Qu’est-ce qui m’intéresse au fond ? Au départ, c’était la science d’Henri Beraldi qui allait m’apprendre des choses sur les gravures. Mais très vite, c’est Beraldi lui-même qui m’a occupé et, de fil en aiguille, je me suis mis à lire tous ses livres. Il m’a fait sortir de ma spécialité — les estampes. Me revient en mémoire cette enseigne qui avait frappé Walter Benjamin lors de ses pérégrinations parisiennes : « N’a pas de spécialité. » Slogan provocateur, tant la spécialisation est un titre de fierté pour beaucoup de gens. Titre fragile : peut-on encore se considérer comme un spécialiste dès lors que l’on prétend à plusieurs spécialités ? Beraldi, lui, ne s’arrête pas à ces détails. C’est l’effet déstabilisant de sa lecture pour un chercheur : celui que l’on prenait pour un hyperspécialiste, avec ses catalogues raisonnés, s’avère à l’opposé. Il vous parle de tout. On ne sait plus pourquoi on était venu. On en ressent tout à la fois malaise et joie, comme sous l’effet d’une mue que l’on n’avait pas vue venir.
Emmanuel Pernoud est professeur émérite d’histoire de l’art contemporain à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien responsable des collections d’estampes contemporaines à la Bibliothèque nationale de France. Ses travaux portent sur les arts graphiques et la place de l’enfance dans les arts.
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On peut lire sur nonfiction.fr un article sur cet ouvrage :
"Henri Beraldi ou l’art des notes de bas de page", par Benjamin Caraco (en ligne le 11 mai 2022).