Colloque organisé par Alexandre GEFEN (CNRS / UMR Thalim) et Frédérique LEICHTER-FLACK (Sciences Po / CHSP)
Paris, Sciences Po. 56 rue Jacob, 75006
Importée depuis le vocabulaire musical par Mikhail Bakhtine, la notion de polyphonie définit l’ambition du roman moderne à faire entendre les consciences caractérisées et individualisées de ses personnages. Marqueur de l’avènement de l’individualisme moderne et d’un pluralisme que l’on peut considérer comme une forme de démocratie du roman, la polyphonie a connu des formes accusées faisant entendre des regards divergents sur un même événement. Le roman choral contemporain à plusieurs narrateurs en est l’héritier moderne tout autant que les écritures polypho- niques semi-fictionnelles ou non-fictionnelles. La non-fiction polyphonique a connu avec le prix Nobel de Svetlana Alexievitch une sorte de consé- cration, faisant des « livres de voix » un genre majeur du premier XXIe siècle. Les voix, vecteurs de l’individuel, y servent la quête d’un collectif, le lieu d’articulation problématique d’un nous où s’engendrerait une histoire commune riche de ses discordances.
Projet de renouvellement de l’historiographie comme du récit fictionnel et du reportage, les polyphonies ont été aussi pratiquées depuis la nouvelle histoire pour interroger et contester les formes traditionnelles d’autorité historienne, notamment au profit d’une épistémologie faisant cas des voix mineures et excentrées et interrogeant l’universalité du savoir historique. Il peut s’agir alors de mettre en lumière les problèmes inhérents à l’inter- prétation historique d’un événement en renonçant au récit unique et surplombant au profit de plusieurs narratifs successifs d’un même événement, correspondant aux points de vue des différentes communautés concernées ; ou encore de donner à entendre, à parts plus ou moins égales, le récit de l’historien et celui d’un acteur de l’histoire.
Ainsi, un modèle créé dans le laboratoire de la fiction romanesque semble s’être déplacé sur le terrain des sciences sociales pour inspirer des pratiques d’enquête et d’écriture dans la littérature de non-fiction contemporaine. Dans tous les cas, de telles architectures narratives portent des enjeux épistémologiques, herméneutiques et éthiques, que ce colloque entend explorer et discuter.
Ouvert au public sur inscription: https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfkt_KHpAdLWqDICI6RinIETkVLg1MKwaS2VvDWtSe0ej7NIg/viewform
Vendredi 1er octobre
Matin :
9h accueil
9h15-10h00 : conférence d’ouverture de Philippe Roussin (directeur
de recherche CNRS, Centre de Recherches sur les Arts et le Langage CNRS-EHESS), ‘polyphonie, voix et politique démocratique’
10h-10h30 : Sylvie Servoise (3L.AM, Le Mans-Université) ‘Reconnaissance, empowerment et processus de subjectivation : les enjeux démocratiques de la polyphonie narrative’
10h30-11h : Anna Krykun (Université de Tours),
‘L’utopie du Livre ou la construction d’un sujet politique collectif dans les récits choraux de mai 68’
Pause
11h30-12h : Maud Lecacheur (CERCC-ENS Lyon), ‘une archéologie du livre de voix’
12h-12h30 : Mathilde Roussigné (EHESS CRAL / Université Paris 8) ‘visions du monde et orchestration des voix’
12h30-13h : Mathilde Zbaeren (Université de Lausanne),
‘recueillir et confronter des voix inaudibles : délégation du témoignage et autorité du porte-parole’
Après-midi :
14h30-15h : Laurent Demanze (CERCC ENS Lyon)
‘Usages et fonctions du motif du choeur dans les collectes de voix’ 15h-15h30 : Aline Lebel (Centre de recherche en littérature et poétique comparées, Université Paris Nanterre),
‘Enjeux politiques et éthiques de l’usage des émotions dans la non-fic- tion polyphonique : la question de la compassion dans La Fin de l’homme rouge de Svetlana Alexievitch’
15h30-16h : Sam Racheboeuf (Université Grenoble Alpes / ENS Lyon) ‘Vies et voix oubliées - Arlette Farge et le parlement de l’histoire’ Pause
16h30-18h : les polyphonies historiennes.
Table ronde avec la participation de Vincent Azoulay (EHESS) ‘Athenes 403, un projet d’histoire chorale’), Pauline Peretz (Université Paris 8 Vincennes St Denis / Institut d’histoire du temps présent)
(‘sur qq écritures polyphoniques dans l’historiographie américaniste contemporaine’), Emmanuelle Loyer (CHSP) (‘les voix dansl’historiographie’) et Sabine Dullin (CHSP / sous réserve).
18h30 : discussion avec Jean Hatzfeld (sous réserve)
Samedi 2 octobre
Matin :
9h15-10h : ‘Romanciers pluralistes’ : entretien avec Vincent Message (Université Paris 8 Vincennes St Denis)
10h-10h30 : Olivia Scelo (Université Bordeaux Montaigne),
‘Démocratie des voix dans Daewoo de François Bon’
10h30-11h : Ruth Amar (University of Haifa) ‘Les voix (es) de Vernon Subutex : une esthétique de l’engagement de Virginie Despentes’ Pause
11h30-12h : Aurélie Adler (CERCLL Université Picardie Jules Verne) ‘L’âge de la première passe d’Arno Bertina : éthique d’un recueil de voix marginales en clair-obscur’
12h-12h30 : Delphine Delga-Leleu (CSLF EA1586 Université Paris Nan- terre) ‘patchwork de voix et restauration des valeurs démocratiques (Maylis de Kerangal, Arno Bertina, Sophie Divry)
12h30-13h : Valeria Gramignia (Università degli studi di Bari Aldo Moro), ‘Sons et voix dans l’écriture de Maylis de Kerangal’
Après-midi :
14h30-15h : Pauline Flepp (CELLF 19-21 / Labex Obvil Sorbonne Univer- sité) ‘La polyphonie dans l’œuvre d’Antoine Volodine : parler les lan- gues de l’ennemi ?’
15h-15h30 : Mahaut Rabaté (CIEF/CELLF Sorbonne Université), ‘Enjeux politiques des voix chez Assia Djebar et Mohamed Mbougar Sarr’ 15h30-16h : Alexandre Martin (Bordeaux Montaigne)
‘Expérimentation de la polyphonie animale : présences de Deleuze et Derrida dans Anima de Wajdi Mouawad. Réflexions critiques sur la por- tée éthique et politique de la littérature’
Pause
16h30-17h : Laetitia Deleuze (New York University / Aix Marseille Université) ‘Polyphonie et parole en partage dans quelques textes de Laurent Mauvignier’
17h-17h30 : Camille Thermes (Grenoble Alpes, Litt&Arts)
‘La démocratie des fantômes : représenter les absents dans la polypho- nie romanesque de fiction (Roberto Bolaño et Thomas Pynchon)’