les conditions et les modalités de leur déploiement dans les édifices de spectacle, leur caractère contagieux, outrancier, ou inhibiteur.
La discussion visera à débattre des émotions ressenties et de la manière dont la co-spectatorialité (le fait d’assister, avec d’autres, à des spectacles) peut les infléchir ou les transformer. On pourra évoquer aussi, les idées des Anciens sur la différence de nature ou de degrés entre émotions personnelles et émotions collectives. Le dialogue interdisciplinaire entre Humanités et sciences expérimentales permettra d’articuler des réponses s’appuyant à la fois sur des aspects historiques et culturels, et sur l’apport des théories et des résultats de recherches empiriques sur les dynamiques émotionnelles collectives.