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When Dreams Come True : rêve et cauchemar dans les fictions de l'imaginaire (Nancy)

When Dreams Come True : rêve et cauchemar dans les fictions de l'imaginaire (Nancy)

When Dreams Come True :

Rêve et cauchemar dans les fictions de l’imaginaire

Colloque du CERLI en partenariat avec le laboratoire LIS de l’Université de Lorraine

Direction : Christian Chelebourg

Faculté des Lettres de Nancy, 26-27 mars 2020

 

Figuration de l’idéal ou réservoir des angoisses (Terramorsi, 2005), l’onirisme a toujours été un sujet de prédilection pour les littératures de l’imaginaire (Bonnot & Frémont, 2015). Il s’est maintes fois trouvé enrôlé dans les débats autour des genres fantastique et merveilleux (Todorov, 1970). D’Horace au gothique puis au surréalisme, il s’est retrouvé au cœur de vives batailles esthétiques (Cheymol, 1994). L’oniromancie en a fait un message (Grunebaum, 1967) ; la psychanalyse, un langage (Lacan, 1975). La fiction, volontiers, se fait forte de le réaliser. Mais à quoi le rêve nous fait-il encore rêver ? Telle est la problématique au centre de ce colloque, qui s’intéressera à l’ensemble des supports médiatiques des littératures de l’imaginaire. Pour la traiter, trois axes de réflexion seront privilégiés.

1. Le rêve concret

De Brazil (1985) à Inception (2010) en passant par Rêves (1990) d’Akira Kurosawa ou bien Ouvre les Yeux (1997) de Alejandro Amenábar, la représentation du rêve interroge la superposition et les échanges entre différents plans de réalité et de perception. Mulholland Drive (2001) et plus près de nous Joker (2019) jouent sur la porosité de la frontière entre monde de référence et univers onirique ou fantasmé. Serait-elle en train de s’effondrer ? Faut-il voir dans la conjonction contemporaine de rêveries sur la matérialisation des rêves et du perfectionnement technologique de la réalité virtuelle l’empreinte d’un ébranlement du réel qui confirme les théories postmodernistes sur le basculement dans une culture du simulacre (Baudrillard, 1981) ? Une série comme Beyond (2017-2018) d’Adam Nussdorf pour Freeform va jusqu’à imaginer une résolution eschatologique des oppositions entre le vrai et le faux, l’objectif et le subjectif, le mental et le physique, sur lesquelles reposent la philosophie occidentale et la foi chrétienne. Si l’au-delà était en nous ? Si l’espace des rêves était la nouvelle frontière d’une humanité en quête de dépassement ?

La réflexion est d’autant plus d’actualité que la science-fiction n’est plus seule à imaginer la possibilité d’une objectivation des visions oniriques. Les progrès en matière d’imagerie cérébrale ont en effet conduit les chercheurs de l’Institut Max-Planck de Berlin à envisager la possibilité d’un enregistrement des rêves (Ca., 2011). La porte semble donc ouverte à la visualisation effective de leur contenu, par conséquent à leur enregistrement et à leur partage.

2. Le rêve hétérotopique

Le rêve, comme toutes les manifestations attribuées au surnaturel, est cosmogonique (Chelebourg, 2006) ; imaginer sa concrétisation dans l’espace et dans le temps revient à le changer en hétérotopie (Foucault, 1994), donc à lui attribuer une fonction par rapport aux espaces sociaux réels. Les parcs d’attractions Disney, qui s’offrent de faire du rêve une réalité, en sont une parfaite illustration dont l’expérience Dismaland de Banksy (2015) a mis en avant l’ambivalence. Le caractère factice et uniformisé de l’expérience n’a pas manqué d’être maintes fois dénoncé, il n’en reste pas moins que, jusque dans son marketing elle est révélatrice d’une aspiration du grand public à l’immersion dans l’onirisme. Or, la prise de conscience que Disneyland, loin de n’être qu’un leurre, assimile notre réalité à la caverne platonicienne (Steeves, 2000), amène à questionner la nature de la vérité recherchée dans la volonté d’en sortir. Qu’est-ce que les rêveries fictionnelles sur le rêve ou le cauchemar, particulièrement sur leur matérialisation, nous disent de la réalité référentielle qu’ils prolongent ? Sont-elles essentiellement escapistes ou contribuent-elles à une introspection et, dans ce cas, quel sens faut-il donner au partage ?

La logique des genres fictionnels – SF, horreur, fantasy, féerie, etc. – apparaît indissociable de la sémantique des espaces rêvés. Le rêve est historiquement un thème transversal, puisqu’il participe aussi bien du merveilleux que de l’épouvante par le biais du cauchemar, et flirte même volontiers avec l’érotisme. Comment la thématique s’inscrit-elle dans un paysage contemporain en recomposition, où le brouillage des codes le dispute au recyclage des schémas éprouvés (Gelder, 2016) ?

3. Poétique du rêve

On connaît le fameux paradoxe de Tchoang-Tseu, qui ne pouvait dire, au réveil, s’il était un papillon se rêvant philosophe ou un philosophe s’imaginant papillon. L’ambivalence ontologique qu’il pointait ainsi du doigt n’est pas l’apanage du rêve. Si l’on veut bien en cerner la poétique et les enjeux, il convient de rapprocher les espaces oniriques d’autres hétéropies virtuelles ou fictionnelles, et d’examiner de quelle manière elles s’articulent à la réalité. Storybrooke dans la série Once Upon a Time (2011-2018) ou la matrice dans la trilogie des Wachowski (1999-2003) offrent, par exemple, des modèles de combinaison ou de substitution qui suggèrent une analogie de l’articulation des espaces avec la distribution du langage sur les deux axes syntagmatique et paradigmatique. Les rêves obéissent-ils à une grammaire du même type ? Et leur rôle est-il indexé sur le choix de l’une ou l’autre situation ?

Existe-t-il des indices objectifs permettant de trancher le dilemme, de s’assurer que l’on est soit dans un rêve, soit dans la réalité ? Cela pourra être observé aussi bien au niveau d’une œuvre donnée, autrement dit de la cohérence de son scénario – et l’on a vu que certains brouillent délibérément les pistes – qu’à l’échelle de la poétique onirique dégagée d’un corpus panoramique. Une attention particulière pourra être portée aux procédés visuels, qu’ils soient graphiques ou filmiques. On songe notamment à l’utilisation des effets spéciaux dans la conception des espaces : quels types d’altérations sont privilégiés, quels éclairages, quels registres sonores, etc. ? On sait depuis Bachelard que l’imagination matérielle déforme les images forgées par la perception sensible (Bachelard, 1942) ; cerner les dynamiques à l’œuvre dans cette opération, c’est donc cerner l’imaginaire du rêve.

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Les communications seront de 20 minutes, immédiatement suivies de 10 minutes de discussion. Les propositions (titre et synopsis de 5 à 10 lignes) sont à adresser à Christian Chelebourg (chelebourg@gmail.com) avant le 31 janvier 2020.

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BIBLIOGRAPHIE

Bachelard Gaston, L’Eau et les rêves : Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, 1942.

Baudrillard Jean, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981.

Bonnot Marie, Frémont Émilie, Otrante, no 37, Rêve et fantastique, Paris, Kimé, 2015.

Ca. S., « Le Contenu des rêves accessible à l’imagerie cérébrale », Le Monde, “Planète”, 27/10/2011.

Chelebourg Christian, Le Surnaturel : Poétique et imaginaire, Paris, Armand Colin, « U », 2006.

Cheymol Pierre, Les Empires du rêve, Paris, José Corti, 1994.

Foucault Michel, « Des Espaces autres », p. 752-762, in Dits et écrits, Paris, Gallimard, « NRF », 1994.

Gelder Ken (ed.), New Directions in Popular Fiction : Genre, Distribution, Reproduction, London, Palgrave Macmillan, 2016.

Grunebaum Gustave Edmund Von, Le Rêve et les sociétés humaines, Roger Caillois (trad.), Paris, Gallimard, « NRF », 1967.

Lacan Jacques, Le Séminaire, livre XX : Encore (1972-1973), Jacques-Alain Miller (ed.), Paris, Seuil, 1975.

Steeves H. Peter, « A Phenomenologist in the Magic Kingdom », p. 163-186, in Michael T. Carroll, Eddie Tafoya (ed.), Phenomenological Approaches to Popular Culture, Bowling Green State University Popular Press, 2000.

Terramorsi Bernard (ed.), Le Cauchemar, Paris, Le Publieur, « Bibliothèque Universitaire Francophone », 2005.

Todorov Tzvetan, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970.