Percées, n° 5, 2021 : "Mises en scène de la parole féminine dans la littérature du XVIe au XVIIIe siècle" (dir. L. Frappier)
Quand dire c’est (se) représenter
Au printemps 2018, à l’occasion du colloque « État des lieux de la recherche en théâtre » de la Société québécoise d’études théâtrales, présenté à l’Université du Québec à Montréal, une très riche séance avait été dédiée aux mises en scène de la parole féminine dans la littérature du XVIe au XVIIIe siècle. Le panel, élaboré par Louise Frappier, professeure à l’Université d’Ottawa, réunissait des chercheuses[1] dont les travaux étaient traversés par une réflexion sur la parole des femmes et sur la façon dont cette parole est mise en forme dans des textes dramatiques et des écrits littéraires comportant une composante liée au théâtre ou présentant des marques de théâtralité. Comment, à partir de diverses postures auctoriales et dans une pluralité de registres de fiction, s’élaborent les dispositifs d’énonciation des femmes? Quel(s) sujet(s) féminin(s) émerge(nt) de ces représentations discursives? Quelles formes de rapports au pouvoir et au politique ces œuvres mettent-elles en jeu? Plusieurs pistes de réflexion avaient alors été esquissées par les participantes, non pour répondre de façon assertive à ces questions mais afin d’ouvrir – ouvrir un peu plus avant – un champ réflexif fécond (et jusqu’ici peu exploré) autour de ces écritures de l’Ancien Régime.
Aujourd’hui, quelque quatre années après la tenue du colloque, ce numéro de Percées reprend le fil de ces échanges, nourri des travaux qui ont été menés, depuis, au sein de l’équipe de recherche « Jeux et enjeux de la parole des femmes : l’écriture féminine en question (XVe-XVIIIe siècle) » dirigée par Diane Desrosiers et à laquelle contribue activement Louise Frappier.[2] Pour ce dossier, cette dernière s’est entourée de spécialistes qui, se penchant tout particulièrement sur la forme de la tragédie, s’attachent aux diverses façons dont le discours porté par les locutrices, au théâtre, est tout à la fois vecteur d’identité, support d’inscription sociale et instrument politique. Chacun des articles porte sur une œuvre distincte mais, à travers de multiples échos, un dialogue poreux, et riche, s’établit entre ceux-ci. Cette mise en résonance se poursuit d’ailleurs dans la section « Documents » qui accompagne ce captivant dossier.
Aussi dans ce numéro
Dans la section « Parcours critique », dédiée à des contributions essayistiques portant sur un événement en arts vivants saisi au prisme de l’expérience subjective, Guylaine Massoutre propose une réflexion autour de la création chorégraphique Solos prêts-à-porter de Karine Ledoyen. À l’image de cette création qui invite à la déambulation dans la ville, son texte, tout en fragments, déplie une trajectoire sensible sur ce qui subsiste et peut encore surgir de la danse lorsque celle-ci, miniaturisée, et par le truchement de la vidéo, vient se déposer au creux de nos mains. Sous la rubrique « Notes de lectures », trois recensions critiques sont ensuite proposées : la première, élaborée par Kathrin-Julie Zenker, porte sur l’ouvrage L’interprétation du réel : théâtres documentaires au Québec codirigé par Hervé Guay et Sarah Thibault; la suivante, signée par Sarah-Louise Pelletier-Morin, est consacrée au livre collectif Le théâtre contemporain au Québec 1945-2015 dirigé par Gilbert David avec la collaboration de Hervé Guay, Hélène Jacques et Yves Jubinville; la dernière entrée, qui clôt aussi ce numéro, est préparée par Marie-Josée Plouffe et aborde l’ouvrage Aristophane dans les banlieues : pratiques de la non-école de Marco Martinelli.
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[1] Diane Desrosiers (Université McGill), Kim Gladu (Université du Québec à Rimouski), Roxanne Roy (Université du Québec à Rimouski) et Louise Frappier (Université d’Ottawa).
[2] À ce sujet, lire le texte d’introduction infra.