"Il n’y a plus personne, pas même moi, puisque je ne peux me lever, qui aille visiter, le long de la rue du Repos, le petit cimetière juif où mon grand-père, suivant le rite qu’il n’avait jamais compris, allait tous les ans poser un caillou sur la tombe de ses parents." Souvent citée, cette phrase de Proust peut-elle donner le fin mot de son rapport au judaïsme ? "Si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive », rappelait Proust à Robert de Montesquiou durant l’affaire Dreyfus : née Jeanne Weil, Madame Proust, ne s’était pas convertie. Faut-il induire de telles déclarations la manifestation d'une distance prise avec le judaïsme, voire l'expression d'une honte de soi comme Juif, et soupçonner d’antisémitisme les descriptions de Swann, Bloch ou Rachel dans la Recherche ? Dans Proust du côté juif (Gallimard), Antoine Compagnon mène "une enquête de deux côtés". D’une part dans la communauté juive : comment Proust fut-il lu durant les années 1920 et 1930, dans la presse consistoriale, qui n’avait que faire de son roman, et par les jeunes sionistes, qui firent de lui un héros de la "Renaissance juive" ? D’autre part au Père-Lachaise, dans le caveau de Baruch Weil, l’arrière-grand-père de Proust, et auprès de sa descendance, dont Nathé Weil, le grand-père de Proust, et de nombreux oncles et tantes, cousins et cousines inconnus, huissier franc-maçon, colons en Algérie, ingénieur bibliophile, compositeur fou… Fabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…