Appel à contributions pour la Journée d'étude
Penser le verre : la création au tournant de la transparence
Université Paris 8, Maison de la Recherche, 13 décembre 2022
Sous la direction de :
Gilles Picarel, Chercheur associé Labo AIAC, Université Paris 8
Biagio D'Angelo, Professeur des universités, Université de Brasilia
La nécessité de plus en plus vive d’œuvrer à une continuité entre l’homme et son milieu, les récentes avancées scientifiques relatives au « verre liquide » décrivant un nouvel état de la matière, les dernières ontologies orientées-objet ou la philosophie spéculative, tous ces nouveaux rapports au monde et ces états récents à la fois de la science et de la philosophie pourraient conduire à repenser les arts (arts plastiques, arts vivants, littératures, architectures, etc.) à partir de l’idée de verre. Autant de bouleversements qui conduisent à revenir aux choses mêmes, car que ce soit vis-à-vis des objets, des vivants humains et non-humains ou du monde minéral, la réflexion actuelle s’ouvre de plus en plus au dialogue entre les mondes. Dans cette nouvelle perspective en lien avec les questions soulevées par l’Anthropocène, en quoi mettre en œuvre une esthétique du verre permettrait-elle d’éclairer ce dialogue ? En quoi penser le verre aiderait-il à entrer en rapport avec l’autre indépendamment du même, c’est-à-dire libre de toute subjectivité et de tout anthropocentrisme qui pourraient empêcher d’y accéder ?
Proposer de penser le champ artistique du verre plonge la réflexion dans une histoire millénaire qui avant tout consacre au verre une réalité plurielle. D’abord naturel avec l’ « obsidienne », le verre est ensuite artificiel comme l’émail, la faïence, le vitrail, etc. Les premières attestations remontent au IIIe millénaire av. J.-C. en Mésopotamie et en Égypte par la technique de la faïence et de l’émaillage. Les techniques complexes qu’il requiert pour sa fabrication sont notamment racontées par Pline l’Ancien dans sa Naturalis Historia qui traite des origines de sa découverte. Dans cette perspective, et eu égard à l’ambiguïté du verre, d’être à la fois passage et barrage, la réflexion sur l’esthétique du verre au XXIe siècle pose un ensemble de problématiques.
Tout d’abord, penser le verre n’implique-t-il pas une tension entre l’idée de transparence et celle d’une opacité troublante ? Ainsi, le verre aide à accéder, en toute neutralité, à l’extériorité posée là, celle du dehors des choses, des êtres et du monde, alors que sa spécularité renvoie à l’image de soi et à une déréalisation certaine des êtres, des choses et du monde.
Par ailleurs, le verre opère une séparation et il trace une frontière entre un dedans et un dehors, entre une face et l’autre. Depuis le Moyen Âge, le verre est un instrument de connaissance du monde extérieur et intérieur, creusant de fait la distance entre l’observateur et le monde, sujet de cette observation. Lunettes, jumelles, télescopes, formes d’investigation du speculum mundi… de la Renaissance au Baroque, le verre aide à une connaissance encyclopédique, à la tonalité didactique et morale. Finalement, sa transparence permet d’imaginer une porosité des frontières qui tiennent habituellement à distance l’homme de son milieu, avançant par là même la possibilité d’une continuité entre les mondes.
D’un autre côté, en libérant l’œuvre d’art de l’idée d’autonomie, la transparence ne permet-elle pas de penser la création à la lumière d’une hétéronomie ? N’autorise-t-elle pas à dépasser toute médiation et donc à adopter le point de vue de l’autre ? Ainsi, l’idée de verre pose la question de la possibilité d’un rapport immédiat, voire universel avec l’autre.
En outre, ce rapport immédiat peut être étendu à la problématique de l’écran, car le rapport à l’autre passe par ce dernier. En s’appuyant sur les technologies de communication exploitant la conductivité du verre, notamment dans la fibre optique, le verre ouvre alors un champ temporel, celui de l’instantanéité. Avec l’écran, l’instantanéité semble remettre en question le rapport entre proche et lointain, ou entre local et global. Elle implique surtout de penser en quoi et de quelle manière l’absence des corps déplace la création artistique.
Ainsi, au regard de ces problématiques, cette Journée d’étude propose une approche pluridisciplinaire permettant de penser une esthétique du verre. À partir de la tension que le verre permet d’expérimenter − entre opacité et transparence, fixité et déplacement, instantanéité et virtualité, fluide et solide, minceur et profondeur, réalité et déréalisation, doux et tranchant, etc.−, la réflexion permettra d’interroger ce tournant de la transparence dans les arts comme possible élargissement de notre sensibilité à l’autre, un autre entendu dans sa radicale extériorité.
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Modalités de contribution :
Les propositions sont à retourner pour le 15 septembre 2022 à l'adresse suivante :
gilles.picarel02@univ-paris8.fr
Il vous est demandé un résumé en français (entre 1000 et 2000 signes) présentant votre proposition de communication. Merci de joindre dans votre document une courte bibliographie, ainsi qu’une biographie de 4 lignes environ.
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Calendrier :
15 septembre 2022 : date limite de retour des propositions
30 septembre 2022 : retour sur l’acceptation ou non de la proposition de communication
Merci d’envoyer vos questions et demandes d’information complémentaire à Gilles Picarel : gilles.picarel02@univ-paris8.fr
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Bibliographie indicative :
Philosophie
KUBLER, Georges, Formes du temps. Remarques sur l’histoire des choses, [1962], Paris, Champ Libre, 1973.
LEVINAS, Emmanuel, Totalité et infini. Essai sur l'extériorité, [1971], Paris, Le Livre de Poche, coll. Biblio essais, 2012.
Réalisme spéculatif
ALLOA, Emmanuel, DURING, Élie, (codir.), Choses en soi. Métaphysiques du réalisme, Paris, Presses Universitaires de France, 2018.
BIMBENET, Étienne, L'Invention du réalisme, Paris, Cerf, 2015.
BITBOL, Michel, Maintenant la finitude : Peut-on penser l'absolu ?, Paris, Flammarion, 2019.
FRADET Pierre-Alexandre, GARCIA, Tristan, « Petit panorama du réalisme spéculatif », Spirale, no 255, hiver 2016
GARCIA, Tristan, Forme et objet. Un traité des choses, Paris, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige, 2020.
GRAZIANI, Romain, L’Usage du vide. Essai sue l’intelligence de l’action, de l‘Europe à la Chine, Paris, Gallimard, 2019.
HARMAN, Graham, L'Objet quadruple, Paris, Presses Universitaires de France, 2010.
MALABOU, Catherine, Avant demain : Épigenèse et rationalité, Paris, P.U.F., 2014.
MEILLASSOUX, Quentin, Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, Paris, Éditions du Seuil, 2006.
NEGARESTANI, Reza, « Excursus XI (Modelage de vie) », Traduit de l’anglais par Simon Labrecque, Multitudes 2016/4 (n° 65), p. 59-63.
SALLES, Claire « (Se) débattre avec l’esthétique : l’appropriation par la revue Texte zur Kunst de la philosophie spéculative », Marges [En ligne], 32 | 2021, URL : http://journals.openedition.org/marges/2483
SCHMITT, Yann « Le réalisme spéculatif : entre athéisme et messianisme », ThéoRèmes [En ligne], 6 | 2014, mis en ligne le 19 juin 2014, consulté le 29 juillet 2022. URL : http://journals.openedition.org/theoremes/650
TIERCELIN, Claudine, Le Ciment des choses. Petit traité de métaphysique scientifique réaliste, Paris, Ithaque, 2011.
Le vivant
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COCCIA Emanuele, La vie des plantes, Paris, Bibliothèque Rivages, 2016.
MORIZOT, Baptiste, Manières d’être vivant. Enquêtes sur la vie à travers nous, Le Méjan, Actes Sud, 2020.
Anthropologie
DESCOLA Philippe, Par-delà nature et culture (2005), Paris, Gallimard, coll. Folio essais, 2015.
HARAWAY, Donna, Quand les espèces se rencontrent, Paris, La Découverte, 2021
LATOUR Bruno, Enquêtes sur les modes d'existence. Une anthropologie des modernes, Paris, La Découverte, 2012.
TSING, Anna. Le champignon de la fin du monde, Paris, La Découverte, Paris, 2017.
Théorie sur l'art / Esthétique
BOURRIAUD Nicolas, Planète B. Le sublime et la crise climatique, Paris, Radicants, 2022.
IMHOFF, Aliocha, QUIROS, Kantuta, Qui parle ? (Pour les non-humains), Paris, Presses Universitaires de France, 2022.
PHAY Soko, Les vertiges du miroir dans l’art contemporain, Paris, les presses du réel, 2016.
SCHLESSER, Thomas, L’univers sans l’homme, Paris, Hazan, 2016.
Littérature / Poésie
PAMUK, Orhan, Le musée de l'innocence, Paris, Gallimard, 2011.
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