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Colloque annuel du Groupe d’Études Sartriennes (Paris)

Colloque annuel du Groupe d’Études Sartriennes (Paris)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Esther Demoulin)

Appel à communications

Colloque annuel du Groupe d’Études Sartriennes

Maison de la Recherche de Sorbonne Université, salle D040 (28 Rue Serpente, 75006)

Les 23 & 24 juin 2023

 

Le Groupe d’Études Sartriennes (GES) lance son appel pour le colloque annuel qui se tiendra les vendredi 23 et samedi 24 juin 2023 à Paris.

L’objectif du GES, qui réunit chaque année une soixantaine de spécialistes de Sartre (universitaires ou non) est de soutenir le développement des perspectives nouvelles sur cette œuvre majeure, de permettre aux enseignants et aux chercheurs de présenter leurs travaux en cours et de promouvoir les études sartriennes à un niveau national et international.

Le GES propose aux enseignants et chercheurs débutants ou confirmés de soumettre une proposition de communications scientifique originale portant sur la pensée et les écrits de Sartre (littérature, philosophie, textes politiques), ou dont l’objet (auteur, question) est en relation directe avec ceux-ci.

Pour l’édition 2023, le GES souhaite encourager trois séries de propositions de communications portant sur L’Être et le Néant, sur les scénarios sartriens et sur L’Idiot de la famille.

 1) L’Être et le Néant

À l’occasion des 80 ans de la parution de L’Être et le Néant, le GES souhaite solliciter de nouvelles perspectives sur cet ouvrage majeur de Sartre. Notre but, à travers cette session sur L’Être et le Néant, est d’approfondir la méthode vivante, profondément originale, mise en œuvre par Sartre pour ressaisir le tout de la réalité humaine, sur la base d’exemples fameux qui ont acquis pour certains le statut de « classiques » (le garçon de café, le vertige de l’angoisse, les ouvriers de la Croix-Rousse, le premier-rendez-vous, le regard et la honte du voyeur, la teneur du visqueux, etc.).

En plus des nouvelles lectures en interne proposant des approches originales sur des concepts centraux de l’ouvrage (tels que le cogito préréflexif, la mauvaise foi, la facticité, le circuit de l’ipséité, la possession, le corps-pour-autrui, la responsabilité, etc.), nous suggérons, de manière non exhaustive, quelques autres pistes de travail, qui débordent le seul cadre de l’ouvrage :

 1/ Une lecture génétique de certains thèmes ou concepts de L’Être et le Néant, notamment à partir des Carnets de la drôle de guerre. L’approche génétique attachée à la naissance du concept sartrien de Néant permet de préciser la place qu’occupent certaines figures nodales comme Kierkegaard (Le Concept d’angoisse) et Heidegger (Qu’est-ce que la métaphysique ?) dans l’onto-phénoménologie de 1943, à aux côtés de Descartes, Kant, Hegel, Husserl ou Scheler.

2/ Les prolongements de L’Être et le Néant dans l’œuvre ultérieure de Sartre. La question a surtout été posée à propos des perspectives ouvertes par L’Être et le Néant à propos des psychanalyses existentielles et de la morale, les Cahiers pour une moraleétant souvent lus dans le fil de l’ouvrage de 1943. On pourrait interroger les figures du Néant dans L’Idiot de la famille (la figure des « chevaliers du Néant » par exemple) : dans quelle mesure la psychanalyse existentielle du cas Flaubert est-elle l’occasion d’une réécriture de L’Être et le Néant ?

3/ Les transferts conceptuels entre L’Être et le Néant et les sciences sociales. Si le fameux exemple du garçon de café a inspiré une sévère critique à Pierre Bourdieu dans Le Sens pratique, plaçant L’Être et le Néant au rang des « anthropologies imaginaires du subjectivisme », la figure sartrienne du garçon de café a reçu en revanche un accueil beaucoup plus favorable dans la sociologie des rôles et la « cadre-analyse » d’Erving Goffman[1]. Une piste de travail pourrait consister à expliciter, au-delà de l’exemple du garçon de café, ce type de transferts entre les concepts en situation de Sartre et les enquêtes empiriques sur les interactions sociales.

 

2) Sartre scénariste

Petit rappel des faits : en 1943, Sartre signe avec la société Pathé un contrat de deux ans, renouvelé à l’automne 1945 pour une année, contrat qui l’obligeait à écrire trois scénarios par an[2]. Odette et Alain Virmaux, partant du seul scénario daté (La Grande Peur, portant la mention « Juin 1944 »), supposèrent que les différents projets scénaristiques de Sartre furent rédigés entre l’hiver 1943 et l’hiver 1944[3]. Sartre arrive donc au scénario au moment d’une relative saturation du métier : en 1946, on dénombre en France plus de 150 scénaristes[4]. Cette raison ne justifie pas à elle seule la relative malchance de Sartre au cinéma : sur les huit scénarios écrits pour Pathé entre 1943 et 1945, deux seulement (Les Orgueilleux et Les jeux sont faits) furent réalisés, dont un qui ne mentionnera pas le nom de Sartre au générique, à la demande de ce dernier[5]. Cette nouvelle édition du colloque du GES a pour ambition de relancer l’étude de ces textes – pour certains encore inédits. Plusieurs pistes pourraient être envisagées :

1/ Les similitudes et les différences entre l’écriture dramatique et scénaristique de Sartre : Sartre concevait différemment l’écriture de ses pièces de théâtre et de ses scénarios. L’exemple de La Putain respectueuse en témoigne : au moment d’adapter la pièce au cinéma en 1952, Sartre décide d’en modifier la fin au profit d’un dénouement positif[6]. Beauvoir, qui explicite ce choix dans ses mémoires, affirme que Sartre aurait estimé que le public populaire du film aurait eu besoin d’optimisme, à l’inverse du public bourgeois de la pièce, qui requérait d’être davantage tourmenté. Si la différence de public induit ici une différence dans l’écriture des pièces, on pourra également interroger les rapprochements entre l’écriture dramatique et scénaristique. Le fait que le scénario de L’Engrenage (1948) ait pu être joué sur les planches dès le début des années 1950 en Suisse, en Allemagne et en Italie complexifie l’idée d’une imperméabilité entre les deux genres, tout comme les similitudes entre les scénarios et les pièces de Sartre[7]. On pourra à cet égard étudier les liens entre Typhus et Les Mouches, Les jeux sont faitset Huis clos, L’Engrenage et Les Mains sales, ou encore entre Résistance et Morts sans sépulture.

2/ Le destin éditorial des scénarios sartriens : si les éditeurs ont rapidement vu l’intérêt d’une littérature scénaristique – pensons à la collection « Cinario » chez Gallimard –, il reste que les premiers scénarios de Sartre sont publiés à une période charnière : à la fin du règne du scénariste, mais avant la légitimation du genre littéraire du scénario, auquel Duras donnera ses lettres de noblesse avec Hiroshima mon amour. Si Le Scénario Freud et Typhus connurent des publications tardives, Les Jeux sont faits paraît en 1947 chez Nagel, soit la même année que sa sortie en salle ; Résistance et Les Faux-Nez ont quant à eux été publiés dans des revues[8]. Cette fragmentation éditoriale est partiellement involontaire : on sait qu’en décembre 1946, Gallimard avait écrit à Pathé au sujet de la publication en volume des différents scénarios de Sartre, projet qui ne vit jamais le jour[9].

 3/ L’étude génétique des scénarios sartriens : les manuscrits de plusieurs scénarios de Sartre sont disponibles à la Bibliothèque nationale de France : ceux de Typhus (4 MY 1337) et des Jeux sont faits (NAF 28405). Certains de ces scénarios n’ont d’ailleurs pas connu de transposition filmique ; c’est le cas des 6 feuillets rédigés par Sartre pour le film de Nicole Védrès, La vie commence demain (1950), disponibles à la BnF (NAF 28405). Tous mériteraient une attention génétique, et l’on invite ici particulièrement les chercheurs étrangers qui auraient accès aux fonds de la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa (Joseph le Bon) et du Harry Ransom Humanities Research Center (Joseph Le Bon, Les Sorcières de Salem) à proposer une communication.

 

3) Lire L’Idiot de la famille

1/ Une première piste consisterait à interroger le rapport de L’Idiot de la famille au contexte politique[10] et intellectuel dans lequel il a été écrit, principalement le structuralisme. Dès la parution de l’œuvre, le dialogue de Sartre avec les structuralistes parut évident[11] ; il n’a cependant pas été épuisé par la critique. Récemment, Thomas Bolmain avait pu insister sur l’opposition se jouant en filigrane dans L’Idiot de la famille au Foucault de La Naissance de la clinique[12]. Plus récemment encore, Delphine Jayot soulignait la saturation de l’intertexte lacanien dans le premier chapitre de l’essai : « Tout dans l’esprit de ce chapitre – la réflexion sur le langage, la mauvaise insertion de Gustave dans un monde qui est avant tout langage – peut renvoyer à des thèmes lacaniens[13]. »

2/ Il serait également possible d’envisager L’Idiot de la famille comme une reformulation, par une mise à l’épreuve sur le cas Flaubert, des divers chantiers entrepris par Sartre dans ses ouvrages antérieurs, notamment : l’imaginaire et ses modes d’intentionnalité (le « choix de l’irréel ») ; le néant et ses figures ; la totalisation et ses modes d’intelligibilité ; la praxis et ses envers (la passivité constituée).

3/ Les communications portant sur la genèse de L’Idiot de la famille sont également les bienvenues : l’équipe « Sartre » de l’ITEM a en effet pour ambition de lancer un large chantier sur la genèse du volume. Toute proposition de communication visant à défricher, à la suite de Gilles Philippe[14], les avant-textes de l’essai sartrien sont donc les bienvenues.

 

Les communications, généralement présentées en français, peuvent également l’être en anglais. Dans ce cas, il sera demandé à l’orateur de fournir, à l’avance, un résumé en français à destination des auditeurs du colloque.

Les propositions de communication, qui doivent comporter un titre et un résumé en un paragraphe, sont à faire parvenir au GES pour le 31 janvier 2023. Les communications ne devront pas excéder 30 minutes.

Prière de faire parvenir vos propositions de communication à l’adresse du secrétariat du GES : ges.secretariat@gmail.com

Site : http://ges-sartre.fr

[1] Voir notamment Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, t. 2. Les Relations en public (1959), trad. Alain Kihm, Paris, Minuit, 1973.

[2] Odette et Alain Virmaux, « Sartre “collaborateur” ? », Jeune Cinéma, n° 231, avril 1995, p. 27 ; id., « Sartre da Pathé », dans Sandra Teroni et Andrea Vannine (dir.), Sartre e Beauvoir al cinema, Firenze, La Bottega del Cinema, 1989, p. 26.

[3] Ibid.

[4] Jean-Paul Torok, Le Scénario. Histoire, théorie, pratique, Paris, Henri Veyrier, 1986.

[5] Sur le film d’Yves Allégret, nous renvoyons à l’article de Grégory Cormann et Jeremy Hamers, « Sartre, Typhus et l’année 1943 ». Cet article, à paraître dans les Cahiers critiques de philosophie, est la traduction de la postface écrite à l’occasion de la parution italienne du scénario chez Marinotti (2021).

[6] Voir Geneviève Idt et Gilles Philippe, « Notice de La Putain respectueuse », dans Théâtre complet, éd. Michel Contat, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2005, p. 1359.

[7] « Ce qui frappe, à la lecture de ces scénarii, c’est leur proximité thématique avec les pièces de théâtre que Sartre a écrit à la même époque, et qui lui ont valu le succès qu’on sait : même thème de l’épidémie dans Typhus et dans Les Mouches (1943), Les Jeux sont faits écrit avant Huis-clos (1944) met en scène, comme la pièce, des morts, l’orgueil à vif de l’“homme seul” » traverse toutes ces œuvres », Pascale Fautrier, « Le cinéma de Sartre », dans Fabula-LhT, n° 2, « Ce que le cinéma fait à la littérature (et réciproquement) », dir. Jean-Louis Jeannelle et Margaret Flinn, décembre 2006, URL : http://www.fabula.org/lht/2/fautrier.html, page consultée le 21 octobre 2022.

[8] Jean-Paul Sartre, Les Faux-Nez, dans La Revue du Cinéma, n°6, printemps 1947, p. 3-27 ; id., Résistance, dans Les Temps Modernes, n° 609, juin 2000, p. 1-22.

[9] Voir Odette et Alain Virmaux dans « Sartre “collaborateur” ? », Jeune Cinéma, n° 231, avril 1995, p. 32.

[10] Contexte maoïste notamment, ainsi que l’a montré Jean Bourgault dans « Les désarrois de l’élève Clouet. Sartre et le maoïsme », Les Temps Modernes, n° 658-659, 2010, p. 2-48.

[11] Claude Ambroise, « L’Idiot de la famille : una critica letteraria antistrutturalista », Aut-Aut, n° 137-139, 1973, p. 85-102.

[12] Thomas Bolmain, « La langue de Flaubert et l’idéologie structuraliste dans L’Idiot de la famille », communication proposée dans le cadre de l’atelier sur Sartre et le langage lors du colloque annuel du Groupe d’Études Sartriennes, 24-25 septembre 2021.

[13] Delphine Jayot, « L’Idiot de la famille. L’impossible projet ? », dans Flaubert et le moment théorique, Pierre-Marc de Biasi et Anne Herschberg Pierrot (dir.), Flaubert et le moment théorique (1960-1980), Paris, CNRS Éditions, 2021, p. 270.

[14] Gilles Philippe, « Le protocole prérédactionnel dans les manuscrits de L’Idiot de la famille », Recherches et travaux, Grenoble, n° 71, 2007.