Édition
Nouvelle parution
Tocqueville, Quinze jours au désert suivi de Course au lac Oneida

Tocqueville, Quinze jours au désert suivi de Course au lac Oneida

Publié le par Marc Escola

Quinze jours au désert - Suivi de Course au lac Oneida
Alexis de Tocqueville

Claude Corbo (Préfacier)

Paru le : 13/01/2011
Editeur : Passager Clandestin
Collection : Les transparents
ISBN : 978-2-916952-41-3
EAN : 9782916952413
Nb. de pages : 110 pages

Prix éditeur : 16,00€


" Nous nous demandions par quelle singulière loi de la destinée, nous, qui avions pu marcher dans des déserts de fabrique humaine, nous, enfants d'un vieux peuples, nous étions conduits à assister à l'une des scènes du monde primitif, et à voir le berceau encore vide d'une grande nation.

Dans peu d'années ces forêts impénétrables seront tombées, le bruit de la civilisations et de l'industrie rompra le silence de la Saginaw. Son écho se taira. Des quais emprisonneront ses rives? Cinquante lieues séparent encore cette solitude des grands établissements européens ; et nous sommes peut-être les derniers voyageurs auxquels il ait été donné de la contempler dans sa primitive splendeur. Tant est grande l'impulsion qui entraîne la race blanche vers la conquête entière du Nouveau Monde ". — Alexis de Tocqueville

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On peut lire sur le site BibliObs.com un billet de David Caviglioli sur cette édition:

Le penseur de la démocratie américaine était allé à la rencontre des Indiens. Il en a rapporté un formidable reportage.

«Je ne crois pas avoir éprouvé de désappointement plus complet qu'à la vue de ces Indiens», écrit Alexis de Tocqueville à propos des premiers natifs qu'il rencontre. Ils ont des voix aiguës, des membres grêles, des cheveux luisants et des bouches «démesurément grandes». Ils boivent. «Nous avions devant nous, et c'est pitié de le dire, les derniers restes de cette célèbre confédération des Iroquois.»

Arrivé aux Etats-Unis en 1831, le jeune magistrat laisse vite de côté l'étude de la démocratie américaine. Il est enivré de Fenimore Cooper. Il assiste à l'Independance Day comme on supporte le bénédicité chez une cousine bigote, puis s'engage vers l'Ouest avec l'obsession de rencontrer la vertu sauvage. Il passe deux semaines dans le désert des pionniers et des indigènes à plumes. Dans le délicieux récit qu'il en fait, on voit le gentilhomme se faire escroquer par des marchands comme un vulgaire Indien, sautiller pour éviter les serpents, pester contre les moustiques, les pires ennemis des aventuriers douillets.

«Quinze Jours au désert» est bien plus qu'un brouillon des chapitres consacrés à l'anéantissement des cultures indiennes dans «De la démocratie en Amérique». Tocqueville y fait preuve d'intuitions incroyablement contemporaines. Au milieu de pages magnifiques sur ces paysages qui semblent empruntés «à l'imagination malade d'un fiévreux», et qu'il se hâte d'admirer avant une destruction annoncée, il est pris d'un «amer regret du pouvoir que Dieu [nous] a accordé sur la nature».

La compagnie des Indiens lui fait mépriser le langage des Blancs, qui permet la duperie marchande mais échoue à exprimer «les plus naturelles émotions du coeur». Sur ce continent où le raffinement de l'Europe côtoie le rustique amérindien, Tocqueville espérait «trouver encadrée l'histoire de l'humanité tout entière [...] depuis l'opulent patricien des villes jusqu'au sauvage du désert».

Il admet son erreur. Plus d'un siècle avant Lévi-Strauss, il comprend que les peuples ne se disposent pas sur les barreaux d'une même échelle. L'incapacité tragique des Indiens à s'acclimater au mode de vie américain le convainc que, même face aux lois et aux coutumes changeantes, «quelque chose d'inflexible apparaît au milieu de la flexibilité humaine». Croyez-en cet aristocrate en visite chez les pionniers du Nouveau Monde: nous serons tous, un jour où l'autre, des Iroquois voués à la disparition. — David Caviglioli