Lecture contrauctoriale: "Autrement dit: la lecture comme allégorie", par Marielle Macé.
Séminaire "en résidence" organisé par l'équipe Fabula du 7 au 11 septembre 2009, à Carqueiranne (83), en partenariat avec le projet HERMÈS (Histoires et théories de l'interprétation).
(résumé et débat)
Les lectures du héros de La Recherche du temps perdu rendent exemplairement compte d'un aspect à la fois essentiel et énigmatique de la pratique des oeuvres littéraires, qui fait d'elle une opération figurale, et plus précisément une conduite allégorique :lectures appliquantes, dirigées vers le lecteur dans une indifférence volontaire à l'interprétation, elles servent une sorte d'allégorisation de soi-même, et supposent une altération réciproque, parfois violente,en tout cas précise, du lecteur et du lu. A partir du souvenir que Marcel a de Phèdre, du commentaire idiosyncrasique qu'il en fournit et qu'il compose longuement à la décision chaotique d'écrire ou de ne pas écrire une lettre à Albertine, je voudrais suivre cette dynamique figurale, cet "autrement dit"qui est sans doute la logique de toute lecture à partir du moment où on la conçoit comme une expérience réelle.
Débat sur l'intervention de Marielle Macé:
Marc Escola : Existe-t-il des textes non allégorisables ?
MM : plutôt non allégorisés, mais existe peut-être des uvres trop directement allégorisées.
Sophie Rabau : Peut-on parler dans ton optique d'une personnalité du lecteur ? Poser une individualité du lecteur irréductible n'est-ce pas là qu'est la lecture contrauctoriale ?
MM : tous les deux peuvent être des individus sans transfert de l'un sur l'autre.
Sophie Rabau : L'usage est-il autant que tu le marques séparé de l'interprétation : l'interprétation n'est-elle pas forcément un usage, mais un usage caché, non visible ?
MM : On peut admettre que le croisement est possible.
SR : Quand l'usage fait retour dans le « communicationnel », cela peut peut-être provoquer une lecture contrauctoriale ? La lecture existentielle, en d'autres termes, est-elle la seule concernée par l'usage ?
Oana Painate : Alexis Tadié, à propos des Versets sataniques, conclut qu'il n'y pas de règles de lectures pour dire si l'auteur est blasphématoire, et conclut qu'il n'y a que des sujets.
MM : mais c'est un mélange de l'expérience de lecture et de la lecture savante.
Jean-Marie Grassin : La définition de l'archive de Foucault a-t-elle un rapport avec votre propos ? : archives des choses qui sont en train de dire, de se transformer. Lecture comme lieu de transformation des énoncés.
MM : Oui.
S.R.: Deux remarques :
Parfois l'interpolation dans les textes antiques peut marquer une réaction d'usage (attaque contre Euripide, par exemple « Méchant Euripide » : note en marge passée dans le texte).
Quant à l'agacement de Proust sur les « scrupules jansénistes », n'est-ce pas là une attaque contre l'histoire littéraire de son temps, c'est-à-dire contre l'interprétation savante du texte qui s'oppose à son usage ?
Une question : cette théorie de la lecture a-t-elle selon toi un intérêt pédagogique ?
MM : Elle en a un s'il s'agit de la décrire, si elle est considérée comme un objet de savoir, mais n'en a pas comme méthode.
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