Questions de société
Sur le classement AERES des revues scientifiques en littérature française et comparée

Sur le classement AERES des revues scientifiques en littérature française et comparée

Publié le par Marielle Macé (Source : William Marx)

Pierre Glaudes et William Marx,

délégués scientifiques auprès de l'AERES

 

"Sur le classement AERES des revues scientifiques en littérature française et comparée"

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Depuis juin 2008, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) a engagé une réflexion sur l'opportunité de constituer des listes de revues scientifiques dans les sciences humaines et sociales. Dans les sciences exactes, de telles listes, reconnues internationalement, existent depuis longtemps déjà : elles signalent en particulier les revues de référence (dites A) d'une discipline donnée. Pour diverses raisons, dont la multitude des disciplines, le cloisonnement national et la diversité des langues d'expression, ces listes sont plus rares en sciences humaines et sociales. Pour autant, elles ne sont pas complètement absentes du paysage. La Fondation européenne pour la science (ESF : European Science Foundation) a commencé, voici plusieurs mois, à publier des listes et un classement de revues dans toutes les disciplines des sciences humaines et sociales, y compris la littérature : l'Index européen de référence pour les humanités (ERIH : European Reference Index for the Humanities).

En littérature, des listes validées par l'AERES et périodiquement révisées selon une procédure transparente présenteraient plusieurs avantages :

– elles rendraient compte de façon plus pertinente de l'importance et de la qualité de publications, en langues romanes notamment, mal classées ou, comme c'est souvent le cas, oubliées par l'ERIH ;

– elles aideraient les meilleures revues, signalées comme telles, à se promouvoir de manière efficace auprès des instances universitaires et des autres institutions auxquelles elles ont affaire ;

– elles fourniraient à nos disciplines et, plus généralement, aux sciences humaines et sociales les moyens de se défendre à armes égales avec les sciences exactes ;

– elles donneraient aux experts de l'AERES un outil de référence objectif pour le comptage des « publiants » à l'intérieur des unités de recherche – comptage demandé et pratiqué depuis de nombreuses années par le ministère, et où interviennent aussi, selon différentes modalités, les ouvrages scientifiques, les éditions critiques et les chapitres d'ouvrages.

Toutefois, un certain nombre d'arguments ont pu être avancés contre l'établissement et l'utilisation de telles listes :

– elles figeraient le paysage des revues, en ne donnant pas assez leur chance aux publications nouvelles ou modestes ;

– elles ne rendraient pas compte des variations qualitatives entre articles au sein d'une même revue ;

– elles stigmatiseraient inutilement les revues mal classées ;

– elles risqueraient de faire entrer dans l'engrenage d'une évaluation purement bibliométrique et quantitative de la recherche en sciences humaines et sociales, malgré les intentions de l'AERES, laquelle est parfaitement consciente des effets pervers qu'entraînerait une telle évaluation, notamment dans les sciences humaines et sociales (d'autres critères, de type qualitatif, sont pris en compte dans l'évaluation des unités de recherche, et le seront de plus en plus).

Persuadée de l'importance de ces enjeux et de la complexité du débat, qui n'a rien de manichéen, l'AERES a donc engagé une consultation des différentes communautés scientifiques dans les disciplines concernées, afin de parvenir à un classement. En littérature française et en littérature comparée, une commission, composée de représentants élus du Conseil national des universités (9e et 10e sections) et du Comité national de la recherche scientifique (35e section), de présidents de sociétés savantes et des présidents des comités d'évaluation AERES de l'année écoulée, a été réunie deux fois par les délégués scientifiques de la discipline, en juin et en septembre.

Au terme de ces deux réunions, où ont été pesés les avantages et les inconvénients d'une liste et d'un classement des revues scientifiques en littérature, il a été décidé, en l'état actuel de la réflexion et en l'absence d'un consensus, que l'AERES ne produirait pas, cette année, de liste de référence en littérature française et en littérature comparée. La discussion sera poursuivie, d'ici un an, pour faire le point sur la situation.

23 septembre 2008

Pierre Glaudes et William Marx,

délégués scientifiques auprès de l'AERES