Actualité
Appels à contributions
La faculté imaginative au Moyen Âge : littérature, philosophie, arts visuels et musique (Montpellier)

La faculté imaginative au Moyen Âge : littérature, philosophie, arts visuels et musique (Montpellier)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Mathias Sieffert )

Appel à communications

"La faculté imaginative au Moyen Âge : littérature, philosophie, arts visuels et musique" 

24 et 25 mars 2023, Université Paul Valéry-Montpellier 3


Tributaire des théories de Saint-Augustin sur la phantasia et le phantasma, d’Hugues de Saint-Victor et, plus généralement, de la conception aristotélicienne revisitée par la théologie, la littérature offre de multiples mises en scène du processus imaginatif. Qu’il s’agisse de Perceval contemplant les gouttes de sang sur la neige, des songes allégoriques, des visions, des pensées ou fantasmes amoureux chez les poètes des XIVe et XVe siècles (Guillaume de Machaut, Oton de Grandson, Charles d’Orléans), la fiction se fait l’écho du développement d’une théorisation de l’image mentale, de son rapport à la sensation et à la connaissance. Comment le Moyen Âge conçoit-il la faculté de l’imagination ? Comment cette faculté est-elle interrogée ou mise en scène dans la littérature, la musique, la philosophie et les arts visuels ? 
La question traverse de part en part des travaux marquants, à commencer par ceux de Mary Carruthers[1] et de Frances Yates[2], ceux de Douglas Kelly[3] et de Gorgio Agamben[4] pour le versant littéraire, ceux Georges Didi-Huberman pour l’histoire de l’art [5] ; elle a également été abordée de front par les philosophes[6]. Ce colloque pluridisciplinaire a pour ambition de tisser des liens entre philosophie, littérature, histoire de l’art et musique à l’heure où les approches cognitivistes renouvellent en profondeur la réflexion sur l’imagination et le fantasme. 
 
Trois axes de réflexion sont retenus : 
 
Axe 1 : Les mots de l’imagination
 
On pourra s’interroger sur le sens des termes hérités de la philosophie antique et médio-latine : phantasia, phantasma,imaginatio, memoria, visio, imago et leurs équivalents vernaculaires dans les textes. Si le terme même d’imagination est fréquent à la fin du Moyen Âge, comment les textes profanes des XIIe et XIIIe siècles (récits arthuriens, littérature allégorique, poésie courtoise d’oc et d’oil) nomment-ils les processus de fabrication imaginative ? Comment les auteurs distinguent-ils différents types d’imaginations (imagination mémorielle ou projective, imagination vraisemblable ou chimérique, vision édifiante ou fantasme trompeur) ? On pourra interroger les sens possibles du terme même d’imagination au Moyen Âge mais aussi sur son paradigme sémantique : pensée/penser,fantasme, fantôme, vision, figure/figuration voire histoire en embrassant un large spectre chronologique et générique.  

Axe 2 : L’imagination dans les arts textuels, visuels et sonores
 
Pour le versant littéraire, que dit la littérature du fonctionnement de la figuration intérieure, de la fabrication des images mentales et du trouble sensoriel qui peut en découler ? Existe-t-il des « scènes imaginatives » capables d’illustrer, compléter ou affiner les conceptions de la théologie ? De quoi naît l’imagination ? Naît-elle nécessairement d’une image sensible (songeons au portrait de Toute-Belle dans le Livre du Voir Dit ou au rôle symbolique des mythes de Narcisse et de Pygmalion dans le Roman de la Rose) ou peut-elle être une création ex nihilo ? Peut-on envisager l’allégorie ou la personnification comme un mécanisme imaginaire au sens propre du terme ? En quoi l’imagination peut-elle alors relever d’un procédé rhétorique (visant à imprimer des images mentales chez le lecteur) ? 

Dans le domaine des arts visuels (miniatures, peinture, sculpture, architecture), on pourra s’interroger sur la façon dont les images peuvent « mettre en scène » le mécanisme de l’imagination : comment montre-t-on, dans les miniatures, ce qui est imaginé ou imaginable ? Qui imagine et à quelles fins ? En retour, on peut se demander si l’image médiévale ne peut pas elle-même servir d’appui pour la contemplation et l’intellection. 

Dans le domaine musical, que peut signifier l’imagination en musique ? La musique va-t-elle de pair avec cette faculté ? Sur le plan de l’écriture, les signes musicaux peuvent-ils déclencher le processus de figuration mentale ? On s’interrogera sur la manière dont les rapports de proportion, l’harmonie ou la discordance, sensibles mais invisibles, peuvent donner lieu, par le truchement de l’imagination, à une appréhension à la fois sensible et visuelle de la musique. 

Axe 3 : L’imagination-cognition : du Moyen Âge à aujourd’hui 
 
On pourra enfin s’intéresser à la dimension cognitive et heuristique de l’imagination. Comment l’imagination permet-elle le passage du sensus à l’intellectus ? Est-elle véritablement la voie d’une représentation de l’invisible comme le conçoit la théologie ? En quoi est-elle un moyen de connaissance, sans pour autant se confondre avec la memoria  ? Qu’est-ce qu’imaginer permettrait de connaître ? 
Il sera particulièrement intéressant ici de confronter la conception médiévale de l’imagination à notre propre imagination d’auditeur, de lecteur ou d’observateur d’œuvres médiévales : comment les textes favorisent-ils la naissance d’un mouvement imaginatif chez le lecteur ? S’agit-il simplement de procédés rhétoriques ou s’agit-il d’une relation plus secrète de l’œuvre médiévale avec l’imagination ? L. Wahlen développait par exemple l’idée, à partir des Lais de Marie de France, qu’il existait dans ces textes des vignettes mémorielles, propres à s’inscrire dans l’imagination du lecteur et à ouvrir la voie à une compréhension du texte. Sont-elles propres à l'écriture des XIIe et XIIIe siècles ou peut-on étendre une telle théorie aux textes postérieurs et à d’autres genres ?  
 
Ce colloque transdisciplinaire se tiendra à l’Université Paul Valéry – Montpellier III les 24 et 25 mars 2023. Les propositions de communications sont à envoyer à Catherine Nicolas (catherine.nicolas@univ-montp3.fr) et Mathias Sieffert (mathias.sieffert@univ-montp3.fr) avant le 20 octobre 2022.  

 
[1]Mary Carruthers, The Book of Memory. A study of Memory in Medieval Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; voir aussi Mary Carruthers, The Craft of Thought. Meditation, Rhetoric, and the Making of Images, 400-1200, Cambridge University press, 1998.
[2]Frances A. Yates, L’art de la mémoire, traduit de l’anglais par Daniel Arasse, Paris, Gallimard, 1966 [The Art of Memory, 1966].
[3]Douglas Kelly, Medieval Imagination: Rhetoric and the Poetry of Courtly Love, Madison/Londres, University of Wisconsin Press, 1978.
[4]Giorgio Agamben, Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale, traduit de l’italien par Yves Hersant, Paris, Rivages Poche, 1992 [Stanze. La parole e il fantasma nella cultura occidentale, 1981]. 
[5]Voir notamment Fra Angelico. Dissemblance et figuration, Paris, Flammarion, 1995 [1990].  
[6]Voir par exemple les actes du colloque édités par Maria Cândida Pacheco et José F. Meirinhos, Intellect et imagination dans la Philosophie Médiévale, Brepols, 2006.