Actualité
Appels à contributions
Le rimbaldisme

Le rimbaldisme "aux confins du monde". Approches de la réception mondiale de Rimbaud (Grenoble)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Adrien Cavallaro)

Le rimbaldisme « aux confins du monde ». Approches de la réception mondiale de Rimbaud

Université Grenoble Alpes (UMR 5316 Litt&Arts), 25-26 mai 2023

On peut dire du « rimbaldisme », si le terme embrasse tout ce qui, dans l’histoire de la réception de Rimbaud, relève d’une circulation féconde entre l’œuvre du poète et ses divers lecteurs, qu’il prend très rapidement les dimensions d’un phénomène hors frontières. La première réception symboliste, tributaire de la très forte coloration internationale de la cohorte poétique fin de siècle, a en effet contribué à diffuser en Europe — en Belgique, en Angleterre, en Italie, ou encore en Allemagne — la connaissance d’une trajectoire et d’une œuvre publiée à partir des Poètes maudits (1884), dans des proportions certes encore modestes, mais dont les avatars étaient appelés à prendre une extension considérable, au cours du XXe siècle, et jusqu’en ce premier quart du XXIe siècle. Ce colloque, qui se tiendra à l’Université Grenoble Alpes les 25 et 26 mai 2023, voudrait promouvoir l’examen de cette extension mondiale de la réception d’un poète lui-même particulièrement sensible aux changements d’échelle du « monde », à l’heure d’une affirmation des impérialismes coloniaux et des mirages de l’ère industrielle (« Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ? », « Mauvais sang », Une saison en enfer), comme d’un sentiment plus diffus de l’« immensité de l’univers » (« Génie », Illuminations).

La réception rimbaldienne a fait l’objet d’approches localisées, surtout dans son versant européen, en particulier pour les pays de l’Est du bloc communiste (voir entre autres Étiemble, « Le mythe de Rimbaud en Tchécoslovaquie. 1945-1965 »), en Italie (voir le Cahier de l’Herne Rimbaud, paru en 1993) ou plus récemment chez les « modernistes » anglais puis américains du premier tiers du XXe siècle (voir Dominique Combe, « Rimbaud moderniste », 2021). Ces explorations, dans des perspectives diverses, ont étoffé notre connaissance du corpus de réception. Nous voudrions, au cours de ces deux journées, inviter à une appréciation plus large de cette réception européenne et mondiale du poète, c’est-à-dire tenter de suivre la progression, suivant des rythmes propres et dans des aires culturelles ouvertes les unes aux autres, de ce qu’Aragon appelle dans Pour expliquer ce que j’étais (1943) « l’œuvre et l’exemple d’Arthur Rimbaud », dans des domaines discursifs et esthétiques variés. 

On encouragera donc ici les investigations surplombantes qui, à rebours du « mythe » dénoncé par Étiemble dès la fin des années 1930, et surtout à partir des années 1950 (Genèse du mythe et Structure du mythe, 1954 et 1952), à rebours plus généralement de toute appréhension descriptive, normative, statique de ce qui constitue la réception d’un écrivain, contribueront à en éclairer la part créatrice. Entendons par là que sera encouragée une étude des formes originales qu’invente cette réception, sans restriction de corpus, en faisant une place aux littératures canoniques comme aux « peintures idiotes » des cultures populaires (« Alchimie du verbe », Une saison en enfer), depuis le dernier quart du XIXe siècle jusqu’aux productions les plus actuelles. Si l’approche par aire culturelle peut servir de point de départ à la réflexion, une considération dynamique de cette réception, en termes de circulation et de transfert notamment, pourra l’enrichir. Dans ce cadre, le domaine français, comme le domaine européen, a sa place dans la réflexion que nous portons. Plusieurs pistes peuvent ainsi être envisagées :

-       Devenir critique, poétique, fictionnel de « l’œuvre et l’exemple d’Arthur Rimbaud ». Dans le domaine français, la constitution de l’œuvre rimbaldienne en langue critique a été placée au cœur du « rimbaldisme » (Adrien Cavallaro, Rimbaud et le rimbaldisme, 2019). Dans quelle mesure le premier rimbaldisme international, procédant d’un phénomène de circulation de la poésie française (et en français) dans une aire pour l’essentiel européenne, fait-il progressivement place à un rimbaldisme mondialisé, dont la vie propre et les rythmes d’assimilation et de sédimentation peuvent être analysés indépendamment de la réception française ? L’universalisation des enjeux de l’œuvre dans la réception française a-t-elle un corollaire mondial ? Toutes les formes de réappropriation poétique et fictionnelle pourront être abordées à cette occasion, dans la mesure, aussi, où elles concourent à une historiographie de la littérature moderne.

-       Approches de la traduction de l’œuvre. L’histoire globale de la traduction de l’œuvre de Rimbaud n’a pas encore été entreprise. On invitera plus modestement ici les participants à nourrir cette histoire et à en éclairer les enjeux : y a-t-il un devenir de l’œuvre traduite ? Quels pans de l’œuvre, surdéterminés par les traductions disponibles, ont été privilégiés par les réceptions critiques des divers domaines explorés ? 

-       Réceptions comparées. La mondialisation de Rimbaud ne suit pas, sans doute, des chemins absolument singuliers. On pourra l’envisager de concert avec les phénomènes de réception affectant d’autres phares de la poésie moderne (Whitman, Rilke, García Lorca, etc.). À cet égard, le cas particulier de Rimbaud peut offrir un terrain d’exploration méthodologique pour les études de réception, qui ont connu ces dernières années un essor éclairé par le récent dossier de Thierry Roger et de Stéphane Zékian, Accuser réception (Acta Fabula, 2020), ou par des ouvrages ciblés en littérature française (Thierry Roger, L’Archive du coup de dés, 2010) ou en littérature comparée (Delphine Rumeau, Fortunes de Walt Whitman, 2019).

-       Formes d’une patrimonialisation mondiale de Rimbaud. On pourra s’interroger sur l’ensemble des modalités qui concourent à inscrire Rimbaud dans une mémoire collective, par-delà les anthologies, les textes critiques et les œuvres littéraires. Dans ce cadre ouvert, le devenir de l’iconographie rimbaldienne, jusqu’à la diffusion sérielle, massive, en particulier du plus fameux des portraits photographiques d’Étienne Carjat, offre un terreau fertile.

Les propositions, d’une longueur de 2000 signes maximum (espaces comprises), sont à faire parvenir avant le 30 juin 2022 aux adresses suivantes : adrien.cavallaro@univ-grenoble-alpes.fr et delphine.rumeau@univ-grenoble-alpes.fr.

Comité d’organisation : Adrien Cavallaro (UGA /Litt&Arts) et Delphine Rumeau (UGA / Litt&Arts).

Comité scientifique : Olivier Bivort (Ca’ Foscari, Venise) ; Adrien Cavallaro (UGA / Litt&Arts) ; Dominique Combe (ENS) ; Yoshikazu Nakaji (Université de Tokyo) ; Delphine Rumeau (UGA / Litt&Arts) ; Henri Scepi (Sorbonne Nouvelle).

*

Bibliographie des références citées :

Arthur Rimbaud, Cahier dirigé par André Guyaux, Cahiers de l’Herne, no 64, 1993 [voir Olivier Bivort, section « Borgese, Croce », p.  239-254].

Louis Aragon, Pour expliquer ce que j’étais [1943 ?], Paris, Gallimard, 1989 [voir p. 46-70].

Adrien Cavallaro, Rimbaud et le rimbaldisme. XIXe-XXe siècles, Paris, Hermann, coll. « Savoir Lettres », 2019.

Dominique Combe, « Rimbaud moderniste », dans Olivier Bivort, André Guyaux, Michel Murat et Yoshikazu Nakaji (dir.), Les Saisons de Rimbaud, Paris, Hermann, 2021, p. 247-258.

René Étiemble, Le Mythe de Rimbaud, t. II : Structure du mythe, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1952 ; 2e éd. revue et augmentée, 1961 ; nouv. éd. revue, corrigée et augmentée de nombreux passages censurés en 1952, 1970.

René Étiemble, Le Mythe de Rimbaud, t. I : Genèse du mythe (1869-1949). Bibliographie analytique et critique suivie d’un supplément aux iconographies, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1954 ; 2e éd. revue et augmentée, 1968.

René Étiemble, « Le mythe de Rimbaud en Tchécoslovaquie. 1945-1965 », dans Studi in onore di Italo Siciliano, 1966, p. 407-421.

Thierry Roger, L’Archive du coup de dés. Étude critique d’« Un coup de dés jamais n’abolira le hasard » de Stéphane Mallarmé (1897-2007), Paris, Classiques Garnier, coll. « Études romantiques et dix-neuviémistes », 2010.

Thierry Roger et Stéphane Zékian (dir.), Accuser réception, sous la direction de Thierry Roger et Stéphane Zékian, Fabula / Les colloques, 2020.

Delphine Rumeau, Fortunes de Walt Whitman. Enjeux d’une réception transatlantique, Paris, Classiques Garnier, coll. « Perspectives comparatistes », 2019.