Deuxième séance du séminaire Balzac (GIRB, Paris) : « Des filles d'Ève. Balzac et la question-femme » (J.-L. Diaz, C. Duverne, J.-D. Ebguy et L. Nizard) : "La guerre des sexes dans La Comédie humaine : une conjugalité héroïcomique" (Marie Janin-Sartor)
Deuxième séance du séminaire Balzac (GIRB, Paris) : « Des filles d'Ève. Balzac et la question-femme »
Université de Paris, Grands Moulins, 5-7, rue Thomas Mann, Bibliothèque Jacques Seebacher, Bât A, 2e étage, 75013 Paris
16 décembre 2022, 14h
Marie Janin-Sartor, "La guerre des sexes dans La Comédie humaine : une conjugalité héroïcomique"
Avec la fin de l’Empire, où dominaient hommes et valeurs masculines, le mythe épique semble s’effondrer. Pourtant, si Balzac peine à écrire l’épopée impériale, il constate plutôt un déplacement qu’une disparition de l’épique. Il opère ainsi le transfert de la guerre dans le milieu domestique, privé, et s’attache à dépeindre dans La Comédie humaine les rapports de force qui opposent les sexes.
Mais alors que la « guerre des sexes » se jouait au XVIIIe siècle sur un terrain essentiellement moral et sexuel, les libertins tentant de ruiner la domination morale féminine par la possession sexuelle, elle semble se déplacer sous la Restauration et la Monarchie de Juillet sur un nouveau champ de bataille : celui de la conjugalité. La guerre étant devenue impossible pour les hommes, et les femmes se trouvant enfermées par le Code civil dans une minorité juridique, les rapports de domination se jouent désormais dans la sphère privée du mariage.
Ce transfert entraine une dégradation de l’épique qui, sous la forme dominante de l’héroïcomique, tourne en dérision les velléités masculines de domination et de répression de l’énergie et du désir féminins, qui doivent trouver d’autres armes et d’autres terrains pour résister à la guerre menée contre elles. La métaphore guerrière dit alors moins sous la plume de Balzac un désir de conquête sexuelle qu’une volonté de domination masculine pour conserver le pouvoir.
Or cette soif de domination accuse la relative impuissance des personnages masculins (militaires ou aristocrates) depuis qu’ils ont perdu, avec la fin de l’Ancien Régime et de l’Empire, leur hégémonie sociale, politique et morale. Le filtre héroïcomique et les allusions intertextuelles aux grands héros épiques révèlent ainsi une troublante remise en question des rapports genrés et une inquiétante mise en danger de la virilité.
Agrégée de Lettres Modernes, Marie Janin-Sartor prépare depuis septembre 2020 une thèse intitulée « La Comédie humaine : une épopée moderne ? » consacrée à la dimension épique de l’œuvre balzacienne, sous la direction d’Andrea Del Lungo (Sorbonne Université), et de Delphine Rumeau (Université Grenoble Alpes).
Argumentaire du séminaire et de la journée d'études finale :
https://www.fabula.org/actualites/109973/des-filles-deve-balzac-et-la-question-femme-journee-detudes.html