Essai
Nouvelle parution
V. Colonna, Autofiction et autres mythomanies littéraires.

V. Colonna, Autofiction et autres mythomanies littéraires.

Publié le par Marc Escola (Source : Livre reçu)


Vincent Colonna, Autofiction et autres mythomanies littéraires, Paris, Tristram, 2004, 252 p. 21 Euros.

Il y a plusieurs façons de traverser la littérature, un voyage toujours riche en surprises. ici, on chemine sur la piste de " l'affabulation de soi " qui semble attachée à la fiction comme son secret et son désir le plus inavoué. Chemin faisant, il apparaît qu'au 11, siècle après J.C., à l'époque où naît le genre du roman, un écrivain nommé Lucien de Samosate invente les premières formes d'autofabulations, qui donneront naissance à d'éminentes traditions littéraires :

une tradition fantastique, où l'écrivain se travestit en chaman pour s'aventurer ~ de Dante à Borges, en passant par Cyrano de Bergerac - au-delà des limites humaines,

une tradition spéculaire, qui multiplie les jeux de miroirs et les clins d'oeil, comme l'ont pratiquée Rabelais, Cervantès ou Italo Calvino,

une tradition biographique qui donnera sous l'impulsion de Rousseau et de La Nouvelle Héloïse le roman autobiographique, genre disqualifié de Flaubert à Maurice Blanchot, puis remis au goût du jour sous le nom d'autofiction, à l'heure de l'exposition publique de l'intimité et de la télé réalité,

sans compter une forme intrusive, qui surgit avec le roman moderne et les interventions d'auteur d'un Scarron, d'un Nabokov, plus récemment d'un J. M. Coetzee. La recherche de la gloire aussi vieille que la littérature et le mécanisme de la création ont convergé pour constituer la " fabulation de soi " en tentation permanente pour la fiction. Inquiet de ce lien, Platon l'avait dénoncé en son temps. Mais de Pétrarque à Céline, Gombrowicz, Philip Roth ou même Michel Leiris, les écrivains l'ont recherché et cultivé, à travers ces traditions dont on a négligé la profonde complicité.

La généalogie de cet art de la mythomanie littéraire, né dans l'Antiquité et remis en lumière de manière partielle et ambiguë avec l'autofiction, restait à entreprendre. Ne pressens-tu pas, lecteur, que la puissance de la fiction recèle encore des émotions inédites ? Que cet art universel n'a pas donné tous ses fruits ?

VINCENT COLONNA, né en 1958, a publié chez Tristram un récit et un roman remarqués, Yamaha d'Alger (1999) et Ma vie transformiste (2001). Dans une autre existence, élève à l'EHESS, il a été un des pionniers de la découverte de l'autofiction, bien avant la fortune littéraire et commerciale du pseudo-genre littéraire qui en a découlé.

Dans Acta fabula,, Vincent Colonna a donné plusieurs comptes rendus sur des livres relatifs aux " fictions de soi " :

o " L'invention de soi dans la littérature européenne (1900-1950) "
http://www.fabula.org/revue/cr/452.php
sur : Laurent Mattiussi, Fictions de l'ipséité, Essai sur l'invention narrative de soi,
(Beckett, Hesse, Kafka, Musil, Proust, Woolf),
Genève, Droz, 2002.

o " Défense et illustration du roman autobiographique "
http://www.fabula.org/revue/cr/468.php
sur : Philippe Gasparini, Est-il Je ? Roman autobiographique et autofiction, Paris, Le Seuil, coll. " Poétique ", 2004.