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André du Bouchet, d’un siècle à l’autre (Colloque du centenaire, Univ. de Birmingham & Sorbonne)

André du Bouchet, d’un siècle à l’autre (Colloque du centenaire, Univ. de Birmingham & Sorbonne)

Publié le par Olivier Belin (Source : Olivier Belin)

André du Bouchet, d’un siècle à l’autre (Colloque du centenaire)

Colloque international organisé par Thomas Augais, (Sorbonne Université/ CELLF), Olivier Belin (Université de Rouen Normandie / CÉRÉdi) et Emma Wagstaff (Université de Birmingham)

Volet 1 : Traduction : université de Birmingham, 12 avril 2024

Volet 2 : université Paris-Sorbonne, 6-7 juin 2024

 

L’œuvre d’André du Bouchet (1924-2001) fascine le lecteur par l’exigence avec laquelle il aura abordé l’expérience poétique. L’écho suscité par la singularité de son écriture mais aussi par la richesse et l’envergure de son dialogue avec les poètes et artistes du passé comme avec ses contemporains ne cesse de s’accroître et de vivifier la poésie actuelle tout autant que les travaux des chercheurs.

En 2011 avait lieu à Cerisy-la-Salle le premier colloque depuis la mort du poète en 2001. Organisé par Michel Collot et Jean-Pascal Léger, ce colloque « Présence d’André du Bouchet » avait été l’occasion d’un bilan approfondi de l’œuvre, réunissant des chercheurs et des créateurs (poètes, philosophes, artistes) venus d’horizons intellectuels et géographiques différents[1]. Ce colloque inaugurait également un second temps de la réception critique en commençant à explorer les archives du poète déposées à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet en 2010. Clément Layet venait alors de publier au Bruit du Temps deux livres révélant la richesse de ce fonds d’archives, l’un présentant la transcription des carnets de la période 1949-1955 et l’autre des essais sur la poésie de la période 1949-1959, dont un certain nombre d’inédits permettant de mieux appréhender les premiers développements de l’œuvre poétique[2].

Depuis, les travaux de la critique dubouchettienne se sont amplifiés. Une nouvelle génération de chercheurs s’intéresse à l’œuvre, en particulier Victor Martinez, auteur d’un important essai abordant le langage poétique à partir de la notion d’« événement[3] ». Thomas Augais a poursuivi le travail de Clément Layet en regroupant les nombreux textes sur la peinture parus dans des revues et catalogues d’exposition, augmentés de nombreux inédits issus du fonds d’archives de la Bibliothèque Jacques Doucet dans La Peinture n’a jamais existé – Écrits sur l’art 1949-1999 (Paris, Le Bruit du Temps, 2017). L’étude de ces écrits sur l’art s’est en outre enrichie de la thèse de Sylvie Decorniquet : « L’énergie de l’espace » : André du Bouchet, reprendre à la peinture son bien (2015[4]). Deux autres colloques de Cerisy ont permis d’explorer le dialogue du poète avec le peintre Tal Coat et le philosophe Henri Maldiney[5]. Le rapport avec Reverdy et Mallarmé dans la manière d’appréhender l’espace de la page a fait l’objet d’un essai par Serge Linarès[6]. Quant à Michel Collot, dont les travaux pionniers ont marqué la réception d’André du Bouchet, il a récemment fait la synthèse de ses recherches sur cette œuvre où « l’expérimentation formelle est inséparable de l’expérience sensible » dans un important livre : André du Bouchet. Une écriture en marche (2021[7]).

Colloque du centenaire de la naissance du poète

En se partageant en deux volets, entre la Grande-Bretagne et la France, ce colloque du centenaire de la naissance du poète souhaite mettre l’accent sur la dimension internationale de la réception de l’œuvre, ce qui ne surprendra pas concernant un poète issu d’une famille juive russe par sa mère et américaine par son père, et qui lors de la Seconde Guerre Mondiale aura vécu plusieurs années d’exil aux États-Unis, enseignant alors à Harvard (1940-1948). Par son activité de traducteur de l’anglais mais aussi de l’allemand et du russe, André du Bouchet n’aura cessé de raffermir ses liens avec des poètes aussi importants que Pasternak ou Paul Celan, contribuant également à la réception en France de Joyce, Faulkner, Mandelstam ou encore Hölderlin. Si les premiers travaux américains de Robert W. Greene[8] et Richard Stamelman[9] ont témoigné d’une attention à l’œuvre du vivant même d’André du Bouchet, ce dernier a souvent été réduit à l’image d’un poète du vide et de l’absence. Mais ces dernières années témoignent d’un renouveau dans l’approche d’une œuvre qui suscite hors de France des études approfondies et décidées à se confronter vraiment à la complexité de la démarche poétique d’André du Bouchet. C’est le cas d’Elke de Rijcke, qui dans un important essai de 2013 analyse le « rapport entre l’expérience de la langue et l’expérience immédiate du monde sensible » dans une approche herméneutico-phénoménologique[10].  Mickaël Bishop a poursuivi un travail éditorial[11] et critique mettant l’accent sur le rapport de l’œuvre à l’altérité[12]. Quant à Emma Wagstaff, elle publie en 2020 la première monographie en anglais consacrée à André du Bouchet[13], tenant compte de toutes les avancées récentes de la critique en français et des inédits désormais publiés. Abordant tous les aspects de l’activité poétique d’André du Bouchet, comme poète mais aussi comme traducteur et comme éditeur de la revue L’Éphémère, Emma Wagstaff tente d’arracher ce dernier à l’ornière de l’opposition binaire entre lyrisme et littéralisme. Mettant l’accent en particulier sur la manière dont André du Bouchet travaille à partir de ses carnets et réécrit perpétuellement ses textes, avant et après leur publication, Emma Wagstaff relit l’œuvre à partir de la notion d’« attention » qui permet de mettre en lumière le travail formel du poème sans l’enfermer dans un quelconque formalisme. Quant au chercheur danois Julian Koch, il déploie dans un livre important toute la complexité du dialogue entre Paul Celan et André du Bouchet[14].

Pistes de réflexion

Premier volet du colloque : traduction

* Le premier volet du colloque se concentrera sur la question de la traduction. Nous attendons des propositions générales sur la manière dont André du Bouchet aborde cette activité en poète, la réflexion sur la langue qui en découle, en particulier dans des livres comme L’Incohérence (1979) ou Désaccordée comme par de la neige… (1989). Des études pourront être aussi consacrées plus précisément à la traduction d’auteurs particuliers (Shakespeare, Joyce, Celan, etc.) ou au rapport du poète avec l’une ou l’autre des langues auxquelles il se sera confronté (anglais, russe, allemand). Mais cette journée pourra aussi être l’occasion d’envisager la traduction des poèmes d’André du Bouchet dans d’autres langues, que ces traductions aient été faites du vivant de l’auteur (celle de Paul Celan par exemple) ou plus récemment. Les difficultés propres à chaque aire linguistique pourront être évoquées.

Deuxième volet du colloque : approche globale

*  poésie : des études pourront aborder la spécificité de la langue poétique d’André du Bouchet, son rapport au lexique, à la syntaxe, à l’espace de la page, au lyrisme ou aux différentes formes poétiques. Son œuvre sera confrontée à l’actualité de la recherche en poésie. On pourra se focaliser sur certains moments de l’œuvre qui ont encore peu été étudiés, comme les premiers recueils ou les écrits tardifs. On pourra s’intéresser aux différentes versions d’un même texte, au mouvement des réécritures, au rapport entre l’écriture des carnets et celle des recueils.

* dialogues poétiques : certaines propositions pourront poursuivre l’étude du dialogue d’André du Bouchet avec les poètes et écrivains du passé (Maurice Scève, Senancour, Stendhal, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Proust, etc.) comme avec ses contemporains (René Char, Francis Ponge, les poètes de L’Éphémère, etc.). Si certains dialogues poétiques ont déjà été commentés (mais peuvent encore l’être sous un angle nouveau), d’autres l’ont encore très peu été, par exemple avec Louis-René des Forêts, Michel Leiris ou encore Jean Tortel… On pourra également s’intéresser à la postérité d’André du Bouchet, dans la génération suivante ou dans le paysage poétique contemporain.

* lectures philosophiques : on pourra s’intéresser aux lectures philosophiques de l’œuvre d’André du Bouchet, confronter sa pratique poétique avec certaines œuvres philosophiques importantes de son époque : Heidegger, Sartre, Wittgenstein, etc.

* écopoétique : l’œuvre d’André du Bouchet apparaît comme une patiente écoute du « dehors ». On pourra tenter d’analyser, à partir des travaux actuels dans le domaine de l’écopoétique, la manière dont le poète interroge la « relation compacte appelée monde ».

* dialogue avec les artistes : certaines propositions pourront s’intéresser au dialogue d’André du Bouchet avec certains artistes. Son rapport à Giacometti, à Tal Coat pourra être approfondi mais on pourra aussi se tourner vers des dialogues moins commentés, avec les artistes du passé (Vuillard, Cézanne, Hercule Seghers) ou avec ses contemporains (André Masson, Jean Hélion, Bram van Velde, etc.). On interrogera les multiples formes prises par ces dialogues, du livre illustré aux portraits du poète.  On pourra interroger la pratique de l’image du poète ou se concentrer sur la « langue-peinture » qu’il s’est donnée pour horizon. On pourra s’interroger de manière plus globale sur la visualité de son œuvre et étudier son intérêt pour la typographie.

* fonds André du Bouchet : ce colloque pourra être l’occasion pour certains chercheurs de s’intéresser au fonds André du Bouchet de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet dont de nombreux dossiers restent à explorer. Les avant-textes du poète pourront être interrogés dans une perspective génétique, on pourra essayer de mieux comprendre comment se sont constitués les principaux recueils ou faire émerger de nouveaux pans de l’œuvre en allant regarder par exemple les carnets non publiés. La correspondance d’André du Bouchet n’a encore été publiée que de manière très fragmentaire, on pourra s’intéresser à certains de ses échanges épistolaires.

* archives sonores : certaines communications pourront porter sur la voix du poète, lisant ses propres textes ou ceux d’autres auteurs et faire le lien avec les recherches actuelles sur l’écoute du poème. On pourra s’intéresser à l’homme de radio qu’a pu être André du Bouchet, en particulier avec l’émission Promenades ethnologiques en France (1981).

 

Les propositions de contribution, en français ou en anglais, d’une longueur de 300 mots environ, doivent être envoyées à Emma Wagstaff, Olivier Belin et Thomas Augais, accompagnées d’une brève notice biobibliographique, au plus tard le 1er février 2023, aux adresses suivantes : thomas.augais@sorbonne-universite.fr ; e.r.wagstaff@bham.ac.uk ; olivier.belin@univ-rouen.fr

Les réponses seront transmises début mai 2023.

Notes

[1] Voir Michel Collot et Jean-Pascal Léger (dir.), Présence d’André du Bouchet, Paris, Hermann, 2012.

[2] André du Bouchet, Aveuglante ou banale. Essais sur la poésie, 1949-1959, édition établie par Clément Layet et François Tison, préface de Clément Layet, Paris, Le Bruit du temps, 2011 ; André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, édition établie et préfacée par Clément Layet, Paris, Le Bruit du temps, 2011.

[3] Victor Martinez, André du Bouchet. Poésie, langue, événement, Amsterdam/New York, Rodopi, coll. « Chiasma » nº 31, 2013.

[4] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01952196

[5] Olivier Frérot, Chris Younès (dir.), À l’épreuve d’exister avec Henri Maldiney, Paris, Hermann, 2016 ; Jean-Pascal Léger (dir.), Tal Coat, regards sans frontières, Paris, Hermann, 2022.

[6] Serge Linarès, Poésie en partage. Sur Pierre Reverdy et André du Bouchet, Paris, L’Herne, 2018.

[7] Michel Collot, André du Bouchet. Une écriture en marche, Strasbourg, L’Atelier contemporain, 2021.

[8] Robert W. Greene, Six French Poets of our Time : a Critical Historical Study [Pierre Reverdy, Francis Ponge, René Char, André du Bouchet, Jacques Dupin, Marcelin Pleynet], Princeton, N.J.: Princeton University Press, 1979.

[9] Richard Stamelman « The Syntax of the Ephemeral », Dalhousie French Review, vol. 2, 1980, p. 101-117; « The Art of the Void : Alberto Giacometti and the Poets of L’Éphémère », L’Esprit Créateur, vol. 12, n° 4, 1982, p. 15-25.

[10] Elke de Rijcke, L’Expérience poétique dans l’œuvre d’André du Bouchet, t. I et II, Bruxelles, La Lettre Volée, 2013.

[11] André du Bouchet, Un mot : ce n’est pas le sens… (trois inédits, originaux, traductions et essais de Victor Martinez et Michaël Bishop), VVV Editions, 2015.

[12] Michael Bishop, Altérités d’André du Bouchet, Amsterdam/New York, Rodopi, 2003.

[13] Emma Wagstaff, André du Bouchet: Poetic Forms of Attention. Leiden, Boston, Brill Rodopi, 2020.

[14] Julian Koch, A poetics of the image : Paul Celan and André du Bouchet, Cambridge : Legenda, Modern Humanities Research Association, 2021 (ouvrage issu de sa these soutenue en 2017 à la Queen Mary University of London).