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Vêtements : corps, tissus, fils et espaces dans les arts scéniques et visuels (Valenciennes)

Vêtements : corps, tissus, fils et espaces dans les arts scéniques et visuels (Valenciennes)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Anne Lempicki)

Journée d’étude

Vêtements : corps, tissus, fils et espaces dans les arts scéniques et visuels

Valenciennes, 9 Avril 2020

 

Organisée par Anne Lempicki, Doctorante en Arts-Arts du spectacle et Amandine Mercier, Docteure en Arts-Arts du spectacle, Composante de recherche De Scripto, Université Polytechnique des Hauts-de-France, Valenciennes, École doctorale, SHS- Sciences de l’Homme et de la Société (ED 473)

 

D’un point de vue anthropologique et historique, le vêtement a subi diverses évolutions. Il est un des marqueurs des caractères sociaux et sexuels, et permet d’identifier les degrés de pudeur de différents groupes sociaux et ethniques aux quatre coins du monde. Il régit l’appartenance ou l’exclusion de chacun à un groupe. « Y a-t-il un code plus rigoureux et plus rituel que celui du vêtement ? Il classe, il distingue, il hiérarchise, il garantit les contrats secrets du groupe. Il maintient les distinctions sociales, les statuts culturels et les distances entre classes. On ne peut briser ce code ou porter atteinte à la pudeur sociale sans porter atteinte à un ordre établi[1] » écrit Michel de Certeau.

Dans le champ des arts de la scène, la recherche envisage la question du costume selon des typologies de personnages (stéréotypes), des usages sociaux à visée politique ou comique, une évolution des mœurs (habits de ville contre habits de scène), sa patrimonialisation, sa muséification. Citons par exemple le colloque « L’habit de théâtre et son double : us et usages du costume de scène », org. par Anne Verdier et Olivier Goetz, Université Nancy 2, 7-10 mars 2006 ; le colloque « Le costume de scène, objet de recherche », CNCS, org. par Anne Verdier, 20-22 mars 2013 ; ou le colloque « Le costume sur un plateau », Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle, org. par Muriel Delamotte, Myriam Fouillet, Kira Kitsopanidou, Catherine Treilhou-Balaudé, 12-13 mars 2019. La mode et la sociologie de la mode portent des réflexions sur le contexte culturel, les groupes et facteurs sociaux, leur historicité.

Que disent ces matériaux utilisés par les artistes du spectacle vivant et des arts visuels sur notre époque, sur leur relation au(x) corps, aux espaces ? C’est ce que cette journée d’étude se propose d’étudier en invitant ses participants à réfléchir conjointement aux problématiques dégagées.  

Ainsi plusieurs axes pourront être envisagés :

1 - De fil en aiguille : mémoires, identités, friperie artistique et scénique

Envisagé en deux temps, cet axe sera consacré à l’analyse des matériaux comme supports des mémoires ou comme éléments constitutifs d’une identité.

a) Mémoires et identités

Nous aurons à cœur d’interroger l’aspect de la mémoire individuelle ou collective dont ces matériaux sont empreints. Nous pensons particulièrement au travail de l’artiste Christian Boltanski à l’occasion de la Monumenta 2010 au Grand Palais dans son installation Personnes ou encore aux créations de Nadia Prete (Portrait de ma garde-robe, 2018), qui proposent des témoignages ayant trait au passé et à l’oubli pour l’un, et à un présent en devenir pour l’autre.

b) Friperie artistique et scénique

Les œuvres sont-elles devenues des « recycleries », permettant aux artistes de re-donner vie et fonction à des vêtements initialement délaissés et jetés ? Les processus de création de glanage, bricolage et détournement pourront ainsi être mis en relation à une vision du monde contemporain. Le travail du plasticien Michel Nedjar et ses « chairdâmes » réalisées à partir de « shmattès »  s’inscrit pleinement dans cette démarche. Dans le spectacle tauberbach (2014) du metteur en scène belge Alain Platel, les danseurs et la comédienne parcourent le sol d’une décharge jonchée de vêtements éparpillés, qu’ils portent, enlèvent, jettent, comme autant de bouts de mémoires piétinés, afin, semble-t-il, de s’en charger et d’explorer différentes figures.

2 - Dévêtir et dénuder : cacher/montrer, obscénité et transgression

Le dévêtement, objet trouble et troublant, crée un problème de signes et de sens, de catégorisation et de perception. Au-delà de la pudeur et de la décence, il s’agit également de franchir la barrière-peau pour dévoiler l’intériorité du corps et la question du visible et de l’invisible, de l’ob-scène et de la transgression. Le contraste peau/tissu, rendant perceptible le « moi-peau » défini par Didier Anzieu, jouera de ces troubles.

Les créations scéniques, plastiques et performatives ne manquent pas sur le sujet, que l’on pense au spectacle du chorégraphe Alban Richard As far as… (2007), dans lequel, comme à rebours, les danseurs, au lieu de se déshabiller, couvrent petit à petit leurs corps nus de la première séquence au fur et à mesure de leurs entrées sur le plateau. Dans Tannhaüser (2017) de Romeo Castellucci, la nudité est une seconde peau et un tissu sur-cutané du corps, coulant ou s’enfilant par les chanteurs, tel un costume. La nudité-costume se fait donc épiderme de la nudité première du corps et en rend une nouvelle visible, mais fausse.

Nous pourrons également envisager la question du strip-tease pour les questions multiples qu’il soulève.

3 - Re-vêtement plastique, artistique et scénique :  

Dans cet axe, les usages du vêtement, du tissu ou du fil comme objets ou espaces décoratifs et scénographiques seront questionnés. Nous serons attentifs aux créations dans lesquelles ces matériaux prennent une dimension particulière, minimale ou gigantesque, devenant espace, scénographie, dispositif. Tapissant, parsemant, utilisés aléatoirement ou scrupuleusement tissés, ces matériaux ne redéfinissent-ils pas les dispositifs, leurs enjeux et leurs réceptions. ? Pourront y répondre des approches théoriques et pratiques.

Dans Floor of the Forest de la chorégraphe Trisha Brown (1970), les vêtements tendus sur une grille, à travers lesquels deux danseurs s’habillent et se déshabillent, contraignent les corps à s’habiller de manière horizontale, et non verticale comme à l’ordinaire. Entre installation, sculpture et danse, c’est ici le vêtement qui porte les corps, suspendus au-dessus du sol. Dans L’œuvre plastique de l’artiste japonaise Chiharu Shiota, comme dans Internal Line (2019), mêlant travail du fil tissé, corps et monumentalité, interroge l’espace de l’imaginaire, comme débordant hors de soi, et hors du vêtement identifiable dans ces multiples fils. 

4 - Le texte-ile, fils et tissus dramaturgiques

L’enjeu de cette thématique est double. D’abord, elle permet de confronter les points de vue dramaturgiques d’une œuvre pensée ou créée à partir du motif du vêtement, de l’habillement ou de la nudité.

Ensuite, il s’agit d’envisager le texte comme tissu et ainsi de renouer avec l’étymologie première du terme « texte », selon qu’il tisse ou défile l’œuvre. Cet aspect permettra de révéler le sous-vêtement dramaturgique, d’en tirer le fil poïétique mais aussi de questionner son absence au plateau. Nous pensons aux pièces de Jean-Michel Rabeaux, Déshabillages (comédie mortelle) (2003), de Thibault Fayner, Les Cravates (2007) ou d’Ouriel Zohar, Le Vêtement Invisible (2015) qui utilisent le prétexte du vêtement pour tisser une écriture du corps et des codes. Dans  The generosity of Dorcas (2018) de Jan Fabre ou Pull over (fable visuelle) (2017) d’Ombline De Benque, Katia Petrowick et Marie Sinnae, le fil et le vêtement sont des motifs pour coudre, découdre et recoudre le corps et l’œuvre elle-même.

Les communications concerneront le champ des arts de la scène (théâtre, danse, opéra, cirque…) et/ou les arts visuels contemporains (sculpture, installation, vidéo, performance…) et pourront être : des études de cas, des enquêtes monographiques ou confrontant plusieurs objets, des témoignages d’artiste, des retours d’expérience, des installations performées, etc. sans restriction méthodologique.

Le but de cette journée d’étude est de confronter points de vue et méthodologies, approches pratiques et artistiques, mais aussi d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche sur le sujet.

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Les propositions de communication (1500 signes, espaces compris) comporteront un titre, un résumé, des mots-clés ainsi qu’une brève bio-bibliographie. Elles préciseront l’axe ou les axes choisi.s. Elles seront à adresser à Anne Lempicki (anne.lempicki@gmail.com) et Amandine Mercier (mercier.amandine3@gmail.com) au format Word et PDF, avant le 27 février 2020.

Réponse aux auteurs : le 15 mars.

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Bibliographie non exhaustive :

- Barthe-Deloisy, Francine, Géographie de la nudité : être nu quelque part, Paris, Bréal, 2003

- Barthes, Roland, Système de la mode, Paris, Seuil, 1967

- Borel, France, Le Vêtement incarné. Les métamorphoses du corps, Paris, Calmann-Lévy, 1992

- Boucris, Luc, Freydefont, Marcel (dir.), Qu’est-ce que la scénographie ? Pratiques et enseignements, vol. II, Études théâtrales, n°54-55, Paris, L’Harmattan, 2012

- Faivre, Daniel (dir.), Tissu, voile et vêtement, Paris, L’Harmattan, coll. « Religions et spiritualités », 2007

- Lahuerta, Claire (dir.), L'œuvre en scène ou ce que l'art doit à la scénographie, Pau, Presses Universitaires de Pau et Pays de l'Adour, coll. "Figures de l'art", 18, 2010

- Lesage, David, Lemaire, Véronique, Qu’est-ce que la scénographie ? Processus et paroles de scénographes, vol. I, Études théâtrales, n°53, Paris, L’Harmattan, 2012

- Monneyron, Frédéric (dir.), Le Vêtement, actes du colloque de Cerisy, été 1998, Paris, L’Harmattan, coll. « Sciences humaines », 2001

- Vigarello, Georges, Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours, Paris, Seuil, 2002

 

[1] CERTEAU, Michel de, La Culture au pluriel, Seuil, col. Points, 1993 [1974], p. 39.