La fluidité de ses vers, faits d’"un métal vierge et neuf" (Mallarmé), a renouvelé notre rapport à la poésie : ce que chaque poème de Verlaine nous dit du réel passe par la suggestion, la sensation, l’impression… Créateur de rythmes neufs et précurseur d’une prosodie assouplie, il a traversé toutes les étapes de la modernité. D’expérimentation en expérimentation, il fut aussi l’un des principaux acteurs de la vie littéraire de son temps, mais non pas l'un des mieux reconnus. Une nouvelle édition de l'ensemble de ses œuvres paraît ces jours-ci en deux volumes dans la "Bibliothèque de la Pléiade", sous la supervision d'Olivier Bivort. Pour la première fois, elle ne sépare pas volumes de vers et ouvrages en prose, pour suivre l’évolution dans une perspective chronologique, en plaçant côte à côte des textes que la tradition éditoriale maintenait séparés quand elle ne les ignorait pas. Lire les Poèmes saturniens (1866) à la lumière de l’article de 1865 sur Baudelaire par exemple, c’est redécouvrir l'un comme l'autre. Considérer l’évolution des poétiques de Verlaine sous l’éclairage des conférences sur la poésie contemporaine données en 1892 et 1893, c’est aussi restaurer la cohérence de son parcours et lui rendre la place qui lui revient dans l’histoire littéraire.