Atelier



Lecture contrauctoriale: résumés des interventions et des débats du séminaire "en résidence" organisé par l'équipe Fabula du 7 au 11 septembre 2009, à Carqueiranne (83), en partenariat avec le projet HERMÈS (Histoires et théories de l'interprétation), coordonné par Françoise Lavocat.

Lire contre l'auteur: résumés des communications et des débats


Théories de la lecture / Théories de l'auteur

  • "Pour une critique de l'émergence: la lecture à contre-fil", par Jean-Marie Grassin: Lecture a contre fil.

  • "Le désauteur", par Laurent Zimmermann: Desauteur.


Modes de lecture et d'interprétation

  • "La Fontaine à contre-courant ? Essai de désobéissance critique", par Arnaud Welfringer: Desobeissance critique.


Modes d'écriture


Communications annulées:


  • "Faire lire contre l'auteur", par Marie Degandt.

Comment faire passer d'une œuvre contraignante à une œuvre libre? Pour les romantiques, l'idéal de la démocratie politique moderne s'accompagne d'un changement de sensibilité: le lecteur veut être libre, et l'esthétique nouvelle réclame une nouvelle forme de distance entre l'auteur, son œuvre et le public. Cela impose aussi un changement dans la place occupée par l'auteur: loin de marquer la prégnance de l'auteur sur son œuvre, et son omniprésence, la poétique romantique inaugure l'ère de l'œuvre grâce à l'effacement de l'autorité auctoriale.

On prendra l'exemple de Stendhal, en partant de sa critique d'un auteur qui force son lecteur à l'adhésion et n'emporte que l'opposition (voir notamment son analyse du style contraignant de Rousseau et du style libérateur de Fénelon). Stendhal reprend la proposition d'A.W. Schlegel d'une œuvre dans laquelle l'auteur anticipe a contradiction que son lecteur pourrait lui porter et laisse flotter la perspective qu'il adopte pour libérer le pouvoir d'illusion de l'œuvre. Faire croire c'est ainsi déjouer un refus de crédulité que les romantiques attribuent à l'esprit moderne. Dans cette perspective, le roman moderne serait marqué par une ironie narrative qui vise à anticiper le refus de l'auteur.

Mais l'analyse de la pratique stendhalienne, nous permettra de montrer que cet effacement de l'auteur doit être relativisé.

Cet effacement repose sur l'omniprésence de figures de narrateur responsable, mises en scène comme des instances d'autorité sur le texte, figures raillées, à l'autorité déjouée, mais figures présentes. Ces figures de narrateur mi-ironique mi-ironisé sont destinées à leurrer le lecteur sur sa liberté, avec un succès dont témoigne l'histoire des lectures de Stendhal menées par des critiques cherchant à le prendre en défaut d' «erreur» et tombant dans des pièges d'interprétation naïve (on s'interrogera alors sur les différents degrés et moments d'opposition à l'auteur que met en œuvre la lecture).

L'effacement de la présence auctoriale libère l'autonomie de l'œuvre pour le lecteur, mais il cache en fait un pouvoir de contrainte supérieur. Croire lire contre l'auteur, comme le pensent les critiques contemporains, de Booth à De Man (selon les diverses versions d'une critique qui pense s'affranchir de l'autorité), ce n'est alors que tomber dans l'ultime tour d'une réception prévue par le texte. En ce sens, une lecture qui se veut critique ne fait qu'obéir à l'œuvre, en la «parachevant», au terme d'une suite d'opérations contraintes initiées par le texte.

Dans cette hypothèse, il ne s'agit pas de revenir à l'intention de l'auteur, mais d'explorer la force contraignante à laquelle est soumise la lecture, celle du style.


  • "À la va comme je te prouste, ou “Marcel Proust” dans le discours critique", par Vincent Ferré.

Peut-on dire que « dans les beaux livres, tous les contresens qu'on fait sont beaux »? N'observe-t-on pas, dans le discours critique, certaines stratégies consistant à feindre de suivre un texte pas à pas et à proposer une réflexion sans a priori,pour en fait mener l'interprétation à un point déterminé à l'avance et qui ne s'embarrasse, en réalité, que fort peu du (pré)texte? Dans quelle mesure la perspective critique et méthodologique adoptée peut-elle entraîner, en toute connaissance de cause, une distorsion de l'œuvre plus grave qu'elle n'apparaît explicitement ? Le discours du critique est-il toujours dénué d'arrière-pensées, non seulement politiques et idéologiques, bien sûr, mais aussi institutionnelles ou ancrées dans un contexte très circonscrit, bien éloigné de l'œuvre? Certaines analyses, qui affectent de prendre à rebours des positions exprimées par l'auteur, ne font-elles pas, en fait, que le paraphraser sous couvert de le commenter ? Et pourquoi les lieux communs critiques sont-ils trop souvent repris d'un texte à l'autre, sans être discutés?

Il s'agira ici, à partir d'A la recherche du temps perdude réfléchir d'une part aux dérives qui amènent à faire dire ce que l'on veut à une œuvre sans toujours se soucier d'elle avant tout ; à prêter à l'auteur ce que ne dit pas le texte, à l'attaquer sur des positions qui ne sont pas les siennes, et toujours en subsumant sous le nom «Marcel Proust» ces énoncés qui sont ceux de la critique plus que les siens ; à examiner, d'autre part, les postulats qui, dévoyés, sous-tendent ces dérives(comme celui de la polysémie de l'œuvre, qui ne possède pas de sens figé); aux limites du commentateur, qui expliquent certaines erreurs. On réservera une place particulière, dans cette perspective, à une interrogation portant sur la démarche comparatiste.


  • "Contre les libertins: pratiques du soupçon herméneutique?", par Christine Noille.

Si tant est que l'intention d'auteur est une notion herméneutique, soupçonner l'auteur, lire contre et par-dessus la lettre, c'est en même temps produire une contre-interprétation qui soit aussi un démasquage et une dénonciation. La construction d'un sens second est toujours une lecture en appel, dans un espace lectorial tenté par le judiciaire. Tel est, emblématiquement, ce qui se noue autour du procès du poète Théophile de Viau, mené par le Jésuite Garasse. Contre la lettre et les déclarations d'intention de Théophile emprisonné - qui joue la carte de l'innocence -, s'accumulent les interprétations à charge de Garasse, le plus subtil et le plus entêté des contre-lecteurs de Théophile, à n'en pas douter. Pour étudier ce télescopage entre contre-intentionalité et surinterprétation exégétique, l'oeuvre monumentale (par son ampleur) du père Garasse nous servira alors de guide.


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Dernière mise à jour de cette page le 11 Novembre 2009 à 20h57.