Anniversaires
Was ist das: »Zeit«? Ich bin Kalenderforscher, nicht Physiker, antwortete der Mönch Andrej Bitow. Es sind die TRENNER zwischen den Zeiten, auf die es ankommt, also Jahreswechsel, Wechsel von Tag und Nacht, Abwechslung (zum Beispiel des Wetters), die Einteilung nach Stunden und Minuten (auch Sekunden, in denen einer sterben kann), nach Generationen und Lebensläufen: Zeit, sich zu fürchten; Zeit, zu lieben.
Sie meinen also, insistierte der Besucher, daß die Zeit keine obrigkeitlichen Eingriffe duldet? Sie ist autonom? Bitow antwortete: Wem gehört sie? Hierauf erwiderte der Biologe Dr. Siegmund Fritsche: Sie gehört den Zellen, allenfalls dem Planeten Erde selbst, nicht einmal dem Individuum. Hier enden, fährt er fort, die garantierten Freiheitsrechte.
Besonders gefährlich ist es, sagte Bitow, den 31. Dezember, den letzten Tag des Jahres also, zu manipulieren. Von Natur aus endet kein Jahr. Es sind 6000 Jahre Vorgeschichte notwendig, um den »Jahreswechsel«, einen Schnitt in der Zeit, zu bewirken. Ohne Religion geht das überhaupt nicht.
Alexander Kluge, Das fünfte Buch. Neue Lebensläufe, 402 Geschichten, Berlin, Suhrkamp Verlag, 2012, p. 260.
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Anniversaires
Cahiers d’Études Germaniques n° 83
Coordination scientifique :
Hélène Barrière (CRIT, Université de Franche-Comté), Susanne Böhmisch (ÉCHANGES, Aix-Marseille Université), Hilda Inderwildi (CREG, Université Toulouse Jean Jaurès), Nathalie Schnitzer (ÉCHANGES, Aix-Marseille Université), Katja Wimmer (CREG, Université Paul Valéry Montpellier 3), Ralf Zschachlitz (LCE, Université Lumière Lyon 2)
Créés en 1972, les Cahiers d’Études Germaniques fêteront en 2022 leur cinquante ans d’existence. Est prévu pour l’occasion un numéro spécial intitulé « Anniversaires ». Il se conçoit comme une variation thématique sur le genre du Festschrift en ce sens qu’il souhaite éviter l’éventuelle tentation hagiographique d’un volume entièrement dédié aux Cahiers d’Études Germaniques et à leur histoire.
Démarcations temporelles (Trenner) et repères chronologiques, les anniversaires scandent le rythme de la vie, tant privée que collective. Ils sont l’occasion de “faire famille ou communautéˮ et participent de la vie sociale dont anthropologues et sociologues, entre autres, disent qu’elle fonde la catégorie du temps. Généralement associés à la fête et à la convivialité, à des émotions et des événements positifs[1], les anniversaires peuvent aussi remémorer une circonstance douloureuse, l’absence ou la perte. Les psychologues en parlent comme d’un temps de l’ego et observent qu’ils conduisent, par-delà le narcissisme et le birthday blues, à des moments réflexifs, au retour sur soi, sur ses aspirations, ses réalisations et ses échecs. Ainsi les anniversaires s’inscrivent-ils toujours dans une démarche double, régressive et progressive à la fois.
Les anniversaires sont étroitement liés au cycle du souvenir, à une démarche généalogique – assumée ou pas – et à la chronique. Envisagés comme tels, ils recouvrent la période de ce que nous appelons le présent d’une vie, soit environ 90 ans, l’espace de trois générations. Mais les anniversaires sont également le moyen de singulières propulsions par l’intermédiaire de « ces choses du passé que l’avenir nous fait revivre, et qui sont constitutives de notre heureuse condition : les éons, la confiance originelle. [2] » Véritables machines à fantasmes, ils portent en eux le germe de potentiels récits mais également celui de contre-récits critiques, remplissant alors une fonction sociale ou politique. Dans cette perspective, l’historien Jean-Claude Schmitt utilise l’exemple des costumes que se fait confectionner au XVIe siècle Matthäus Schwarz à treize reprises lors de ses anniversaires[3] pour faire apparaître, derrière une histoire individuelle, la manière qu’a le premier capitalisme d’exposer sa réussite et de léguer à la postérité l’inventaire de son « patrimoine matériel et symbolique ».
Pour autant, les anniversaires, en particulier ceux du jour de naissance d’un individu commun, sont une invention récente apparue au XVIIe siècle dans les territoires protestants et au XXe siècle dans les pays catholiques qui, les considérant comme péchés d’orgueil, leur a longtemps préféré la fête du saint patron. Si les anniversaires (au sens de birthday et Geburtstag) représentent aujourd’hui la première forme de civilité des enfants et le sacre de l’individu, ils ont longtemps été éclipsés par d’autres types d’anniversaires (anniversary, Gedenktag) célébrant des personnages et des événements religieux ou publics.
Le rituel d’anniversaire, les vœux, les congratulations permettent d’envisager les anniversaires d’un point de vue linguistique. Qui a déjà adressé un « Joyeux anniversaire ! » à un proche avec quelques jours d’avance ou de retard sait que cet acte performatif est susceptible d’échouer lamentablement si les conditions d’énonciation ne sont pas réunies. Depuis les travaux fondateurs d’Austin[4] et de Searle[5], la théorie des actes de langage a certes rencontré un immense succès et connu de nombreux développements, mais le cas particulier de l’expression du vœu semble ne pas avoir beaucoup retenu l’attention des analystes, alors qu’il est d’un emploi très fréquent et « remplit des fonctions communicatives qui lui sont bien spécifiques et qui méritent d’être étudiées[6] ». Le vœu peut être défini linguistiquement comme « un énoncé exprimant le désir du locuteur qu’un état de choses positif se produise pour l’allocutaire »[7]. La « douceur verbale », l’expression des émotions positives, de la communication non-conflictuelle permettraient une approche originale à l’heure où l’on tend à privilégier l’étude d’interactions verbales hostiles. En mettant davantage l’accent sur la dimension positive de l’expressivité dans le cadre de la réflexion sur les anniversaires, il serait possible de se concentrer sur la description des discours visant à faire plaisir, à préserver la face de l’interlocuteur, à le valoriser, que ce soit à travers l’expression du vœu ou plus largement par le biais de tout discours empreint de politesse et de bienveillance – tout en gardant à l’esprit qu’une louable intention n’est pas toujours couronnée de succès.
Dans l’oscillation, entre l’individu et le collectif, l’intime et l’extime, entre les sphères privées et publiques, la thématique retenue pour le volume 83 des Cahiers d’Études Germaniques permettra des approches très diverses et pluridisciplinaires, relevant entre autres du champ des études linguistiques, littéraires ou culturelles, de l’histoire, de l’anthropologie, la sociologie, la philosophie et les arts. On pourra croiser les enquêtes biographiques et prosopographiques, les plans du micro et du macro. Les contributions s’articuleront aux axes suivants :
Anniversaires et rites, rituels d’anniversaire, mises en scène
Anniversaires, généalogie et chronique ; anniversaires et cycle du souvenir
Anniversaires et autobiographie, mémoire individuelle et collective
Anniversaires et mythe, temps vectoriel et temps cyclique
Anniversaire vs Geburtstag
Paradoxe de l’anniversaire, « syndrome d’anniversaire », faire famille vs secret de famille
Anniversaires et fantômes, anniversaires fantastiques
Birthday Blues, Birthday Stress
Anniversaires, décompte et chiffre
Anniversaires et genre
Anniversaires et vie culturelle ou politique
Anniversaires et société de consommation, anniversaires et révolution numérique
Anniversaires et fêtes, cadeaux d’anniversaire, dons et contre-dons
Âges biologiques, agendas socio-professionnels et « calendriers intimes »
Anniversaires de naissance, anniversaires de mort, anniversaires oubliés
Anniversaires, existence individuelle et existence publique
Anniversaires, ego et temps-émotion
Allégresse et jubilation
Différences culturelles dans les célébrations d’anniversaire
Anniversaires et « douceur verbale »
Idylles monstrueuses
Anniversaires, actes performatifs et vœux
Anniversaires et politiquement correct
Anniversaires et actes de langage expressifs
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Aires d’application : pays de langue allemande, domaine franco-allemand
Notre ouvrage souhaite se démarquer de textes traitant uniquement de « commémorations ».
Les Cahiers d’Études Germaniques, ou d’autres revues, pourront faire l’objet de contributions en lien avec des dates anniversaires. On favorisera alors la réflexion sur la place et l’historicité de ces revues dans le champ des Études germaniques et face aux défis de l’avenir.
Les propositions de contributions sont attendues pour le 23 août 2021.
Les textes retenus devront être livrés avant le 21 décembre 2021. Merci de prendre bonne note de ces délais contraints.
Contacts :
Susanne Böhmisch, susanne.bohmisch@univ-amu.fr
Hilda Inderwildi, hilda.inderwildi@univ-tlse2.fr
[1] Gary Nickell, Katie Pederson, Cassie Rossow, “The Birthdate effect: An Extension of the Mere Ownership Effect”. Psychological Reports, 92/1, 2003, p. 161-163.
[2] Alexander Kluge Chronique des sentiments, livre II (Inquiétance du temps), Vincent Pauval (dir.), Paris, P.O.L., 2018, p. 17.
[3] Jean-Claude Schmitt, « L’invention de l’anniversaire », in Annales. Histoires, Sciences Sociales, 2007/4, p. 793-835.
[4] John Langshaw Austin, How to do Things with Words, New York, Oxford University Press, 1962.
[5] John R. Searle, Speech Acts: an essay in the philosophy of language, London, Cambridge University Press, 1969.
[6] Stavroula Katsiki, Les actes de langage dans une perspective interculturelle : l’exemple du vœu en français et en grec, thèse sous la direction de Catherine Kerbrat-Orecchioni, Lyon 2, 2001, p. 85.
[7] Ibid., p. 57.